Les recours pour se protéger contre la fraude financière
Je me suis demandé quels étaient les recours de la victime, et quel type de protection on offrait aux clients de l’industrie des services financiers en général et aux personnes vulnérables en particulier.
Pour le commun des mortels, le système est intimidant. Ses structures d’encadrement, ses instances disciplinaires et ses mécanismes d’indemnisation versent parfois dans la lourdeur. En tout cas, ça me semble bien lourd pour une femme âgée de 96 ans, que j’imagine toute frêle.
Faisons un tour rapide.
Plainte et dénonciation
« C’est un travailleur social qui a dénoncé chez nous la situation de la dame que vous rapportez », révèle Marie Elaine Farley, présidente de la Chambre de la sécurité financière (CSF).
La CSF joue le rôle d’un ordre professionnel, elle reçoit les plaintes du public, elle évalue les agissements des membres présumés fautifs à travers son « syndic », une sorte de tribunal disciplinaire. Celui-ci peut infliger des sanctions professionnelles, comme des amendes et des suspensions de permis, mais ça s’arrête là.
La chambre compte 32 000 membres dans les domaines du courtage en épargne collective, de la planification financière, de l’assurance de personnes et du courtage en plans de bourses d’études.
L’institution a aussi pour mandat de protéger le public, mais ses pouvoirs restent limités. Après avoir pris connaissance du cas rapporté par le travailleur social, la Chambre a immédiatement transféré le dossier à l’Autorité de marchés financiers (AMF), qui a plus de muscles.
L’AMF veille à faire appliquer la réglementation dans le secteur financier et dispose d’une capacité d’enquête. Elle aussi peut suspendre des permis de pratique et imposer des amendes aux professionnels fautifs. Comme un procureur de la Couronne, elle peut se tourner vers le Tribunal des marchés financiers pour faire entériner des ordonnances. C’est ce qu’elle a fait avec le conseiller Roger Tremblay, du Groupe Investors, impliqué dans l’affaire rapportée par mon collègue Jean-François Cloutier.
Un client qui se sent floué peut s’adresser directement à l’AMF ou passer par la CSF. Selon la nature de la faute, la plainte peut être transférée de l’un à l’autre des deux organismes.
La compensation
Quel que soit le chemin qu’on voudra emprunter pour obtenir réparation, ce sera toujours plus facile de recevoir un dédommagement une fois que la faute a été reconnue.
La voie la plus rapide, en cas de fraude : faire une réclamation auprès du Fonds d’indemnisation. Administré par l’AMF, ce fonds peut dédommager une victime d’escroquerie pour un montant maximal de 200 000 $. Il n’y a rien à payer pour faire une demande. Un tel fonds n’existe nulle part ailleurs au pays. Dans les autres provinces, les victimes doivent se tourner vers les tribunaux.
Cette avenue existe ici aussi. On peut porter sa cause devant la Cour des petites créances ou les tribunaux de niveaux supérieurs, selon le montant réclamé, mais les démarches seront plus complexes et beaucoup plus chères. On peut se présenter devant un juge même après avoir été dédommagé par le Fonds d’indemnisation.
Pour ce qui est de la dame flouée par son planificateur, elle n’aura probablement pas besoin de cheminer à travers les tribunaux. Dans ce genre d’affaires, l’institution financière derrière le conseiller fautif a tout intérêt à dédommager le client, le contraire ne ferait qu’empirer une situation déjà catastrophique du point de vue des relations publiques.
Réduire les risques de se faire flouer
◼ Affirmer qu’il est possible de se prémunir contre la fraude à 100 % serait vous mentir. Toutefois, certaines précautions réduisent le risque :
◼ Assurez-vous que le conseiller est bien inscrit à l’AMF et qu’il soit membre de la CSF. Ça n’offre pas une protection en béton, mais les possibilités de recours à la suite d’une fraude seront meilleures.
◼ Demandez des recommandations avant de choisir un conseiller.
◼ Faites affaire avec plus d’un conseiller. Par exemple, un CPA ou un notaire pourraient remarquer des éléments louches dans le mouvement de vos actifs.
◼ Jamais son conseiller financier ne peut jouer le rôle de liquidateur successoral, de fiduciaire et encore moins héritier. Cela les met en conflit d’intérêts.
◼ Ne confiez pas à votre conseiller la clé de tous vos avoirs avec une « procuration générale ». Réservez ça à un proche de confiance, et seulement si c’est nécessaire.
◼ Pour les personnes âgées, un réseau social bien entretenu offre une forme de protection. La famille, les amis, parfois le personnel des services sociaux peuvent déceler une escroquerie. Dans notre histoire, c’est ce qui semble avoir libéré la victime des griffes d’un présumé charlatan.