[EN IMAGES] Retour sur des drames ayant secoué la petite communauté de Val-Bélair en 1948
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Le mercredi 28 juillet 1948 est une journée d’élections provinciales. C’est le cas à Saint-Gérard-Majella (aujourd’hui Val-Bélair), une petite communauté rurale de moins de 1500 habitants à 30 km au nord-ouest de Québec.
«C’était une journée où il y avait beaucoup de monde gai», confirme un habitant des lieux. Au centre du village, l’épicerie-restaurant d’Alfred Boivin est un lieu de rencontre où l’on mange et où l'on consomme de l’alcool. Ces réjouissances se termineront malheureusement de manière dramatique.
Ovila Vallières
Ovila Vallières est un jeune homme de 22 ans appartenant à une famille nombreuse de Saint-Gérard. Il a perdu sa mère trois ans plus tôt et demeure avec ses proches, sur une ferme non loin du village.
En juillet 1948, il est bûcheron au camp de la rivière aux Pins. «C’est un bon garçon», souligne le maire de Saint-Gérard. Il précise toutefois qu’il pouvait être chicanier: «Quand il prenait un coup, des fois, c’est arrivé, mais il n’en prenait pas souvent». Ovila fréquente, depuis deux ou trois ans, une fille de 19 ans du nom de Desneiges Bédard, fille qu’il doit épouser le 23 octobre suivant.
Desneiges Bédard
Née à Saint-Gérard, Desneiges Bédard appartient à une famille de 11 enfants. Son père vient de mourir, le 15 mai 1948. Le 28 juillet 1948, sa mère est enceinte. Elle décédera le 9 août suivant, à la naissance du 12e enfant.
Desneiges demeure avec sa grand-mère et sa tante, juste de l’autre côté du restaurant Boivin. En juillet 1948, elle travaille depuis deux mois à Québec, à la manufacture de tabac B. Houde & Grothé.
Hector Rochette
Cultivateur de 47 ans, Hector Rochette demeure non loin du village. Il est père de cinq jeunes filles, dont la plus vieille a 23 ans, et de deux garçons, dont le dernier vient de naître, le 11 mars 1948.
La veille des élections du 28 juillet 1948, Hector Rochette avait rencontré Gérard Légaré, qui l’avait informé qu’il avait déjà eu connaissance de certains incidents à propos de ses jeunes filles. À cela, Rochette avait alors répondu: «Une autre fois, si tu t’aperçois de quelque chose, tu m’en avertiras». C’est ce qu’il fera le soir du 28 juillet.

Les événements
En ce jour d’élections, Ovila et Desneiges se rencontrent exceptionnellement. Le couple voit des parents et amis, se rend ensuite au restaurant Boivin, dans le village, puis va veiller chez Raymond Daigle, qui demeure à proximité.
Vallières et sa compagne partent à pied vers 22h et s’arrêtent devant la ferme de Hector Rochette. Ils s’assoient derrière une corde de bois. Quelques minutes plus tard, deux adolescents arrivent et s’arrêtent pour causer avec Marie-Blanche Rochette, âgée de 14 ans, devant la demeure de ses parents. L’un des garçons remarque qu’il y a un couple derrière la corde et en fait part à Marie-Blanche.
Pendant que les adolescents causent, une automobile passe. C’est Auguste Beaupré, qui revient de Québec avec Gérard Légaré. Il aperçoit Marie-Blanche et les deux garçons et s’empresse d’en avertir Rochette, qui se trouve au restaurant d’Alfred Boivin. Les trois partent aussitôt interroger sa fille encore dehors, mais seule. Elle informe son père de la présence des intrus.

Rochette décide d’aller voir ce qu’il en est. Apeurée, Desneiges se lève et part en courant le long de la clôture. Rochette la rejoint et s’écrie: «Je l’ai!» ou «Je les ai!». Affolée, elle lui dit: «Parlez pas. Si chez nous ils savaient cela.» À ce moment, Rochette reçoit un coup de bâton sur la tête et s’effondre.

Décès d’Hector Rochette
Inconscient, Hector Rochette est transporté dans la maison de Joseph Bossé, située non loin. Vers 9h le lendemain, son état s’aggravant, on le transporte à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, où il décède le 30 juillet. L’autopsie faite le lendemain confirme une fracture du crâne résultant d’un coup ainsi qu’une hémorragie cérébrale considérable. Le coup aurait été d’une violence assez prononcée, donné avec un instrument contondant.

Procès d’Ovila Vallières et de Desneiges Bédard
Le 31 juillet, le coroner tient Ovila Vallières et Desneiges Bédard conjointement responsables de la mort de Rochette.
Après enquête, Ovila est accusé de meurtre et Desneiges, de voies de fait. Le 23 octobre 1948, jour où le couple devait se marier, un jugement conclut qu’Ovila est coupable de meurtre et il est immédiatement condamné à être pendu le 25 février suivant. Toutefois, la cause est portée en appel. Un nouveau jugement le condamne pour homicide involontaire. Vallières est alors condamné à 12 ans de pénitencier.
Desneiges Bédard, quant à elle, est accusée de voies de fait. Le 22 avril 1949, après avoir choisi un procès expéditif, elle est condamnée à payer 50$. Il faut mentionner que par une déclaration volontaire faite le 26 novembre 1948, au moment de la tenue de son enquête préliminaire, elle permet la réouverture d’une autre affaire: la noyade accidentelle de Gérard Beaumont de Saint-Gérard en juin 1947. Il s’agissait plutôt d’un meurtre. Elle dénonce trois personnes, dont Auguste Vallières, 19 ans, frère d’Ovila. Il sera condamné pour homicide involontaire, à 8 ans de pénitencier, en mars 1952.
Des vies brisées
Cette histoire est d’une très grande tristesse. Elle est survenue lors d’une journée qui se voulait joyeuse et festive. Elle laisse des orphelins; plusieurs familles sont éprouvées. À la fin du mois de novembre 1948, avec l’affaire Beaumont, c’est le choc à Saint-Gérard.
Un journal publiera: «À St-Gérard-Majella, hier, le grand sujet de conversation c’était le drame de juin 1947 [meurtre de Beaumont] et les commentaires allaient leur train. Dans toutes les demeures et sur la place de l’église, on discutait les circonstances de la mort du jeune Gérard Beaumont et on parlait de la façon dont la Sûreté provinciale a été amenée à éclaircir toute l'affaire. De braves citoyens déploraient le malheur qui venait à nouveau de frapper la paroisse de St-Gérard.»
Aujourd’hui décédés, Ovila Vallières et Desneiges Bédard ont vu, par ce tragique événement du 28 juillet 1948, leur destin changé à jamais. Ils ont refait leur vie, mais séparément.
Un texte de Rénald Lessard, archiviste-coordonnateur, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
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