Expériences traumatisantes: deux Québécoises font la promotion de chirurgies risquées en Colombie
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Deux Québécoises font la promotion sur les réseaux sociaux de chirurgies esthétiques risquées en Amérique du Sud. Pour certaines patientes, le voyage de rêve s’est toutefois transformé en véritable cauchemar.
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Alexandra Denis-Bérubé et Stéphanie (nom fictif) sont revenues au Québec traumatisées par leur expérience en Colombie. Elles ont été opérées par le Dr Eduardo Luis Plazas qui accueille des patientes provenant de l’étranger.
Les deux femmes doivent encore jongler aujourd’hui avec les complications de leurs chirurgies esthétiques, selon leur témoignage, qui sera diffusé ce soir à l’émission J.E.
C’est sur les réseaux sociaux que les deux dames ont découvert l’existence du Dr Plazas et ont été séduites par les bons commentaires qu’elles pouvaient y lire au sujet des chirurgies qu’il pratiquait.
Leur séjour a été facilité par deux consultantes du Dr Plazas, Annie Mandeville et Lara Ross, toutes deux originaires du Québec.
Elles-mêmes sont passées sous le bistouri du chirurgien. Satisfaites de leur opération, elles coordonnent maintenant, à partir du Canada, les séjours médicaux à la clinique du Dr Plazas à Cali en Colombie.
Mme Mandeville confirme avoir recommandé plus de 700 patientes au cours des dernières années, dont la plupart viennent du Canada.
Pour chaque patiente qu’elles recommandent, les deux consultantes touchent un montant d’argent. Elles n’ont pas souhaité confirmer la somme, en ajoutant qu’il s’agissait de frais et non de commission.
Selon les soumissions consultées, des frais de réservation et de coordination d’environ 500 $ sont demandés aux patientes qui se font opérer.
- Écoutez l’entrevue du Dr Éric Bensimon, président de l'Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec
«J’avais tellement mal»
Alexandra Denis-Bérubé a subi une opération aux seins ainsi qu’une augmentation des fesses appelée Brazilian Butt Lift (BBL) à la clinique du Dr Plazas. Son cauchemar a débuté juste après l’intervention.
«J’avais tellement mal, puis tous les emplacements qui avaient été ouverts n’avaient pas été refermés donc ça coulait, le sang, la lymphe, le liquide opératoire, ça coulait de partout, je n’avais pas de sonnette [à la clinique] pour avertir personne», dit-elle.
- Écoutez le témoignage d'Alexandra Denis-Bérubé au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB radio:
Infection
Une fois de retour au pays, la patiente a réalisé que la cicatrisation de ses plaies au niveau des seins ne se déroulait pas comme prévu. Des infirmières lui ont confirmé un début d’infection.
Selon elle, le chirurgien a utilisé des points de suture non résorbables sous la peau.
«Mon corps a voulu rejeter un corps étranger en utilisant la sortie la plus facile, donc les incisions qui ont été faites. Donc à toutes les fois qu’une ouverture se faisait, on retirait des points non fondants», soutient-elle.
Elle affirme ne pas avoir été avisée de cette pratique, qui a compliqué la guérison.
Des complications qui auraient pu être fatales
Le réveil a été vraiment brutal pour Stéphanie (nom fictif) qui a subi une opération pour augmenter le volume de ses fesses.
«C’est la première fois de ma vie que, dans le fond, j’ai vomi de douleur», raconte-t-elle. Il a fallu plusieurs jours et de nombreuses questions après son opération pour qu’une infirmière de la Colombie lui avoue finalement qu’elle a subi une brûlure lors de la liposuccion.
Trois mois après son opération, Stéphanie doit encore se rendre au CLSC tous les deux jours pour faire changer ses pansements.
«Quand je suis arrivée ici, ils m’ont dit, tu aurais pu mourir. Tu aurais pu... c’est dangereux», ajoute-t-elle.
Peu d’aide
Elle s’est alors tournée vers Lara Ross, la consultante québécoise qui avait coordonné son séjour en Colombie.
«Elle prenait ça un peu d’une manière banale. Le fait qu’elle ne réagissait pas autant, j’étais comme un peu outrée, c’est pour ça que je dis que je me suis sentie seule et incomprise, parce que c’était mon seul canal, qui faisait en sorte que je pouvais parler plus directement avec le chirurgien ou son assistante. Pis là je me sentais un peu délaissée, c’était comme “OK ce sont des choses qui arrivent”.»
Les deux consultantes disent être disponibles pour répondre aux questions des patientes en tout temps.
«Nous, on est un service de consultation, service d’assistance. On assiste les clientes à préparer le voyage. Si eux [sic], ils [sic] ont des questions, ils [sic] vont avoir des réponses avant d’y aller», explique Lara.
Sa collègue, Annie Mandeville, affirme qu’aucune de ses patientes n’a été mise en danger en sept ans avec le Dr Plazas.
Du rêve
Les réseaux sociaux associés au Dr Plazas et à sa clinique véhiculent un rêve pour tous ceux et celles qui désirent obtenir une chirurgie esthétique.
Par exemple, le séjour postopératoire se déroule dans une maison de convalescence appelée le Palace Recovery House et non dans un centre hospitalier.
La page Instagram présente une villa avec piscine, des repas santé et des infirmières aux petits soins 24 h sur 24. Le chirurgien Plazas porte même un bonnet du Canadien de Montréal et l’affiche sur son compte Instagram.
Nous avons tenté de joindre le chirurgien, mais sans succès.
Quel recours possible en cas de complications?
Le Collège des médecins ne peut protéger des patientes qui subissent des chirurgies esthétiques à l’étranger. Il y a très peu de recours pour les victimes. Les deux consultantes, Annie et Lara, ne peuvent être tenues pour responsables puisqu’elles ne prétendent pas posséder des compétences médicales. Selon le président du Collège des médecins, le Dr Mauril Gaudreault, «il faut vraiment nous démontrer que la personne a agi en faisant croire qu’elle pratiquait la médecine. À ce moment-là, oui [il y a] des recours.»
Le Brazilian Butt Lift (BBL) en bref
L’opération vise à redéfinir la silhouette, explique le chirurgien plastique Mario Luc. C’est un transfert de gras qui permet d’augmenter et de redéfinir le fessier. La tendance vient des formes pulpeuses de vedettes comme Kim Kardashian ou Nicki Minaj.