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[EN IMAGES] Tout ce qu’il faut savoir sur les canons à Québec



Québec est une ville fortifiée. À la période coloniale, elle a été la capitale militaire de la Nouvelle-France, puis de la province of Quebec, du Bas-Canada et de la province du Canada. Elle était une ville de garnison. On retrouvait sur ses fortifications de nombreux canons. Lors du départ de la garnison britannique de Québec en 1871, la majorité de ces pièces d’artillerie sont retournées en Angleterre. Néanmoins, l’état-major britannique a laissé sur place de très nombreuses pièces.

Il y a quelques années, Parcs Canada a fait l’inventaire de l’artillerie patrimoniale toujours en place à Québec, que ce soit sur les remparts, à la Citadelle, sur les plaines d’Abraham ou à différents autres endroits, qu’ils soient publics ou privés. Ainsi, on découvre un arsenal plutôt impressionnant. On dénombre 120 canons, 62 caronades, 24 mortiers et 12 obusiers. Et contrairement à ce que bien des gens croient, ce sont tous des originaux. Il n’y a aucune reproduction. Suivez-nous donc dans une visite de tout ce qui concerne les canons toujours en place à Québec.

1) Les types de canons présents à Québec  

L'arsenal colonial de Québec est composé de quatre types d'armes toujours présentes dans la ville fortifiée et sur les plaines d'Abraham. Il s'agit des canons, des caronades, des obusiers et des mortiers.

Le canon était l'arme la plus puissante. Ceux de Québec sont en fonte. Il y en avait de différents calibres qui tiraient des boulets pleins, également en fonte. Il s'agissait d'une arme lourde destinée à détruire les défenses ennemies. C'est le type d'arme qu'on retrouve le plus souvent à Québec et sur lequel les touristes aiment se faire photographier.

Un canon sur un affût de combat. Photo Jean-François Caron

La caronade était plus courte et moins puissante. Elle était donc utilisée pour des cibles rapprochées, dans les fossés d'un rempart, par exemple. Elle tirait des boulets, mais également de la mitraille. C'était alors une arme antipersonnel. Elle doit son nom à la fonderie Carron de Falkirk, en Écosse, où elle a été mise au point.

Une caronade sur un affût de combat. Photo Jean-François Caron

L'obusier se situait entre le canon et la caronade et son diamètre était plus large. Il lançait des obus ou des bombes. Enfin, le mortier était court et servait à faire des tirs verticaux destinés à atteindre une cible rapprochée, mais dissimulée derrière un obstacle qu'on surpassait. (Les descriptions des projectiles suivent au point 5.)

Un mortier sur un affût de paix. Photo Jean-François Caron

2) Les batteries  

Une section de la Grande Batterie en 1898. Photo BAnQ, Fonds Fred C. Würtele

Une batterie est un ensemble de pièces d'artillerie. Elles étaient situées à un point faible de la fortification pour dissuader l'ennemi de s'y attaquer, ou encore à un endroit stratégique de commandement, c'est-à-dire un emplacement d'où on dominait l'ennemi.

Dans l'enceinte fortifiée de Québec, on retrouve des batteries françaises et britanniques, généralement situées à des points de commandement, en bordure de la falaise qui domine l'estuaire de la rivière Saint-Charles et le fleuve Saint-Laurent. 

Ainsi, sur la rue des Remparts, on retrouvait la batterie des Sœurs; face à l'Hôtel-Dieu, la batterie Hope; au sommet de la côte de la Canoterie, la batterie Demi-Lune; au-dessus des quais Renaud, et, à l'extrémité est de la rue de la Vieille-Université, la batterie Saint-Charles, laquelle est toujours armée de mortiers. 

Face au Séminaire et au parc Montmorency se trouve la Grande-Batterie, toujours armée de canons montés sur des affûts pivotants. On retrouvait aussi des batteries derrière le mur surplombant le cap Diamant; leurs vestiges se retrouvent aujourd'hui sous la terrasse Dufferin. 

Enfin, il y en avait également en Basse-Ville, dont la célèbre batterie Royale située dans le quartier de la place Royale.

3) Les poudrières  

La poudrière de l'Esplanade de la rue Saint-Louis. Photo Jean-François Caron

Une ville fortifiée devait compter plusieurs poudrières. Elles étaient construites en périphérie, près du rempart, pour ne pas être exposées au tir ennemi. Elles étaient également réparties tout au long du pourtour de l’enceinte pour ne pas concentrer la poudre au même endroit. Les fortifications de Québec en comptent plusieurs, construites tant au Régime français que sous l’administration britannique. 

On en retrouve deux à la Citadelle: l’une française (1750), aujourd’hui un musée militaire, et l’autre britannique (1830), aujourd’hui une chapelle. Il y en avait une au parc de l’artillerie; il n’en reste que des vestiges que l’on peut visiter. La poudrière de l’Esplanade (1807), située près de la porte Saint-Louis, existe toujours aujourd’hui. Elle est occupée par Parcs Canada, mais elle n’est malheureusement plus accessible au public. 

Enfin, il y avait une poudrière située à l’Hôtel-Dieu. Construite au début du XIXe siècle, elle était localisée sur la rue des Remparts. Elle abrite aujourd’hui la chaufferie de l’hôpital. Sans un œil averti, il est maintenant difficile de la discerner. Les poudrières étaient toujours entourées d'un mur de garde qui devait retenir le souffle d'une déflagration en cas d'explosion accidentelle.

4) Les entrepôts d'affûts  

L'entrepôt d'affûts à canon du parc de l'Artillerie. Photo Wikimedia Commons

Pour permettre leur déplacement et leur manœuvre, les canons étaient posés sur des bases appelées des affûts. En temps de paix, ils étaient en métal pour résister longtemps aux intempéries. Par contre, en temps de guerre, les affûts étaient en bois. Ainsi, si un boulet ennemi le percutait, il se brisait et empêchait ce boulet de ricocher et de faire davantage de dégâts.

Les affûts inutilisés étaient conservés dans un entrepôt situé dans la gorge du bastion Saint-Jean, aujourd'hui le parc de l'Artillerie. D'abord construit en bois sur des fondations de maçonnerie en 1815, il est totalement reconstruit en maçonnerie et coiffé d'une toiture de tôle à baguettes entre 1831 et 1841. 

La particularité architecturale de cet édifice est qu'il a été construit dans une pente. Par conséquent il est en escalier, à cinq paliers. Quatre sections comportent deux portes doubles et une fenêtre, alors que la cinquième, la plus basse, était deux fois plus petite. Elle était occupée par une forge, atelier indispensable en artillerie. Aujourd'hui, l'ensemble abrite des bureaux et de l'entreposage. À compter de 1879, on utilisera un nouvel entrepôt situé derrière la maison Sewell, au coin des rues D'Auteuil et Saint-Louis.

5) Les projectiles  

Gros parc à boulets situé dans la cour du Cercle de la Garnison. Photo Jean-François Caron

Les pièces d'artillerie décrites précédemment tiraient des projectiles de toutes sortes. D'abord, les canons utilisaient des boulets, à savoir des boules de fonte de divers poids et tailles, selon le calibre de l'arme. Ils servaient à détruire la défense adverse en créant des brèches dans les remparts par des tirs répétés.

Les caronades tiraient non seulement des boulets, mais aussi de la mitraille (shrapnel), c'est-à-dire des débris de métaux enfermés dans des boîtes ou dans des sacs de toile. Ils utilisaient également des grappes de raisins, soit des assemblages de petits boulets. Aucun assaillant ne pouvait survivre à de telles décharges.

Quant aux canons-obusiers, ils lançaient des obus, c'est-à-dire des boulets creux remplis de poudre, ou des bombes incendiaires, celles-ci étant remplies de matière inflammable. Ces engins explosaient lors de l'impact, ou ils explosaient à retardement grâce à une fusée ou à une mèche insérée dans le projectile.

On conservait les boulets à proximité des canons et des batteries dans un parc à boulets, soit un empilement de boulets retenus par un cadre; ils épousaient la forme d'une pyramide. Des parcs à boulets sont toujours en place au parc de l'Artillerie, près de l'entrepôt d'affûts de canon, et dans la cour du Cercle de la Garnison.

Petit parc à boulets situé au parc de l'Artillerie. Photo Jean-François Caron

6) Le tir à barbette  

Canon monté sur un affûts pivotant pour un tir à barbette. Photo Jean-François Caron

Dans une fortification bastionnée, comme celle de Québec, la partie supérieure du rempart s'appelle le parapet. C'est dans cette section que sont percées les embrasures à canon. Le canon s'y engouffre pour tirer sur l'ennemi, alors que les artilleurs sont protégés du tir adverse par le parapet. 

Le bastion est constitué de deux faces et de deux flancs. Les embrasures sont généralement situées dans les flancs, ce qui permettait à des bastions voisins de se protéger mutuellement par des tirs croisés. L'amplitude de tir est toutefois limitée par l'ouverture restreinte des embrasures. 

C'est pourquoi il existait une autre façon de tirer, soit le tir à barbette. Pour ce faire, les canons étaient montés sur des affûts pivotants et ils tiraient par-dessus le parapet. 

Contrairement au tir d'embrasure, les artilleurs étaient exposés, mais l'amplitude de tir était beaucoup plus étendue. C'est ainsi que les 21 canons de la Grande Batterie du parc Montmorency sont installés. Ils pouvaient donc balayer de leurs tirs l'estuaire de la rivière Saint-Charles et la rade du port. 

On peut également voir les vestiges de deux pivots d'affût rotatif au bastion des Ursulines, derrière le stationnement des calèches de la rue D'Auteuil.

7) Les canons russes  

Les canons russes de la terrasse Dufferin. Photo Jean-François Caron

Les canons coloniaux étaient toujours identifiés. Ainsi, sur chacun d'eux, on aperçoit l'emblème de son pays ou celui de son souverain régnant. À Québec, il s’agit essentiellement de canons britanniques. Ils arborent presque tous l'emblème du roi ayant régné sur le Canada de 1760 à 1820, soit pendant 60 ans. Il est composé des lettres «G» et «R» entrelacées avec le chiffre «3», ce qui signifie «Georgius III Rex», c'est-à-dire le roi George III. L'ensemble est surmonté de la couronne britannique.

Toutefois, depuis 1860, on retrouve deux canons russes sur la terrasse Dufferin, au pied du jardin des Gouverneurs. Ils sont facilement reconnaissables aux anciennes armoiries de la Russie gravées sur chacun d’eux: l’aigle à deux têtes couronnées. On y retrouve également des caractères cyrilliques. 

Ils datent de 1749 et proviennent du butin de la guerre de Crimée (1853-1856). Ils ont été saisis par la France à la tour Malakoff lors du siège de Sébastopol le 8 septembre 1854. La France les donne alors à son allié du moment, la Grande-Bretagne, qui les offre à son tour au Canada. Belle curiosité militaire.

Les canons russes de la terrasse Dufferin (détail). Photo Jean-François Caron

8) Les canons endommagés  

Le canon faisant office de chasse-roue sur la rue du Trésor. Photo Jean-François Caron

Lors de tirs répétés, les pièces d'artillerie, bien qu'étant en fonte, étaient exposées à de hautes températures et à de violentes détonations. Par conséquent, il n'était pas rare que les canons s'endommagent et deviennent inutilisables. On pouvait alors les refondre pour en couler des nouveaux, mais généralement, on s'en servait pour d'autres fonctions.

Par exemple, un canon détérioré pouvait être en partie enfoui verticalement dans le sol pour le faire pointer vers le ciel. Il servait alors de pivot pour les affûts rotatifs, comme ceux de la Grande Batterie de la rue des Remparts et du parc Montmorency. Parfois, des canons avariés étaient utilisés en guise de chasse-roues pour protéger les coins de mur des voitures lors de virages serrés. De tels chasse-roues flanquaient les ouvertures des portes des fortifications. 

De nos jours, il en existe toujours un en place au coin nord-ouest des rues du Trésor et Sainte-Anne, face à la place d'Armes. Une autre belle curiosité militaire.

9) Le coup de canon de midi  

La tour de la boule du bastion Mann, Citadelle de Québec. Photo WayMarking

L'été, à midi, au grand plaisir des touristes, un coup de canon retentit depuis la Citadelle. Cette coutume remonte à une époque ancienne. Au XIXe siècle, pour pouvoir déterminer avec précision leur emplacement, les navigateurs devaient avoir avec eux des horloges et des chronomètres fiables et à l'heure. 

C'est dans ce contexte qu'en 1852, un observatoire astronomique et une tour à boule font leur apparition dans le bastion Mann de la Citadelle. Il s'agissait d'un dispositif qui permettait aux capitaines d'ajuster précisément leurs horloges. Au sommet d'une tour visible à partir des bateaux, une boule glissait le long d'un mât. 

À midi, la boule positionnée en haut du mât tombait, indiquant ainsi aux observateurs l'heure précise. De plus, par un système à lentille, le soleil zénithal mettait le feu à la poudre d'un canon qui tonnait donc à midi précis. C'est l'un des plus anciens systèmes de signal horaire au pays. Bien que l'observatoire de la Citadelle soit transféré sur les plaines d'Abraham en 1874, la tour de la boule sera exploitée jusqu'en 1890. Par la suite, elle demeurera en place, tout comme la coutume du coup de canon de midi, mais de façon manuelle.

10) Des collections uniques  

La collection de canons allemands de la Première Guerre mondiale située derrière le Manège militaire de la Grande Allée. Photo Jean-François Caron

Outre les deux canons russes de la terrasse Dufferin, deux collections exceptionnelles attirent l'attention. D'abord, face au mât de drapeau du terrain des sports des plaines d'Abraham se trouve la collection Price. Il s'agit de neuf pièces d'artillerie qui ont été léguées à la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN) par la succession d'Herbert Molesworth Price. Un dixième canon complète cette collection. Il a été restauré et est conservé à l'intérieur en raison de sa fragilité. La pièce la plus ancienne provient d'un navire de la flotte de Walker échoué à l'Île-aux-Œufs en 1711.

La CCBN gère également une autre collection. Il s'agit de sept canons allemands saisis lors de la Première Guerre mondiale. Ils étaient disséminés sur les plaines d’Abraham avant d'être réunis pour marquer le retour du régiment des Voltigeurs de Québec au Manège militaire en 2018. Ces trophées de guerre avaient une valeur de symbole aux yeux de plusieurs membres des Voltigeurs qui ont participé aux batailles lors desquelles ces canons ont été confisqués. Par exemple, l'un d'eux a été saisi lors de la bataille de la crête de Vimy d'avril 1917 au cours de laquelle les militaires canadiens se sont imposés comme un groupe de combattants redoutables.

Un texte de Jean-François Caron, historien, Société historique de Québec  

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