Une folle chevauchée au pays des cowboys
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Les immigrants chinois ont eux aussi contribué à écrire l’histoire de l’Ouest américain. Avec De l’or dans les collines, son premier roman, l’Américaine d’origine chinoise C Pam Zhang nous en donne un bon aperçu.
La conquête de l’Ouest et sa folle ruée vers l’or ont maintes fois été racontées dans les livres, les westerns et les manuels d’histoire. Mais pour ce qu’on en sait, jamais elles ne l’avaient encore été d’un point de vue sino-américain.
Le paradoxe, c’est qu’à aucun moment C Pam Zhang ne s’est dit qu’elle allait un jour écrire sur le sujet. Écrire, oui. Mais un roman se déroulant quelque part en Californie à la belle époque des cowboys ? Alors là, pas du tout.
« Le roman m’est venu dans un rêve, affirme l’auteure, qui vit maintenant dans l’arrondissement de Brooklyn, à New York. Je me suis réveillée un matin avec la vision de deux enfants en fuite et quelques autres images clés. À l’époque, je venais de quitter une carrière dans l’industrie de la technologie et je pensais beaucoup à la ruée vers l’or : à mes yeux, cette industrie phallocrate et souvent raciste en était la version moderne. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je dis que les meilleures fictions viennent du subconscient ! »
Au temps des pionniers
À partir de cette vision venue tout droit du pays des songes, C Pam Zhang – pour ceux qui se posent la question, ce C solitaire fait référence à son nom chinois ! – a ensuite travaillé pendant cinq ans sur De l’or dans les collines, son tout premier roman.
Cela dit, elle a presque toujours écrit.
« Pour moi, raconter des histoires était une façon de comprendre le monde, explique-t-elle. J’ai aussi très tôt adoré lire. Quand j’étais jeune, mes parents ont si souvent déménagé un peu partout aux États-Unis que les livres ont fini par devenir pour moi de fidèles amis. Quelle que soit la ville où on s’installait, il y avait toujours une bibliothèque publique. »
Et dans toutes les bibliothèques publiques où elle mettait les pieds, elle pouvait entre autres retrouver les neuf tomes de la célèbre série La petite maison dans la prairie de Laura Ingalls Wilder.
« Enfant, j’ai vraiment été emportée par les aventures de cette famille de pionniers américains qui a traversé en chariot de vastes espaces au XIXe siècle, poursuit-elle. Je les ai lues et relues je ne sais pas combien de fois. »
Ce qui a manifestement laissé des traces dans son subconscient, puisque les deux enfants qu’elle mettra en scène ne tarderont pas eux aussi à parcourir le Far West. Mais ça ne sera pas tout à fait pour les mêmes raisons que la famille Ingalls.
À cheval entre deux cultures
Lucy et sa sœur Sam, deux gamines d’origine chinoise respectivement âgées de 12 ans et 11 ans, vont découvrir un bon matin que Ba, leur père chercheur d’or, est mort durant la nuit. Leur mère ayant mystérieusement disparu quelques années plus tôt, elles se retrouveront ainsi seules au monde.
Mais pas question de quitter l’infecte cahute de mineurs qui leur servait de demeure en y laissant le pauvre Ba. Oh non. Après avoir volé une jument, elles fuiront donc la ville avec le corps de leur père tassé dans une malle. Leur intention ? Trouver un bon endroit où l’enterrer. Un endroit où il se serait senti chez lui. Et tant pis si, pour ça, elles doivent passer des semaines à le chercher partout dans les décors poussiéreux de l’arrière-pays.
Découpé en quatre parties bien distinctes, ce roman se penchera également sur le passé des parents et sur tout ce qu’ils ont dû faire dans l’espoir d’économiser assez pour pouvoir s’acheter un lopin de terre. C’est dur, c’est triste, c’est ce que des milliers de Chinois nés en Californie ou nouvellement arrivés ont dû subir à l’époque.
« J’ai effectué quelques recherches, mais comme je ne suis pas historienne de profession, j’ai surtout tenu à ce qu’il y ait une certaine pureté sur le plan émotionnel, précise C Pam Zhang. Ceci étant, j’ai réellement tout fait pour me projeter dans cet univers, pour y “séjourner” sans que la pression de ma vie moderne vienne le polluer. Ça a été un défi, car la façon dont les enfants de l’âge de Lucy et de Sam font l’expérience du monde est beaucoup plus intense que celle des adultes. »