Le voyage d’Arruda au Maroc suscitait des doutes
Notre Bureau d’enquête a obtenu des courriels internes échangés à l’époque
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L’ex-directeur de santé publique Horacio Arruda a choisi de faire son voyage controversé au Maroc même si le plus haut diplomate québécois dans ce pays avait émis des doutes sur ce déplacement compte tenu de la pandémie de COVID-19.
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Des extraits de courriels échangés au sein de la fonction publique québécoise jettent un nouvel éclairage sur ce périple effectué au début de la pandémie par le Dr Arruda, qui a démissionné le 10 janvier.
- Écoutez la chronique de Félix Séguin au micro de Patrick Déry sur QUB radio :
Notre Bureau d’enquête les a obtenus cette semaine à la suite de représentations des avocats de Québecor devant la Commission d’accès à l’information. Nous contestions une décision de ne pas les rendre publics prise par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Dès le 27 janvier 2020, le directeur du Bureau du Québec à Rabat (capitale du Maroc), Alain Olivier, écrit aux ministères de la Santé et des Relations internationales du Québec concernant le voyage prévu du Dr Arruda.
M. Olivier se demande s’il est encore pertinent d’organiser pour le Dr Arruda des rencontres en marge de la conférence à laquelle il doit assister. Un entretien avec le ministre de la Santé du Maroc et des visites d’établissements de recherche sont notamment envisagés.
« Vu la mobilisation actuelle des milieux de la santé publique au Québec et dans le monde autour de la lutte contre le coronavirus, le Bureau du Québec à Rabat attendra votre retour pour confirmer la participation du Dr Horacio Arruda à cette foire avant d’engager des demandes d’entretien en lien avec cette mission », écrit M. Olivier.
« Nous souhaitons, dans la mesure du possible, éviter de faire des demandes d’entretien à haut niveau qui puissent devoir être annulées », justifie le diplomate.
- Écoutez la chronique de Jean-Louis Fortin, directeur du Bureau d'enquête de Québecor
Les premiers cas
À ce moment, de premiers cas viennent d’être détectés au Canada et en Europe.
« Nous suivrons l’évolution de l’état de surveillance pour le Québec et je vous tiendrai au courant si la mission a toujours lieu dans les prochaines semaines », lui répond alors Sarah Langevin, conseillère en affaires internationales au ministère de la Santé.
Le 13 février 2020, alors que le virus gagne du terrain, M. Olivier revient à la charge dans un autre courriel pour savoir si Horacio Arruda fera toujours le voyage.
« Nous connaissons bien sûr le contexte mondial actuel de santé publique et la mobilisation internationale, dont au Québec, autour de la lutte contre le coronavirus », écrit-il alors.
Situation incertaine
Son interlocutrice au ministère reconnaît alors que « la situation est très incertaine ».
« Pour le moment, sa mission tient toujours, mais il se pourrait également que la journée même il soit retenu à Québec », précise-t-elle.
Deux semaines plus tard, Horacio Arruda s’est bel et bien envolé pour le Maroc. Il s’est même permis de blaguer sur la pandémie lors d’un discours à Marrakech.
En juin 2020, critiqué par les oppositions péquiste et libérale, le Dr Arruda avait défendu ce voyage d’affaires et d’agrément. Le premier ministre François Legault l’avait également soutenu.
« Avant le début mars [2020], il n’y a pas personne qui se doutait que le Québec serait durement frappé », avait plaidé M. Legault.
- Patrick Déry est tous les jours à l'émission de Benoit Dutrizac, 12 h 30 sur QUB radio :