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Refondation du réseau: quand Legault était ministre... de la Santé

Après avoir promis un meilleur accès aux soins, il veut aujourd’hui «refonder» le réseau de la santé

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En février 2002, alors que j’étais un jeune journaliste affecté à la santé, j’ai rencontré le ministre délégué à la santé, David Levine. Il m’avait annoncé en primeur qu’il voulait réduire à 12 heures maximum le temps d’attente à l’urgence pour avoir son congé ou un lit à l’étage.

Éric Yvan Lemay, Le Journal de Montréal

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Vingt ans plus tard, la durée moyenne de séjour sur civière dans les hôpitaux du Québec est de près de 17 heures. Ça dépasse même 20 heures dans certaines régions. 

Pourquoi je vous raconte cette anecdote ? Parce qu’elle montre bien comment c’est difficile de changer les choses dans le réseau de la santé. Et parce qu’à l’époque, Levine épaulait le ministre de la Santé, un certain François Legault. 

Les deux hommes avaient fait de l’accès aux soins leur priorité.

Depuis 20 ans, j’ai vu tous les ministres proposer leur solution pour dompter le monstre qu’est devenu le système de santé. Malgré tout, l’accès aux soins reste souvent difficile. Il manque de lits dans les hôpitaux, dans les CHSLD, et un million de Québécois n’ont toujours pas de médecin de famille.

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Le projet de Legault

Et comme si ça n’allait pas déjà assez mal, la pandémie a frappé. Le rapport de la commissaire à la santé, Johanne Castonguay, sur les morts en CHSLD durant la première vague de COVID-19 a bien montré les lacunes du système.

En réponse, le premier ministre François Legault a promis de « refonder » le réseau de la santé. C’était il y a un mois, alors que le Québec était confronté à la terrible cinquième vague de la pandémie.

Refonder la santé ? « Ah bon », me suis-je d’abord dit. « Pourquoi pas ? Il y a bien des choses à améliorer. »

Puis je me suis aussi dit : « Ah non, pas encore une réforme menée par Québec, mais qui ne donnera pas grand-chose au final. »

Pourtant, il en existe, des solutions. 

Partout dans le réseau, il y a des idées qui mériteraient d’être examinées. Le Journal a fait l’exercice en parlant à une quinzaine de médecins, gestionnaires, syndicats et chercheurs pour arriver avec 12 solutions pour notre système de santé.

Ce qui m’a toutefois frappé durant ces entrevues, c’est que les vagues de la pandémie, ce n’est rien à côté du tsunami qui nous attend avec l’arrivée massive des baby-boomers qui auront besoin d’être soignés.

D’ici 10 ans, ce groupe va monopoliser les soins de santé. Il faudrait investir des milliards, notamment pour augmenter le nombre de lits de longue durée dans les maisons des aînés et CHSLD. 

« Même si on en fait beaucoup, on ne réussira pas à combler ce déficit-là », prévient le Dr Jacques Morin, de l’Association des médecins gériatres du Québec. 

Des choix difficiles s’annoncent. La Dre Élyse Berger Pelletier, qui a travaillé jusqu’à récemment au ministère de la Santé, croit qu’il faudra revoir la façon dont on traite les patients âgés.

« Ça n’a plus de sens présentement. La qualité de vie de nos personnes âgées n’est pas au rendez-vous. C’est des gros débats éthiques de société, mais il va falloir qu’on se penche là-dessus », dit-elle. 

La Suède en exemple

Selon elle, le fameux virage ambulatoire n’a pas marché et il faut trouver de nouvelles façons de faire. 

On m’a aussi ressorti l’exemple du système de santé suédois. Un pays où je suis allé en reportage en 2003 après une réforme qui a fait beaucoup jaser.

Là-bas, on a instauré un financement à l’activité qui fait que l’hôpital est payé en fonction des opérations qui y sont effectuées. 

Plus un hôpital opérait, plus il recevait d’argent. Il s’est donc créé une compétition entre les hôpitaux qui a favorisé les patients. Ces derniers pouvaient même choisir l’hôpital où ils se faisaient opérer en comparant le temps d’attente sur internet. Le privé y occupe aussi une plus grande place. 

Mais la plus grande différence, c’est qu’on a décentralisé les décisions. Les organisations locales ont beaucoup plus d’autonomie.

Tout le contraire de ce qu’on a fait au Québec.

« On a centralisé tellement avec [la réforme du ministre Gaétan] Barrette qu’on a enlevé la créativité et la capacité de bouger dans les hôpitaux », indique David Levine, qui est devenu professeur et consultant.

S’il veut réussir sa refondation, le ministre Christian Dubé a donc tout intérêt à écouter les gens sur le terrain.

« Il faut mettre tous les acteurs dans la même pièce pour faire le vrai débat, un vrai chantier de refondation, pas juste à Québec », suggère Réjean Leclerc, président de la FSSS-CSN.

Et qu’ils n’en sortent pas tant qu’ils n’ont pas trouvé la clé pour régler les problèmes qui minent le réseau de la santé. 

20 ANS DE RÉFORMES ET D’INITIATIVES  

FRANÇOIS LEGAULT

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Bulletin des hôpitaux - 2002

Plusieurs l’oublient, mais François--- Legault a brièvement occupé le poste de ministre de la Santé. Son initiative la plus connue est sans doute le bulletin des hôpitaux. En septembre 2002, il avait présenté un bulletin classant les 105 hôpitaux du Québec avec des lettres allant de A à E. Sans surprise, certains hôpitaux montréa-lais comme l’Hôpital Notre-Dame et l’Hôtel-Dieu ont été recalés pour la situation de leurs urgences. Les hôpitaux étaient aussi notés sur leur respect du budget. Ceux qui n’avaient pas de déficit avaient les meilleures notes. Le bulletin, que Legault refusait d’appeler un palmarès, ne lui a pas survécu. 


PHILIPPE COUILLARD

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Création des CSSS - 2004

En 2003, Jean Charest avait recruté le neurochirurgien de profession pour en faire son ministre de la Santé. On lui doit notamment la création des réseaux locaux de santé (RLS). Au cœur de cette réforme, on retrouve également les centres de santé et de services sociaux (CSSS) créés par la fusion de plusieurs établissements (CHSLD, CLSC, hôpitaux) sur un même territoire. L’idée était de faciliter le cheminement du patient à l’intérieur du réseau et de mettre certaines ressources en commun. Les CSSS d’un territoire continuaient toutefois de relever de l’agence de santé régionale. 


YVES BOLDUC

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Méthode Toyota - 2008

Celui qui a succédé à Philippe Couillard en avait surpris plus d’un en arrivant avec l’approche Lean, aussi appelée méthode Toyota. Comme on l’avait fait dans des usines de fabrication automobile, l’idée était de revoir l’ensemble des processus pour améliorer l’efficacité. Tout y passait : la culture organisationnelle, la responsabilisation des employés et la prise de décision le plus près possible de l’action. Si certains procédés sont restés, l’expression « méthode Toyota » a pratiquement disparu dans le réseau. 


RÉJEAN HÉBERT

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Assurance autonomie - 2014

Le docteur Réjean Hébert n’aura pas eu le temps d’implanter sa réforme de l’assurance autonomie durant son court mandat comme ministre entre 2012 et 2014. D’abord présentée dans un livre blanc en 2013, la proposition a été abandonnée après la défaite du Parti Québécois. Une somme de 500 millions $ devait être mise par le gouvernement dans une caisse consacrée à l’assurance autonomie. On souhaitait notamment favoriser le développement des soins à domicile pour les aînés. 


GAÉTAN BARRETTE

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Création des CISSS et des CIUSSS - 2015

Le ministre Gaétan Barrette a frappé un grand coup en 2015 en présentant le projet de loi 10. Cela a mené à la création de 34 centres intégrés, d’immenses établissements réunissant jusqu’à une quarantaine de CHSLD, CLSC, hôpitaux, centres de réadaptation et centres jeunesse. Des centaines de postes de gestions ont par la suite été abolis, tout comme les agences de santé. Les nominations des PDG et de certains membres des conseils d’administration relèvent maintenant du ministre.

– Avec la collaboration d’Héloïse Archambault

S’en va-t-on vers une Hydro-Santé ?  

Des intervenants de la santé suggèrent de dépolitiser le réseau de soins et d’en faire une sorte d’Hydro-Santé du Québec.

Éric Yvan Lemay et Héloïse Archambault, Le Journal de Montréal

« Trop de décisions sont prises politiquement », déplore le Dr Simon-Pierre Landry, qui appuie cette idée.

Ce n’est pas d’hier que le sujet est sur la table. Dès 2006, l’ex-président du Collège des médecins du Québec, le Dr Yves Lamontagne, en parlait. 

« Le problème, c’est qu’on fait de la politique avec la santé, alors qu’on devrait faire des politiques de santé. On devrait céder le budget à un conseil formé de fiscalistes, comptables, syndicats et gens de la santé », soutient-il.

Jeunes libéraux

En novembre dernier, les jeunes libéraux du Québec avaient d’ailleurs adopté une résolution pour dépolitiser la santé. 

Les décisions seraient prises par un conseil de citoyens, d’élus et de gestionnaires. La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, a dit qu’elle étudierait la question sans toutefois donner son aval à la proposition.

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