L’UPAC ferme l’enquête Mâchurer, le PLQ réclame des excuses
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Le Parti libéral du Québec réclame des excuses de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) après l’annonce de la fermeture de l’enquête Mâchurer et envisage de poursuivre le corps policier s’il n’en obtient pas.
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Lundi, la cheffe du parti, Dominique Anglade, a déclaré qu’il était «l’heure des excuses» pour tous «les membres, les bénévoles, les employé.e.s et les élu.e.s» de sa formation politique.
Quelques heures plus tôt, le commissaire de l’UPAC, Frédérick Gaudreau, a annoncé la fin de l'enquête Mâchurer, qui visait le financement du Parti libéral du Québec, entre les années 2001 et 2012, à l’époque de l’ancien chef Jean Charest.
Par le biais d’un communiqué, il a révélé que son équipe avait sollicité un avis juridique au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) sur la solidité de la preuve amassée jusqu’ici dans le cadre de cette enquête d’envergure, sans préciser à quelle date cette démarche avait été entreprise.
«Considérant l'avis juridique obtenu ainsi que toute la rigueur et les ressources déjà investies dans cette enquête, le commissaire estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre cette dernière et y met donc fin», a-t-il simplement déclaré.
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Charest et Bibeau ciblés
Deux procureurs du Bureau de la grande criminalité et des affaires spéciales, deux procureurs en district et un juge à la retraite de la Cour d'appel, André Rochon, ont participé aux délibérations, a précisé par la suite le DPCP. La diversité du panel visait à assurer que les «garanties d'indépendance, d'impartialité et d'objectivé inhérentes à l'institution ne puissent être remises en question», a également indiqué l’organisme.
Le DPCP rappelle qu’il est régulièrement consulté par les corps policiers lorsqu’ils souhaitent obtenir un avis juridique dans le cadre d'une enquête. Mais la décision d’y mettre fin ou non demeure la prérogative des corps policiers, dans ce cas-ci de l’UPAC.
L’enquête Mâchurer, ouverte en avril 2014, visait à déterminer si des infractions criminelles avaient été commises en lien avec des activités de financement du Parti libéral du Québec, en particulier le financement dit «sectoriel», entre les années 2001 et 2012.
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Plusieurs moyens d'enquête ont été déployés pour faire la lumière sur cette situation, dont la rencontre de plus de 300 témoins. L’ex-premier ministre et chef du parti, Jean Charest, et l’ancien grand argentier du parti, Marc Bibeau, étaient notamment ciblés par les enquêteurs, selon plusieurs reportages de notre Bureau d’enquêtes.
Le PLQ envisage des poursuites
Mais pour le Parti libéral du Québec (PLQ), l’annonce de la fermeture de l’enquête par l’UPAC n’est toutefois pas suffisante. Par voie de communiqué, le parti a réclamé des «excuses formelles» du corps policier à qui il reproche d’«avoir mené une partie de pêche publiquement».
«Le PLQ a toujours respecté la loi et, rappelons-le, a toujours offert sa pleine et entière collaboration à l’enquête. Pendant plus de dix ans, les bénévoles, les membres, les employés et les élus du PLQ ont fait les frais d’attaques injustifiées de façon répétée. Après toutes ces années, il était plus que temps que l’UPAC mette fin à cette enquête», a-t-on déclaré, par voie de communiqué.
Ces propos rejoignent ceux de Dominique Anglade qui avait récemment affirmé qu’«après neuf ans, il est temps que l’enquête se termine». La veille de cette déclaration, la députée Lise Thériault avait aussi fait une sortie enflammée pour défendre Jean Charest et demander que le patron de l’UPAC s’excuse auprès de l’ex-premier ministre.
Qui plus est, les avocats de la formation politique seraient à considérer des démarches en justice pour obtenir des excuses officielles de l’UPAC s’il n’en obtient pas, selon ce qu’a appris l’Agence QMI.
«Le nom du parti a été traîné dans la boue. Toutes les options sont sur la table», a indiqué une source au courant des démarches. «Théoriquement, on n’aurait pas même pas dû savoir qu’il y avait une enquête», a-t-elle également rappelé au sujet des nombreuses fuites médiatiques au sujet de Mâchurer.
Guilbault lance la balle à l’UPAC
Lundi, la ministre responsable de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, s’en est remise à l’UPAC pour expliquer sa décision de mettre fin à l’enquête.
«Rappelons que notre gouvernement a pris tous les moyens nécessaires pour redresser l’UPAC et lui permettre de remplir adéquatement sa mission. Il revient désormais à la direction de l’organisation de mettre à profit ces changements», a-t-elle fait savoir, par le biais de son attaché de presse.
Mme Guilbault n’a pas souhaité commenter outre mesure «comme des poursuites sont en cours contre le gouvernement». Rappelons que Jean Charest a en effet déposé une poursuite contre l’actuel gouvernement à qui il reproche une violation de sa vie privée en raison d'une fuite présumée de documents confidentiels de l’enquête Mâchurer.
L’opposition se questionne sur le «timing»
Le porte-parole de Québec solidaire en matière de justice, Alexandre Leduc, a appelé, Geneviève Guilbault, à convoquer d’urgence les partis d’opposition «pour examiner la demande de l’UPAC d’envisager un changement de cadre législatif afin de cesser d’échapper tous ces dossiers».
«Depuis quelque temps, nous étions plusieurs à nous demander si le prolongement indéfini de l’enquête Mâchurer ne servait finalement qu’à préserver la réputation de l’UPAC, déjà passablement amochée par un tableau de chasse peu garni. C’est malheureusement cette impression qui nous reste en apprenant aujourd’hui», a-t-il expliqué, par voie de communiqué.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a quant à lui qualifié le résultat de l’enquête «d’aberration» et de «moment gênant [...] pour quiconque suit la politique et se souvient des constats de la commission Charbonneau».
Le leader parlementaire du parti, Martin Ouellet, se questionne sur le «timing» de l’annonce de l’UPAC alors qu’il y a deux semaines à peine, le corps policier affirmait qu’il récoltait toujours de l’information. «Comment ne pas être surpris devant un tel timing?», demande-t-il sur Twitter.
Joint par notre Bureau parlementaire, le porte-parole de l’escouade confirmait le 17 février dernier que l’enquête Mâchurer était «toujours en cours». «Nous n’émettrons aucun autre commentaire afin de ne pas compromettre la collecte de renseignements et de protéger l’intégrité de la preuve», insistait-il encore.
- Écoutez La rencontre Abdelfadel-Vallières, tous les jours 6 h 10, en direct à QUB radio :