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[EN IMAGES] 9 pierres patrimoniales à visiter à Québec pour redécouvrir l’histoire de la ville



On a dit de Québec qu’elle était de roc et de pierres. Au fil du temps, plusieurs maçons et tailleurs de pierre y ont donc travaillé, dans la poussière et le bruit. Ces derniers dégrossissaient la pierre et lui donnaient des dimensions manœuvrables. Par ailleurs, ils ont également élaboré beaucoup d’éléments d’ornementation destinés à enjoliver les façades des bâtiments. Souvent, ces pierres ornementales étaient de véritables chefs-d’œuvre. Taillées dans une matière très résistante, plusieurs ont traversé le temps et sont parvenues jusqu’à nous, devenant ainsi des témoins d’une époque révolue.

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Les types de pierre et leur provenance 

Les édifices de Québec sont généralement construits en pierre. C’est qu’il y avait plusieurs sources d’approvisionnement situées à proximité. Sous le Régime français, on utilisait du schiste, aussi appelé la pierre noire du cap. Abondant, mais de mauvaise qualité, on l’utilisait pour les parements extérieurs, mais avec un recouvrement de crépi, à l’intérieur et pour les fondations. La rue des Carrières porte ce nom du fait qu’elle conduisait à une carrière de schiste.

La carrière de la rue des Carrières, située où on retrouve aujourd'hui l'escalier qui conduit à la rue Saint-Denis. Photo courtoisie Stéphane Lamontagne

On utilisait également le calcaire des carrières situées en bordure de la rivière Beauport. Le Manège militaire de la Grande Allée est un bel exemple d’un bâtiment construit avec cette pierre. Toutefois, sous le Régime britannique, le calcaire proviendra principalement de Pointe-aux-Trembles, dans Portneuf. Néanmoins, le bas-relief du Chien d’Or a été taillé, sous le Régime français, dans du calcaire de Pointe-aux-Trembles. Le calcaire chauffé et réduit en poudre servait également à la production de la chaux et du mortier.

Enfin, à partir des années 1740, on utilisera abondamment la pierre de grès provenant de Sillery et de Cap-Rouge. Il s’agit d’une pierre très dure, difficile à tailler, d’où son utilisation tardive, mais très résistante. Les fortifications de Québec sont essentiellement construites en grès vert.

1) Le chevreuil du faubourg  

La pierre millésimée du chevreuil, située sur la rue Saint-Jean. Photo courtoisie Pierre Lahoud

Plusieurs bâtiments sont ornés, en façade, d’une pierre millésimée indiquant leur année de construction. Il y en a de tous les styles, certaines étant très simples, d’autres, plutôt élaborées. 

Au 774 de la rue Saint-Jean, face à l’ancienne église St. Matthew, il s’en trouve une tout à fait remarquable. Il s’agit d’une tête de chevreuil portant le millésime 1860. 

Autrefois, les chiffres étaient dorés. Cet édifice a été construit pour la Franco-Américaine Rosalie Dubeau, veuve de John Wilson. Elle opérait une confiserie dans le faubourg Saint-Jean. Elle commande un édifice de trois étages, mais comme il était situé directement sur la rue commerciale, on y trouvait un commerce au rez-de-chaussée et des logements aux étages. 

C’est l’architecte Narcisse Larue qui en dessine les plans dans un style néo-Renaissance alors très en vogue à Québec. Larue ayant des origines de maçon, on y trouve une ornementation de pierres taillées particulièrement élaborée. Ainsi, le chevreuil était peut-être son idée, mais on ignore sa motivation. 

À ses extrémités, l’architrave de la façade est supportée par deux colonnes surmontées de têtes d’homme. Certains prétendent qu’il s’agirait de John Wilson. Peut-être était-il un amateur de chasse?

2) Le fronton du collège des Jésuites  

Le fronton du collège des Jésuites, situé face à l'hôtel de ville de Québec. Photo courtoisie J.F. Caron

En 1647, les jésuites amorcent la construction de leur collège à l’emplacement de l’actuel hôtel de ville de Québec. Lors de la Conquête, les jésuites doivent le partager avec les militaires britanniques, qui le réquisitionnent pour en faire une caserne. En 1773, la Compagnie de Jésus est supprimée et leurs biens sont immédiatement placés sous la tutelle de la Couronne. En 1888, cette propriété est cédée à la Ville en vue d’y construire l’actuel hôtel de ville.

De nos jours, face à l’hôtel de ville, on trouve l’ancien fronton qui coiffait le portail de l’ancien collège des Jésuites. Ce fronton arbore le monogramme «IHS» surmonté d’une croix. Plusieurs croient que ces lettres signifient Jesus Hominum Salvator, c’est-à-dire «Jésus sauveur des hommes». Elles sont plutôt l’abréviation grecque du nom de Jésus: Ihsous. On le trouve également sur un mur de la rue Dauphine, derrière la chapelle des jésuites. Celui-là est rehaussé de rouge. De plus, derrière les lettres, on aperçoit le cœur sacré de Jésus ainsi qu’un soleil représentant le rayonnement de la foi. Cet ensemble comporte parfois trois clous symbolisant la crucifixion, de même que les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

3) La pierre du YMCA  

La pierre du YMCA, théâtre Le Diamant. Photo courtoisie J.F. Caron

Au-dessus de la porte d’entrée du restaurant du théâtre Le Diamant de place D’Youville se trouve une belle pierre armoriée. Cet édifice était jadis occupé par la Young Men’s Christian Association (YMCA) qui s’y était établie en 1879. Conçu selon les plans de l’architecte Joseph-Ferdinand Peachy, on trouvait au rez-de-chaussée des commerces et une bibliothèque, ainsi qu’un gymnase et des allées de quilles aux étages. En 1898, on y fait même installer une piscine intérieure. Dans l’intervalle, en 1892, l’édifice avait été gravement endommagé par un incendie. Enfin, à la fin des années 1930, il est en partie démoli pour faire place au Cinéma de Paris voisin.

Les armoiries qui se situent au-dessus de l’ancienne entrée principale rappellent l’origine britannique du «Y». On y trouve en effet des éléments présents dans les armoiries de la Grande-Bretagne: le lion qui représente l’Angleterre et la licorne enchaînée qui représente l’Écosse. Elle est surmontée de fleurs emblématiques britanniques: la rose anglaise, le trèfle irlandais, le chardon écossais et la jonquille galloise. Enfin, une bible est ouverte sur l’évangile de saint Mathieu, au verset 8 du chapitre 23. Ce passage du livre rappelait aux membres qu’ils étaient tous égaux devant Dieu.

4) Le Chien d'or  

La pierre du bas-relief du chien d'or, située sur l'édifice Louis-S.-St-Laurent. Photo courtoisie J.F. Caron

La pierre du Chien d’or se trouve sur l’édifice Louis S. St-Laurent, situé sur le passage du Chien-d’Or. C’est Timothée Roussel qui l’a placée sur sa maison de la rue De Buade de 1688. En 1686, un certain Joseph Normand aurait tué le chien de Roussel. En réaction à cet acte, la pose de la pierre du Chien d’or et de son quatrain vengeur serait en quelque sorte une vengeance pacifique. Roussel s’était sans doute inspiré d’une pierre semblable située à Pézenas, en France. Néanmoins, la pierre du Chien d’or a été sculptée à Québec puisqu’elle est en calcaire de Pointe-aux-Trembles, dans Portneuf.

En 1735, la maison où le bas-relief se trouvait a été agrandie, puis elle a été démolie en 1872 pour faire place à l’Hôtel des Postes, lui-même agrandi en 1913. Chaque fois, le bas-relief a toujours été replacé bien en évidence. En 1748, le propriétaire de la maison du Chien d’or a été tué, dans la rue, face au bas-relief. Ce fait divers donnera naissance à une légende, Le Chien d’Or, popularisée par le roman de William Kirby. Cette histoire sera longtemps l’explication la plus populaire de la présence du bas-relief à cet endroit. Elle persiste encore.

5) La croix de Malte  

La pierre de la croix de Malte, Château Frontenac. Photo courtoisie J.F. Caron

Dès son arrivée à Québec en 1636, le premier gouverneur de la Nouvelle-France, Charles Huault de Montmagny, s’installe dans le fort Saint-Louis. En 1647, il fait raser le premier corps de logis de Champlain et y fait construire le premier château Saint-Louis. Montmagny était chevalier de l’ordre de Malte. Il aurait donc fait placer, sur la façade de l’édifice, une pierre arborant une croix de Malte avec le millésime 1647.

En 1694, Frontenac fait démolir le château de Montmagny pour en construire un nouveau. La pierre de la croix de Malte aurait été abandonnée sur place. En 1784, le gouverneur Haldimand fait construire un nouvel édifice: le château Haldimand. En nivelant le terrain, on trouve la pierre de la croix de Malte et on l’installe sur la façade du nouvel édifice. Lorsqu’il cède sa place au Château Frontenac en 1892, la croix de Malte est conservée et placée dans une niche du nouvel hôtel, sur la rue Saint-Louis. Lors de la construction de la tour centrale de l’hôtel en 1920-1924, la pierre est déplacée dans la cour d’honneur, bien en vue au-dessus de la porte cochère de la rue des Carrières. Elle s’y trouve toujours.

6) La pierre Migner  

La pierre Migner, coin chemin Sainte-Foy et avenue Moncton. Photo courtoisie J.F. Caron

Posée au sol, au coin du chemin Sainte-Foy et de l’avenue Moncton, se trouve une pierre armoriée plutôt singulière. Elle rappelle la présence des maisons Migner, qui s’élevaient jadis à cet endroit.

En 1902, la veuve du manufacturier de chaussures Octave Migner se fait construire deux luxueuses demeures sur le côté sud du chemin Sainte-Foy, près de ce qui deviendra l’avenue Moncton. Elle habite celle de l’ouest avec son fils Alexandre et sa famille. Sa fille Sophie, épouse du quincaillier Achille Picher, habite la maison de l’est. Ces maisons sont identiques, mais inversées pour donner un effet miroir. Les architectes Berlinguet et LeMay en avaient dessiné les plans. En façade, chacune est ornée de deux pierres portant le même blason. Il s’agit d’armoiries de fantaisie. 

En 1932, lors de l’ouverture de la rue Moncton, la maison de l’est est réduite en volume pour laisser passer la nouvelle rue. On récupère alors l’une des pierres à blason et on la place en façade de la maison tronquée. Plus tard, une autre pierre semblable sera placée au sol, au coin des rues. Elle s’y trouve toujours. Finalement, vers 1970, la maison de l’ouest est démolie pour faire place à l’actuelle école Anne-Hébert.

7) Le bas-relief maçonnique  

Le bas-relief des Francs-Maçons, rue des Jardins. Photo courtoisie J.F. Caron

L’origine de la franc-maçonnerie remonterait au Moyen Âge. Néanmoins, il n’est pas certain qu’il y ait eu des francs-maçons en Nouvelle-France, mais plusieurs officiers britanniques y adhéraient, de sorte qu’à la suite de la Conquête, au moins une loge maçonnique fait son apparition à Québec. D’autres s’ajouteront. Entre 1777 et 1796, les francs-maçons se rencontraient à la maison du Chien d’Or, qu’on appelait alors le Freemasons' Hall.

En 1861, les francs-maçons construisent un nouvel édifice qui abritera les différentes loges présentes à Québec. Il est situé sur la rue des Jardins, coin Saint-Louis. L’architecte Edward Staveley conçoit un bâtiment de style néo-Renaissance. Dans le fronton situé au sommet de la façade de l’édifice, juste au-dessus de la porte d’entrée, se trouve un curieux bas-relief. Il représente un livre ouvert symbolisant le Livre de la Loi sacrée (Bible, Torah ou Coran). 

Sur ce livre se trouvent une équerre et un compas, outils des maçons, mais également symboles maçonniques représentant le travail, le droit et le devoir pour l’un et la spiritualité pour l’autre. Le tout est surmonté d’un œil symbolisant la conscience. 

Les francs-maçons occupent toujours l’endroit et quiconque descend la rue Saint-Louis depuis l’ouest ne peut échapper au regard de cet œil.

8) Les pierres de borne militaires  

La pierre de borne militaire de l'Hôtel-Dieu, rue des Remparts. Photo courtoisie J.F. Caron

Une des constituantes de l’armée britannique est le puissant Board of Ordnance. Il fournit tout le matériel nécessaire à l’armée et à la marine. Il est responsable de la construction et de l’entretien des fortifications et autres structures militaires, et ce, partout où flotte le drapeau britannique. Tout ce qui lui appartient est identifié par ses initiales et une flèche pointant vers le haut.

Le Board of Ordnance faisait arpenter les propriétés sur lesquelles pourraient être construites des structures militaires. Pour marquer leurs limites, on plaçait des pierres de borne sur lesquelles apparaissent la flèche et les lettres «BO». Ces pierres sont allongées telles de petites colonnes et leur somment est arrondi. Leur dos est taillé en pointe et leur face est plate. Elles sont enterrées à mi-hauteur pour leur éviter de bouger ou d’être déplacées. 

On trouve toujours à Québec une vingtaine de ces bornes géodésiques et altimétriques: sur les rues Saint-Louis et Sainte-Geneviève, dans la côte de la Montagne, au parc de l’Artillerie, sur la rue des Remparts, au cavalier du Moulin, sur la rue de Maisonneuve et sur les plaines. Il y en a même une à Loretteville, en bordure de la rivière Saint-Charles.

9) Le portail du couvent des Récollets  

Portail de la résidence des prêtes du Séminaire de Québec, constitué des pierres du portail du couvent des Récollets. Photo courtoisie J.F. Caron

En 1681, les Récollets font l’acquisition d’un terrain situé au coin des rues Saint-Louis et du Trésor. C’est là que se trouvait la Sénéchaussée, le tribunal seigneurial de la Compagnie des Cent-Associés. Les religieux transforment cet ancien édifice en couvent et, en 1693, ils construisent une chapelle. Le 6 septembre 1796, le couvent et la chapelle sont détruits par un incendie.

Entre 1799 et 1804, on fait construire à cet endroit le palais de justice et la cathédrale anglicane. La tradition orale veut que, pour la construction du portail du palais de justice, on ait récupéré les pierres de celui du couvent des Récollets. Le 2 février 1873, le palais de justice est à son tour détruit par les flammes.

En 1880, on construit la résidence des prêtres du Séminaire de Québec. On récupère alors les pierres du portail du palais de justice, pierres présumées du couvent des Récollets, et on les intègre à l’une des arches du passage traversant le nouvel édifice. Ces pierres, toujours en place et bien visibles, sont témoins d’un passé révolu. Ce passage est accessible, face à l’entrée du Musée de l’Amérique française, située au 9 de la rue de la Vieille-Université.


Un texte de Jean-François Caron, historien, Société historique de Québec  

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