2021: l’année Safia Nolin
Tel que mentionné lors de ma critique originale, Safia Nolin a sûrement été l’artiste locale grand public la plus « punk » de l’année, tant elle a multiplié les prises de position – souvent justifiées en ce qui me concerne – sur la place publique.
Bien que la principale intéressée peut encore et toujours compter sur des fans passionnés, les trolls et haters demeurent malheureusement plus nombreux et, en dépit du désavantage numérique, Nolin persiste, signe, et se mettait même doublement en danger sur SEUM, paru en octobre dernier, qui est non seulement une grande œuvre, mais aussi un résumé fort efficace de l’année en cours.
MIEL ET VENIN
Tiré du mot arabe – sèmm – pour venin, « avoir le seum » est une expression populaire en France qui pourrait se traduire par « j’en ai marre » et Dieu sait qu’on a collectivement eu notre ras-le-bol cette année ! Raison de plus pour remettre ce maxi en évidence.
Ainsi, en 2021, Safia Nolin a présenté une nouvelle facette de son art : son côté indie rock. En compagnie du réalisateur Félix Petit (qui a également épaulé Hubert Lenoir, Les Louanges et Laurence-Anne par le passé), l’autrice-compositrice-interprète livre quatre pièces rock éthérées épatantes. Au passage, si vous aimez ce volet de SEUM, je vous invite aussi à (re)découvrir Hop Along, Vanille, Laura Stevenson, voire The Vaselines.
Côté folk, l’artiste ose en adaptant ce fameux matériel rock de façon plus intime, capté en une seule prise lors d’enregistrements extérieurs (et ça s’entend). À titre comparatif, cette « face B » de SEUM accompagnerait bien L’étrange pays de Leloup sur une liste d’écoute.
En ce qui concerne les textes, Safia Nolin est toujours aussi juste. Il va sans dire, mais au cas où : à vos mouchoirs.
Une œuvre (trop) courte, certes, mais tout de même (très) grande et qui, des mois plus tard, me hante encore.
Bravo!
Dominique Fils-Aimée
Three Little Words
En 2018, l’artiste jazz et soul proposait un premier LP explorant les racines de la culture musicale afro-américaine. Le projet est devenu de plus en plus ambitieux au fil des parutions, alors qu’on y a également greffé des références à des moments déterminants de l’histoire des Noirs. Sur Three Little Words, l’artiste, le réalisateur Jacques Roy et leur équipage combinent northern soul, doo-wop, jazz, R&B et musiques globales sur 14 chansons qui rendent hommage à ces genres, certes, mais sans faire dans la nostalgie crasse ou le simple clin d’œil. À écouter encore et encore.
Vanille
Soleil ’96
« Nom de plume de l’autrice-compositrice-interprète et multi-instrumentiste locale Rachel Leblanc, Vanille risque d’être sur toutes les lèvres au cours des prochaines semaines, tant son premier album complet est surprenant. » C’est ce que j’écrivais en janvier dernier et, onze mois plus tard, ce fameux LP me fait toujours le même effet. Soleil ‘96, c’est notamment France Gall qui chante sur du Belle & Sebastian, mais sans singer ou se vautrer dans la nostalgie. Au contraire, c’est vraiment rafraîchissant.
Salomé Leclerc
Mille ouvrages mon cœur
Salomé Leclerc frappe fort. Bien que créé au cours des derniers mois, ce bijou rock folk est davantage un LP de confinement que de pandémie, l’artiste ayant foulé ses carnets de notes plutôt que la scène, pandémie oblige. D’où cette œuvre plus éthérée et lumineuse, misant plus sur l’aventure intérieure que sur le sempiternel constat sur le monde actuel qui accompagne bon nombre d’albums post-COVID 19 (un genre musical en devenir ? Espérons que non). Côté mélodies, les amateurs de Louis-Jean Cormier (qui réalise), d’Antoine Corriveau et de Bat For Lashes vont adorer.
Louis-Jean Cormier
Le ciel est au plancher
En parlant du loup ! Cormier a titillé les nostalgiques de son fameux groupe en renouant avec son compagnon d’armes – et claviériste de Karkwa – François Lafontaine en plus de recruter Robbie Kuster (batteur pour Patrick Watson et, donc, Karkwatson) pour cet album rock pop majeur misant davantage sur les synthés que sur les riffs de guitares. Le ciel est au plancher pourrait également être la trame sonore parfois jazzée d’un road movie imaginaire inspiré du parcours du principal intéressé – tant physique que psychologique – depuis le décès de son père. Visiblement, tout comme la Reine, Louis-Jean Cormier « can do no wrong ».