Un souvenir, mille remords: Mont-Joli au temps de la guerre
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Auteure de plusieurs romans historiques remarqués, Sergine Desjardins s’est intéressée aux événements qui ont marqué Mont-Joli et la Gaspésie pendant la Seconde Guerre mondiale pour écrire son nouveau roman, Un souvenir, mille remords. Autour de faits historiques, elle a imaginé le destin entrecroisé de trois femmes, deux Québécoises du Bas-du-Fleuve et une Tsigane vivant à Paris.
Rose Dubeau, une jeune femme brillante de Sainte-Flavie, est forcée de quitter ses études pour aller travailler à l’école de bombardement et de tir de Mont-Joli. Nous sommes en 1944 et les hostilités de la Seconde Guerre mondiale se poursuivent.
À Mont-Joli, des aviateurs canadiens et des alliés sont formés pour combattre les Allemands et le quotidien des habitants du coin est bouleversé par leur présence et par le bruit incessant des avions et des tirs.
Le destin de Rose changera à jamais lorsqu’elle se retrouvera enceinte d’un jeune aviateur : elle devra trouver refuge à l’hôpital de la Miséricorde à Québec, où les conditions n’étaient pas faciles. Elle est loin de vivre dans le même contexte que sa sœur Dorothée, qui travaille à l’Arsenal de Québec – une usine d’armement.
En parallèle, la vie en Europe est marquée par les bombardements et les déportations dans les camps de concentration. Kalinda Cohen, jeune musicienne tsigane internée dans le bloc 24 à Auschwitz, intégrera l’orchestre des femmes avant de recevoir l’aide inattendue d’un Allemand.
Histoire méconnue
Sergine Desjardins s’est passionnée pour l’époque et a appris beaucoup de choses intéressantes pendant l’écriture du roman. Elle met en lumière un pan méconnu de l’histoire de la Gaspésie.
« C’est toujours ce que je cherche à faire dans mes romans : débusquer des personnages ou des faits historiques qui sont peu connus, dit-elle. J’habite à Rimouski--- et je ne connaissais pas l’histoire de l’école de tir et de bombardement de Mont-Joli. »
Il y avait de l’action, en 1944. « À Sainte-Flavie, à cause de l’école de bombardement, il y avait le bruit constant des avions, qui pouvait devenir très agaçant, à la longue. Il y avait le black-out. Il y avait des sous-marins allemands qui sillonnaient le fleuve. »
À Sainte-Flavie, on peut encore voir des tours de guet qui avaient été construites à l’époque. Sergine a grandi à Cap-à-la-Baleine, entre Sainte-Félicité et Grosses-Roches.
« Les gens font le tour de la Gaspésie. Ils les voient et ne savent pas à quoi elles ont servi. Moi-même, je n’ai jamais questionné mes parents sur la Seconde Guerre mondiale. »
Ce conflit dévastateur a eu un impact jusque dans les petites communautés gaspésiennes.
« Des sous-marins allemands ont torpillé des navires qui apportaient du ravitaillement pour les Alliés, en France. Il y a des pêcheurs gaspésiens qui ont été coincés entre les sous-marins allemands et les navires marchands. Ils ont dit qu’ils ont eu la peur de leur vie ! »
Le génocide tsigane
Sergine Desjardins souhaitait aussi parler des Tsiganes qui ont été exterminés dans les camps de concentration.
« On parle très peu du génocide des Tsiganes. Il y a quand même de 500 000 à un million de Tsiganes qui ont été exterminés. On ne connaît pas non plus le nom de ce génocide : ça s’appelle Samudaripen. »
De la lumière
Sergine Desjardins ajoute que son roman peut paraître très sombre, mais qu’elle a voulu mettre l’accent sur les façons dont on peut se sortir de périodes difficiles.
« J’ai lu énormément de témoignages de gens qui sont des rescapés des camps de concentration. Ils ont dit qu’ils s’en sont sortis grâce aux liens d’amitié et d’entraide. On peut faire de nos blessures une force, mais ce n’est pas toujours facile. »
♦ Sergine Desjardins a écrit plusieurs romans historiques, dont Marie Major, basé sur l’histoire d’une de ses ancêtres qui était fille du Roy.
♦ On lui doit aussi la série Isa, Le châtiment de Clara et la biographie de Robertine Barry, première femme journaliste canadienne-française.
♦ Ses ouvrages ont remporté plusieurs prix littéraires et culturels.
♦ Elle habite à Rimouski.
EXTRAIT
« Rien ne peut distraire Luna, l’énorme chienne de race terre-neuve qui, assise devant la clôture barbelée de l’école de tir de Mont-Joli, fixe la sortie sans relâche. Ouverte trois ans plus tôt, cette école forme des mitrailleurs aériens de plusieurs nationalités, notamment des Canadiens, des Polonais, des Français, des Américains et des Belges qui se sont engagés dans l’aviation royale canadienne, appelée couramment l’A.R.C. Ils sont beaux ou laids, fantasques ou timides, mais la plupart sont jeunes, très jeunes, trop jeunes pour mourir. »