[EN IMAGES] Découvrez ces 9 artistes civils et militaires qui ont «instagrammé» Québec aux siècles passés
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Comme ville de garnison, Québec a vu se succéder des milliers de soldats, officiers et civils britanniques aux 18e et 19e siècles, certains y séjournant de quelques mois à quelques années, certains y restant de manière permanente. Parmi eux se trouvaient de véritables artistes qui ont représenté de nombreux aspects de la ville. Leurs œuvres ont permis de faire connaître Québec dans tout l’Empire britannique et offrent une documentation précieuse sur la vie d’autrefois, avant l’arrivée de la photographie. S’ils avaient vécu aujourd’hui, ces artistes auraient sans doute été très populaires sur Instagram!
1) Hervey Smythe (1734-1811)
Ce militaire anglais participe à l’expédition contre Louisbourg, à l'Île-Royale (île du Cap-Breton), en 1758. C’est alors qu’il devient l’un des officiers favoris de James Wolfe: le général le nomme aide de camp pour la campagne de Québec, à l’été 1759. Le jeune homme sera donc aux premières loges pour assister au siège de Québec et aux batailles qui vont mener à la prise de la ville.
Outre sa fonction d’officier, Smythe sert aussi l’armée comme peintre topographe. Pourquoi? Tout simplement parce qu’être capable de bien représenter les lieux et les paysages peut s’avérer utile dans une stratégie militaire: la connaissance du panorama fournit de précieuses informations défensives et aide les commandants à décider des mouvements de leurs troupes. Les cours de dessin font d’ailleurs partie de la formation des officiers à cette époque, au même titre que l’étude des traités militaires et le maniement des armes! Leur utilité stratégique explique la présence de nombreux artistes topographes pendant une grande partie des 18e et 19e siècles.
Blessé lors des affrontements de 1759, Hervey Smythe doit rentrer en Angleterre. Il emporte toutefois les croquis réalisés dans la vallée du Saint-Laurent. Son dessin de l’attaque de Québec, qui est gravé et publié à Londres vers 1760, est assurément son œuvre la plus célèbre: elle ressurgit chaque année, en septembre, lors de la date anniversaire de la prise de Québec. Smythe finira ses jours en Angleterre, souffrant toujours de cette vieille blessure mal guérie, petit «souvenir» de la bataille des plaines d'Abraham...
2) Richard Short (séjour à Québec en 1759-1760)
On sait peu de choses sur cet officier de marine, sinon qu’il était aussi topographe et qu’il a servi sur plusieurs navires britanniques pendant la guerre de Sept Ans, entre 1754 et 1766. Il s’est ainsi «promené» entre l’Acadie, le Canada, les Antilles et les îles Britanniques.
Richard Short se trouve sur l’un des navires de la flotte accompagnant les troupes de James Wolfe en 1759. Si on ne connaît pas son implication personnelle lors des affrontements militaires, on sait en revanche qu’il s’en sort indemne, puisqu’il immortalise Québec après les bombardements. Ses Vues de Québec, 12 illustrations publiées en 1761, montrent les principaux édifices, ceux de la Haute-Ville étant fortement abîmés, ceux de la Basse-Ville, relativement épargnés.
Quand on examine les images, on peut remarquer que l’échelle, la perspective et les détails des édifices ne sont pas tout à fait conformes à la réalité. Par exemple, les bâtiments montrant des lieux de pouvoir, comme le palais de l’intendant, le palais épiscopal et la place en face de l’église Notre-Dame-des-Victoires paraissent beaucoup plus imposants qu’ils ne l’étaient en réalité. Ces déformations sont peut-être dues aux graveurs anglais qui ont reproduit les images: en effet, ce qu’on peut voir aujourd’hui ce sont les gravures qui ont été faites d’après les dessins de Short, mais les originaux n’ont pas été retrouvés.
3) James Peachey (naissance inconnue-1797)
On ne connaît ni les origines ni les années de formation de James Peachey. À la fois officier, arpenteur et artiste, il fait trois séjours en Amérique du Nord. Il passe notamment quelque temps dans la région de Québec, dans la décennie 1780, comme le révèle sa production artistique. Son état-major lui passe alors une commande, soit celle de dresser divers panoramas, dénivelés et bâtiments pour les besoins de l’armée.
En 1785 et 1786, ses aquatintes représentant des paysages canadiens sont publiées à Londres, tandis que plusieurs de ses œuvres originales sont exposées dans des lieux prestigieux. Plusieurs historiens de l’art s’entendent pour dire que ses œuvres ont influencé la conception que les Anglais se faisaient du Canada.
4) Thomas Davies (vers 1737-1812)
Un autre officier et aquarelliste talentueux ayant «croqué» Québec à la fin du 18e siècle est Thomas Davies. Comme bien des officiers de son temps, il suit des cours de dessin à la Royal Military Academy de Woolwich. Si les topographes se contentent souvent de produire des dessins minutieux mais sans grande imagination, certains se démarquent par la beauté de leurs croquis ou de leurs aquarelles, qui deviennent même des œuvres de collection. Ce sera le cas de Davis.
Dès 1756, il séjourne avec l’armée britannique en plusieurs endroits d’Amérique du Nord, mais ce n’est que dans la décennie 1780 qu’il vient à Québec. En plus de faire quelques aquarelles montrant la ville, il en profite pour représenter plusieurs endroits caractéristiques de la région avoisinante, comme Château-Richer, le cap Tourmente et les chutes de la Chaudière. C’est pendant ce séjour que Davies exécute ses plus belles œuvres, raffinant son style de manière remarquable.
Dans ses tableaux, une grande attention est portée à la faune et à la flore ainsi qu’aux éléments hydrographiques, ce qui correspond bien à l’intérêt croissant pour l’histoire naturelle. On aime alors beaucoup les représentations énergiques où la force de l’eau (chutes, rivières) contraste avec le calme des arbres et des montagnes. Ces magnifiques œuvres permettent au public des grandes capitales européennes de fantasmer sur les grands espaces nord-américains...
5) James Pattison Cockburn (1779-1847)
Pour les personnes qui s’intéressent aux représentations anciennes de Québec, le nom de Cockburn est familier. C’est en effet un artiste prolifique qui a laissé des dizaines et des dizaines de croquis et aquarelles de la ville et de la région au 19e siècle! Ce commandant d’artillerie, qui est également peintre et topographe, vient à Québec à deux reprises. Pendant son séjour de 1826-1832, il crée un nombre impressionnant d’esquisses et d’aquarelles mettant en vedette la ville de Québec.
Si plusieurs artistes préfèrent représenter les campagnes et la vie rurale, Cockburn est définitivement un passionné de scènes urbaines. Il recourt à de vibrantes couleurs pour illustrer tantôt des flâneurs, tantôt des militaires. Ses œuvres montrent avec beaucoup de détails les rues, tavernes et auberges, les lieux de promenade, les ouvrages défensifs comme les portes et les fortifications... et on décèle même les interactions entre les personnes représentées! Elles permettent aussi de documenter des éléments aujourd’hui disparus. Ces informations visuelles sont d’une grande valeur historique, car elles offrent des coups d’œil inédits de la vie à Québec au 19e siècle.
6) Mary Millicent Chaplin (1790-1858)
Seule femme de cette série d’artistes, Mary Millicent Chaplin est liée à la vie militaire puisqu’elle est l’épouse du lieutenant-colonel Thomas Chaplin, des Coldstream Guards, un régiment stationné au Canada entre 1838 et 1842. On sait peu de choses sur sa vie, mais elle a créé de nombreux et splendides dessins à la mine de plomb, rehaussés d’aquarelles montrant des paysages de la vallée du Saint-Laurent.
Ses œuvres dénotent un intérêt évident pour les paysages naturels, mais aussi pour les habitants, les moyens de transport et les coutumes. Ce sont aussi de formidables documents pour comprendre l’évolution du patrimoine bâti!
7) Robert A. Sproule (vers 1800-1845)
Contrairement aux artistes présentés jusqu’ici, l’Irlandais Robert Sproule n’est pas militaire. Ce professeur de dessin et aquarelliste arrive au Canada en 1826. Il vit un temps à Montréal, ensuite dans divers villages de ce qu’on appelle alors le Haut-Canada, correspondant à l’Ontario actuel.
Sproule a notamment peint des vues de Québec à l’aquarelle. Pourtant, on le connaît surtout pour les lithographies qu’il a faites à partir d’œuvres de collègues artistes. La lithographie est un procédé par lequel on transpose une image en la gravant sur un support dur, ce qui permet ensuite d’en imprimer un grand nombre d’exemplaires. Jusqu’alors, les images étaient produites en Europe, alors Sproule va contribuer à introduire le procédé lithographique au Canada.
8) George Heriot (1759-1839)
C’est en comme élève officier de la Royal Military Academy de Woolwich que cet Écossais s’initie au style pittoresque, une vision du paysage qui recherche les éléments naturels accidentés, les chutes d’eau, les montagnes ainsi que la représentation des villes et villages avec leur nature environnante. Ce style sera très présent dans ses aquarelles et croquis.
Délaissant la carrière militaire pour occuper des postes administratifs civils, c’est en 1792 qu’il est muté à Québec. Il séjourne dans la ville jusqu’en 1816, repartant à quelques reprises en Grande-Bretagne pour mieux revenir, changeant d’emploi (trésorier, maître de poste, etc.), mais continuant toujours à manier crayons et pinceaux! Son style se peaufine entre 1792 et 1816, les paysages représentés devenant plus précis et «majestueux».
8) Henry Bunnett (1845-1910)
Né à Gênes, en Italie, c’est en 1885 que Henry Bunnet s’embarque pour le Canada à titre de sergent, avant d'être capitaine dans les Victoria Rifles de Montréal. Au cours des quatre années qu’il passe ici, il crée de nombreuses peintures et dessins topographiques, la plupart étant des commandes. En effet, le célèbre mécène montréalais David Ross McCord lui demande de représenter les lieux et les bâtiments importants d’un peu partout au Québec. Bunnett se met à la tâche et crée donc un grand nombre d’œuvres qui viendront enrichir la collection de ce qui deviendra le Musée McCord.
Parmi ses œuvres, plusieurs illustrent magnifiquement Québec et ses environs. L’emploi de couleurs profondes pour créer les ciels et les plans d’eau est un régal pour les yeux!
Pas de doute, les artistes civils et militaires venus à Québec aux 18e et 19e siècles ont joué un rôle important dans notre compréhension de la ville. Leurs croquis, aquarelles, gravures et peintures à l’huile permettent en effet d’enrichir notre connaissance du passé de Québec, de ses panoramas et de ses habitants d’autrefois!
Un texte de Catherine Ferland, historienne, Rendez-vous d’histoire de Québec
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