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Devrait-on geler les loyers?

L’idée a été testée en Ontario et en Colombie-Britannique avec des résultats mitigés

Logements à louer
Photo Pierre-Paul Poulin Montréal et Québec demeurent pour le moment parmi les grandes villes canadiennes les moins dispendieuses pour les locataires malgré l’augmentation constante des loyers.

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Devant l’inflation galopante qui affecte autant l’épicerie et l’essence que le logement, Québec solidaire propose de geler les loyers pour l’année 2022, afin de donner un répit aux locataires. L’idée a été testée l’an dernier en Ontario et en Colombie-Britannique, avec des résultats mitigés.  

En 2021, la région montréalaise a connu une hausse moyenne du coût des loyers de 4 %, contre 1,3 % à Toronto et 2,4 % à Vancouver.  

Cette bonne performance hors Québec s’explique en partie par le gel imposé pendant la pandémie en Ontario et en Colombie-Britannique pour les locataires qui demeuraient dans leur logement, selon le rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), déposé à la mi-février. 

Résultat, « la croissance du loyer moyen des appartements a ralenti pour atteindre son plus bas niveau depuis 2007 » en Ontario, écrit la SCHL. À Vancouver, le loyer moyen a continué d’augmenter en raison des nouveaux locataires qui n’étaient pas soumis au gel, mais moins rapidement que prévu. 

Fort de cette expérience, Québec solidaire est récemment revenu à la charge pour exiger un moratoire similaire au Québec. 

Son chef parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois, cite des augmentations de 10 % à Gatineau et de 9 % à Sherbrooke. 

« Ce sont des hausses de loyer qui sont hors de contrôle », a-t-il récemment déclaré à l’Assemblée nationale. 

Le gel, explique la formation, est une solution à court terme, le temps d’implanter des mesures plus durables. Jusqu’ici, le gouvernement Legault a rejeté la proposition.  

L’impact d’un gel

Il faut dire que les exemples ontarien et britanno-colombien ont leurs limites. Le cofondateur de l’organisation Small Ownership Landlords Ontario, Boubacar Bah, estime que la mesure a exacerbé « l’effet pervers » du contrôle des loyers.  

Comme tout le monde, les petits propriétaires qu’il représente sont confrontés à la hausse du coût des assurances, du déneigement, de la main-d’œuvre, etc. 

« Alors, si le propriétaire ne peut pas récupérer ses coûts, parce qu’il ne peut pas augmenter le loyer, il va faire des rénovictions », dit-il, soit une éviction dans le but de rénover le logement pour ensuite le louer plus cher. 

Bénéfique pour les locataires

À l’opposé, un défenseur des droits des locataires ontariens assure que le moratoire sur les hausses de loyers n’a apporté « pratiquement que des bénéfices ». « Le gel a été une bonne chose parce que les prix [des loyers] ici explosent », explique le directeur exécutif de la Federation of Metro Tenants’ Associations, Geordie Dent.  

M. Dent reconnaît que la mesure peut paraître symbolique, mais elle est appréciée des locataires qui peinent à boucler leurs fins de mois. « Ça peut représenter une économie de seulement 30 $ ou 40 $ par mois, mais pour des locataires qui ont en moyenne un plus bas revenu, ça peut faire une bonne différence », plaide-t-il.  

Alors que Geordie Dent estime que les propriétaires sont tout de même capables de tirer un profit de leur location, Boubacar Bah assure que les marges sont minces, surtout pour les petits joueurs comme lui. 

Plutôt qu’un gel, M. Bah plaide pour une aide directe aux locataires, puis, à plus long terme, une offre accrue de logements.  

D’ailleurs, la SCHL note que le moratoire n’est pas le seul facteur qui explique le ralentissement de la hausse de loyers en Ontario. L’augmentation importante des taux d’inoccupation durant la pandémie et la concurrence accrue entre les propriétaires ont également eu un impact.  

Demeurer abordable 

Chose certaine, malgré l’augmentation constante des loyers, Montréal et Québec demeurent pour le moment parmi les grandes villes canadiennes les moins dispendieuses pour les locataires. 

Pour savoir si un logement est abordable, la SCHL pose la question suivante : combien d’heures faut-il travailler au salaire moyen dans cette région pour que la location d’un appartement de deux chambres représente 30 % de notre revenu brut ? 

Dans ce scénario, un locataire montréalais devra travailler 105,8 heures (un peu plus de 13 jours), contre 178,3 heures à Toronto... et 198 heures à Vancouver. 

Des hausses importantes au Québec 

Variation du loyer moyen des appartements de deux chambres (immeubles existants seulement) par région métropolitaine de recensement. 

  • Saguenay : + 7,1 %
  • Gatineau : + 6,1 %
  • Sherbrooke : + 4,7 %
  • Montréal : + 3,9 %
  • Trois-Rivières : + 3,9 %
  • Québec : + 2 %

Marché locatif traditionnel à Montréal 

  • Taux d’inoccupation : 3 %   
  • Loyer moyen des logements de deux chambres : 932 $

Source : SCHL  

Des mesures déjà en place, d’autres à venir 

Logements à louer
Photo Agence QMI, Mario Beauregard

Au gouvernement Legault, on rejette l’idée d’un gel des loyers. « Je pense [que] ce serait une grave erreur, parce que ça viendrait profiter surtout aux plus riches », a récemment déclaré le premier ministre François Legault. 

Québec privilégie d’autres avenues. Le ministre des Finances, Éric Girard, soulignait récemment que plus de 7000 logements sociaux sont en cours de construction, et 2000 logements abordables ont été annoncés dans la mise à jour économique. Le gouvernement caquiste dit également aider 42 000 locataires grâce au supplément au loyer.

De plus, la ministre des Affaires municipales, Andrée Lamontagne, s’est engagée à réviser la clause F des baux locatifs, qui permet aux propriétaires de hausser à leur guise le loyer d’un logement neuf durant les cinq premières années, après que des cas de hausses allant jusqu’à 50 % aient récemment fait la manchette. 

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