Accès aux médecins de famille: le ministre Dubé promet une petite révolution
Quelque 900 000 Québécois sont en attente d’un médecin de famille
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Avec son plan pour revoir la prise de rendez-vous, le ministre Christian Dubé prévoit réduire de « 40 % à 100 % » la liste d’attente pour un médecin de famille. Et il a trouvé une poignée pour convaincre les médecins récalcitrants.
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Le ministre de la Santé espère réussir, là où ses prédécesseurs se sont cassé les dents, en créant une plateforme unique qui deviendra la porte d’entrée de la première ligne.
Surnommé le Trivago de la santé, le système obligera les médecins de famille à afficher leurs plages horaires afin de diriger les patients orphelins vers une clinique de la région prête à les recevoir.
C’est que les pouvoirs spéciaux accordés pendant la pandémie ont permis à Christian Dubé d’obtenir des données non nominalisées sur la prise en charge des patients, et le constat est étonnant.
Le nombre de plages horaires laissées disponibles chaque jour permettrait de réduire considérablement la liste d’attente de 945 260 Québécois qui patientaient sur le Guichet d'accès à un médecin de famille (GAMF) en décembre dernier.
« Dépendamment des méthodes qu’on pourrait utiliser, je vais appeler ça des meilleures pratiques, je pourrais prendre de 40 % à 100 % du GAMF comme ça! », confie le ministre en entrevue avec notre Bureau parlementaire, à quelques jours du début de l’étude de son projet de loi 11 en commission parlementaire.
Places fantômes
Les médecins, explique-t-il, se laissent déjà des disponibilités afin de voir le jour même des patients urgents, un concept connu sous le nom « d’accès adapté ».
En réorganisant un peu ces plages horaires à l’échelle de la région, Christian Dubé croit pouvoir faire des gains d’efficacité, sans obliger les médecins à travailler plus. « Il y a bien des médecins qui, quand on va mettre des experts de gestion devant eux, vont dire : effectivement, peut-être qu’avec les mêmes disponibilités je pourrais faire plus de prise en charge parce que j’organiserais mon accès adapté différemment », dit-il.
Cela pourrait représenter des milliers de rendez-vous supplémentaires, dans certaines régions.
La solution proposée rappelle le passé de gestionnaire du ministre, chez Domtar et Cascades. Christian Dubé a souvent raconté que cette expérience lui sert aujourd’hui à gérer le mammouth de la santé : il faut descendre sur le plancher pour comprendre les problèmes, et obtenir les données pour avoir une vue d’ensemble.
Nouvelle approche
Mais pour réussir cette mini-réforme, les omnipraticiens devront changer leurs façons de faire. C’est désormais le Groupe de médecine de famille (qui regroupe plusieurs médecins et autres professionnels de la santé) qui sera responsable de la prise en charge des patients, plutôt que l’omnipraticien seul.
Jeudi prochain, le CISSS du Bas-Saint-Laurent viendra également présenter une initiative qui inspire le ministre. L’établissement a mis en place un Guichet d’accès à la première ligne, afin de trier les appels des patients orphelins. Résultat, un patient sur deux n’a pas besoin d’être vu par un médecin et est plutôt référé à une infirmière ou un pharmacien, dit M. Dubé.
Pas de pénalités, mais...
Jusqu’ici, le ministre rejette l’idée d’imposer des pénalités financières aux toubibs qui ne voient pas suffisamment de patients, même si le premier ministre menaçait encore récemment de réactiver la loi 20.
Mais Christian Dubé n’hésitera pas à utiliser les contrats avec les Groupes de médecine de famille (GMF) pour « négocier » sa nouvelle approche sur la prise de rendez-vous. Québec paie « une grande partie de leurs frais fixes », rappelle le ministre. « J’aimerais qu’on s’entende sur la prise de rendez-vous dans les contrats de GMF », lance-t-il.
Ceux-ci viennent à échéance en avril prochain, mais le ministre souligne qu’ils pourraient être renouvelés chaque mois, le temps de s’entendre sur une solution permanente.
Quant à la crainte des médecins de famille que les données soient utilisées pour évaluer leur productivité, le ministre assure qu’il est de donne foi, sans pour autant nier que le projet de loi lui donnera de nouveaux pouvoirs.
« Je pense que c’est une question de collaboration, dit-il. Si on veut avoir des discussions intelligentes et productives, il faut au moins avoir un minimum d’informations, ce qu’on n’a pas », dit-il.
Toujours plus de patients orphelins
522 603 attendaient pour obtenir un médecin de famille en 2019
- Ce chiffre avait grimpé à 945 260 en décembre dernier
- En 2018, la CAQ s’engageait à « offrir un médecin de famille à tous les Québécois »
- Le parti promettait aussi l’accès à un omnipraticien en 36 heures