Elle démolit des granges pour transformer le bois en mobilier
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Une designer d’intérieur de Beloeil démolit des granges inutilisées pour récupérer le vieux bois qu’elle transforme en mobilier pour ses clients amateurs du style rustique.
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C’est au printemps 2020, après avoir repéré une grange qui s’était effondrée après avoir été secouée par de forts vents à Saint-Antoine-sur-Richelieu, en Montérégie, que Valérie Grisé a eu l’idée pour une première fois de démanteler le bâtiment pour en récupérer le bois. La mère de deux enfants demande donc l’autorisation au propriétaire de la bâtisse, qui accepte.
«Au début de la COVID-19, j’étais en dépression majeure et en arrêt de travail depuis trois mois. J’avais besoin de me changer les idées et de sortir de la maison», a-t-elle raconté.
À ce moment, elle ne sait pas encore ce qu’elle fera du bois récupéré. L’idée de recycler ce matériau pour en faire du mobilier lui vient durant les travaux de démantèlement. Au cours de cette période, d’autres propriétaires de grange viennent la rencontrer sur place pour lui demander de détruire leur bâtiment agricole. Elle accepte et, rapidement, son projet prend une tout autre ampleur.
Depuis, elle a utilisé ce bois notamment pour la construction de terrasses, de pergolas, de «pool house» et de murs. «Je préfère réutiliser le bois que de le voir enfoui ou brûlé par des agriculteurs qui veulent se débarrasser de leur grange. Je suis très conscientisée pas l’écoresponsabilité», a expliqué la femme d’affaires.
Un déclin rapide
La récupération du bois de grange se fait cependant au détriment du patrimoine bâti, qui va en déclinant année après année.
«Je suis même étonné qu’il en reste. Depuis 1970, les granges tombent dans l’indifférence totale», a commenté Gérald Domon, professeur titulaire à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, qui s’intéresse au sujet depuis 50 ans.
En un demi-siècle, la plupart des granges ont perdu leur utilité notamment parce qu’elles sont trop petites pour contenir les vaches plus massives ou parce que les fermes laitières ont décliné à un rythme effarant.
En effet, le Québec est passé de 59 000 fermes laitières sur son territoire, il y a 50 ans, à moins de 5000 aujourd’hui. La majorité des granges abandonnées ont depuis été détruites, si bien qu’il en reste seulement un peu plus de 1000 dans la province.
«C’est désolant puisque les granges sont des marqueurs identitaires, patrimoniaux et de paysage. Sur les cartes postales, les brochures touristiques, il y a toujours une grange, mais dans 20 ans, nous n’aurons plus de granges à montrer à nos enfants», a déploré Gérald Domon.
Sensible à cet enjeu, Valérie Grisé a expliqué qu’elle ne sollicite plus les agriculteurs pour démolir leur grange, mais a souligné que d’autres entrepreneurs n’ont pas autant de scrupules.
Aux yeux de Gérald Domon, Québec doit agir pour protéger ce patrimoine bâti en donnant les moyens aux propriétaires de grange de les conserver, notamment en permettant de nouvelles vocations à ces bâtisses.
«Actuellement, la Commission de la protection du territoire agricole [du Québec] restreint énormément les reconversions. Les propriétaires ne peuvent pas ouvrir un restaurant ou l’utiliser comme entrepôt locatif. Ils doivent rester dans le domaine de l’agriculture, donc la marge de manœuvre est très étroite», a-t-il expliqué.