[PHOTOS] Voici l'histoire fascinante de 10 escaliers de Québec
Dans une chronique précédente, nous vous parlions des côtes de la capitale, cette ville à deux étages. Néanmoins, parallèlement à ces montées, on compte pas moins d'une vingtaine d'escaliers, et c'est sans compter le funiculaire. D'ailleurs, chaque printemps, Québec présente le Défi des escaliers, qui fait le bonheur des coureurs. Plusieurs ont une origine fascinante. Voici donc la petite histoire de quelques-uns de ces escaliers... et escalateurs.
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1) L'escalier du Cap-Blanc
À tout seigneur, tout honneur. Commençons notre défi patrimonial des escaliers par le plus long de tous, celui du Cap-Blanc. Il compte 398 marches et fait la joie des adeptes de la mise en forme.
De nos jours, il suit une falaise boisée, mais au moment de sa construction en 1869, toute la falaise l'entourant était nue. Ce lien avec la Haute-Ville avait été établi au bénéfice des nombreux travailleurs du port et des chantiers de construction navale.
Au pied de la falaise, l'espace constructible entre le fleuve et le cap était assez restreint. Plusieurs travailleurs habitaient donc le faubourg Saint-Jean. Pour se rendre au travail, cet escalier leur facilitait grandement la vie. Il est reconstruit en 1894 selon les plans de Charles Baillairgé.
À la suite du déclin des activités portuaires, il servira surtout aux travailleurs de la cartoucherie Ross Riffle (1902-1917) située sur les plaines d'Abraham, dans le secteur alors appelé les Cove Fields.
L'escalier actuel a été reconstruit et mis aux normes de sécurité en 1980. Au fil du temps, il s'est appelé le Ross Riffle Stairs, l'escalier de l'Anse-des-Mères et l'escalier du Grand-Champlain. Il porte son nom actuel depuis seulement 1986.
2) L'escalier Casse-Cou
L'escalier Casse-Cou n'est pas très important par sa longueur, mais c'est le doyen des escaliers de Québec. Dès 1635, il y avait un petit sentier abrupt entre la côte de la Montagne et la Basse-Ville. Vers 1685, pour le rendre moins dangereux, l'Administration coloniale y fait construire un escalier.
Alors qu'il était officiellement appelé l'escalier de la Basse-Ville, les Québécois d'alors ont tôt fait de le surnommer l'escalier Casse-Cou en raison de son importante déclivité. Le nom est resté. Les anglophones en ont fait le Breakneck Steps. On l'a également désigné par l'appellation d'«escalier Champlain». Rapidement, des habitations et des commerces sont construits de part et d'autre de ce lien.
Au XIXe siècle, il est très utilisé, notamment par les touristes de plus en plus nombreux. Il devient donc rapidement désuet. C'est pourquoi, en 1893, la municipalité le remplace.
L'ingénieur municipal Charles Baillairgé, encore lui, conçoit alors un escalier à trois travées et à deux paliers, en métal, ce qui lui donne beaucoup de monumentalité. Il est complètement réaménagé en 1968, alors qu'il est rétréci et que des paliers sont ajoutés pour ainsi faciliter l'accès aux commerces qui ponctuent son parcours.
Aujourd'hui, l'escalier Casse-Cou représente, à n'en point douter, une icône du Quartier Petit Champlain.
3) L'escalier Lépine
En 1843, les résidents du faubourg Saint-Jean réclament, par pétition, la construction d'un escalier pour leur donner accès au quartier Saint-Roch, où se trouvent des magasins, des chantiers de construction navale et la chapelle méthodiste St. Peter's. C'est chose faite en 1857 lorsqu'on construit un escalier de bois entre les rues Saint-Augustin, en haut, et Saint-Vallier, en bas.
Étant très utilisé, il est reconstruit en fer en 1883. C'est celui qui est toujours en place aujourd'hui. Constitué de 118 marches, il est rectiligne et comporte deux paliers pour permettre à ses usagers de se reposer. Charles Baillairgé conçoit un escalier de style néoclassique.
Au bas, on y accède par une arche qui arbore les symboles floraux rappelant l'origine des habitants de Québec, soit la rose anglaise, le chardon écossais, le trèfle irlandais et la feuille d'érable canadienne; aucun lys, toutefois. On y retrouve également les noms du maire de l'époque, François Langelier, de l'ingénieur et de ses conseillers municipaux. Une reproduction de cette arche occupe le sommet de l'escalier et porte le millésime 2000.
En 1986, son nom populaire de «Lépine» a été officialisé. Il rappelle l'entrepreneur de pompes funèbres Germain Lépine.
4) L'escalier du Faubourg
À partir de 1858, un escalier relie le faubourg Saint-Jean, à partir de la rue Saint-Réal, au faubourg Saint-Roch et à la rue Saint-Vallier. En 1888, il est remplacé par un nouvel escalier en métal, le plus moderne en ville. Il est essentiel puisqu'à l'époque il relie les deux réseaux de tramways qui étaient indépendants l'un de l'autre, soit la St. John Street Railway, en Haute-Ville, et la Quebec Street Railway, en Basse-Ville.
Il est constitué, à son sommet, d'une plateforme en hémicycle flanquée de deux volées d'escaliers courbés qui se rejoignent à mi-course pour se poursuivre en une seule volée jusqu'à la rue Saint-Vallier.
À chacune de ses extrémités, des arches supportent l'effigie du maire François Langelier, qui l'avait fait aménager. En 1932, la circulation automobile toujours plus importante force l'élargissement des rues Saint-Vallier et Arago. On doit également démolir des maisons. L'escalier est alors modifié, la volée inférieure perpendiculaire à la falaise étant remplacée par deux volées à palier, parallèles au cap.
En 1941, on construit un ascenseur immédiatement à l'est pour épargner l'escalade des 99 marches à ceux qui ne veulent pas se payer cet effort. C'est probablement l'escalier d'où on a la plus belle vue de Québec.
5) L'escalier des Franciscains
L’un des beaux escaliers de Québec est celui des Franciscains, qui est pourtant plutôt méconnu. Il est situé sur le versant nord, entre la rue de l’Alverne, du quartier Montcalm, et la rue Saint-Germain, du quartier Saint-Sauveur. Constitué entièrement de bois, il est rectiligne et ses 178 marches sont rythmées par huit paliers. Il est abrité par un couvert arborescent, ce qui lui donne tout son charme.
Il est construit au début du XXe siècle pour relier le quartier ouvrier en Basse-Ville et le quartier bourgeois en Haute-Ville. Il permettait aux gens d’en bas de se rendre au tramway de la rue Saint-Jean et à ceux d’en haut d’atteindre celui qui les conduirait aux grands magasins de la rue Saint-Joseph.
L’écrivain Roger Lemelin lui a donné un peu de notoriété en 1948 lorsqu’il l’a utilisé dans son roman Les Plouffe. Dans le film qu'en a fait Gilles Carle en 1981, l’escalier est mis en scène alors qu’Ovide se rend, avec la belle Rita Toulouse, vers un boisé secret situé en bordure de l’escalier pour y vivre ses premières expériences sexuelles.
En contraste, l’escalier doit son nom au monastère des Franciscains situé à proximité, sur la rue de l’Alverne.
6) Un escalier insolite
Il y a déjà eu à Québec un escalier privé, et un ascenseur, un peu moins officiel que les autres. Au bas de la côte de la Montagne, dans la courbe faisant face à la rue Notre-Dame, se trouve un terrain de stationnement.
De 1921 à 1968, cet espace était occupé par un immeuble de bureaux communément appelé le «bloc Morin». Il était relié au parc Montmorency par un escalier, comme celui qui existe encore aujourd'hui pour l'édifice voisin. Plusieurs piétons profitaient de cet escalier privé.
En 1981, Georges-Henri Dagneau racontait ce qui suit à son sujet: «Il n'y a pas si longtemps, il y avait un escalier qui partait de là [le parc Montmorency] et aboutissait dans l'édifice Morin, dont le pied donnait sur le dernier coude de la côte de la Montagne. Une fois dans l'immeuble, le piéton pouvait évidemment continuer son chemin par les escaliers, mais, malin, il n'avait qu'à donner au liftier le nom d'un avocat qui avait son bureau au rez-de-chaussée pour terminer sa course en ascenseur. Au retour, il suffisait de connaître le nom d'un avocat dont le bureau était au sommet de l'immeuble, pour bénéficier du même ascenseur.»
7) Le funiculaire
Les touristes du secteur de place Royale et les travailleurs pressés en provenance du traversier Québec-Lévis désirant se rendre en Haute-Ville utilisent généralement le funiculaire. Les premiers veulent profiter de la vue et les autres veulent éviter la côte de la Montagne. L'ascension vers la terrasse Dufferin commence à partir de la maison de l’explorateur français Louis Jolliet.
Ces allées et retours ne datent pas d’hier. En effet, c’est en novembre 1879 que William Griffith, le propriétaire de la célèbre maison de la rue du Petit-Champlain, mettait en service son escalateur. Il était alors mis en mouvement par un système à vapeur et un contrepoids d’eau. On l’appelait l’ascenseur Griffith.
En 1907, à l’initiative d’Alexander Cummings, l’électricité prenait le relais de la vapeur et, en 1978, l'escalateur était complètement restauré. Comme toutes les belles histoires, celle du funiculaire a eu son côté sombre.
Le 2 juillet 1945, il est détruit par les flammes, sans toutefois faire de victimes. Plus tard, le 12 octobre 1996, l'un de ses câbles se rompait et une cabine s’écroulait en bas, faisant cette fois-ci deux morts et 14 blessés. Il faudra attendre deux ans avant de le revoir reprendre ses courses.
8) Le plan incliné de la Citadelle
Bien avant l’entrée en service du funiculaire en novembre 1879, il y a eu à Québec un lien mécanique reliant la Basse-Ville et la Haute-Ville. En fait, on devrait plutôt parler d'un monte-charge. En effet, durant la construction de la Citadelle de Québec, qui s'est échelonnée de 1820 à 1831, les ingénieurs militaires britanniques avaient construit un plan incliné entre le quai du Gouvernement, aujourd’hui la Garde côtière, et le sommet de la falaise, à l’endroit où se trouve aujourd'hui le flanc droit du bastion Mann.
D’une longueur de 500 pieds, il était constitué d’un escalier de bois flanqué de deux voies ferrées sur lesquelles deux wagons faisaient la navette à contresens, comme dans l’actuel funiculaire. On pouvait ainsi hisser les matériaux de construction, notamment les énormes blocs de grès de Sillery. Le mécanisme était mis en mouvement par une machine à vapeur située sur le quai.
On ignore quand cette installation a été démantelée, mais elle n’apparaît plus sur les plans et les cartes à partir de 1840. De nos jours, il n’en subsiste aucune trace visible. Seul un dessin du peintre et topographe James Pattison Cockburn nous rappelle à quoi il ressemblait.
9) La promenade des Gouverneurs
La promenade des Gouverneurs prolonge admirablement bien la terrasse Dufferin en la reliant au kiosque des Gouverneurs des plaines d'Abraham. On peut la considérer comme un escalier, puisqu'elle est ponctuée de plusieurs travées de marches, montantes et descendantes, entrecoupées de nombreux paliers et belvédères. Elle totalise 310 marches.
La promenade est construite à partir de 1958 pour marquer le 350e anniversaire de la fondation de Québec, et elle est inaugurée en 1960. Son nom rappelle la présence de la résidence d'été du gouverneur général située juste au-dessus, à la Citadelle. Il ne s'agit pas du premier escalier aménagé à cet endroit.
En effet, dès 1878, un autre escalier reliait la nouvelle terrasse Dufferin à la Citadelle. Il permettait aux soldats en permission de se rendre dans les tavernes et bordels de la Basse-Ville. De plus, au début du XXe siècle, une promenade était aménagée le long de la Citadelle. Jusqu'aux années 1980, on y avait une vue saisissante sur le fleuve Saint-Laurent et sur la rive opposée.
Toutefois, la croissance incontrôlée des arbres obstrue désormais considérablement ce coup d'œil. À certains endroits, on déambule dans un tunnel de verdure, ce qui lui donne néanmoins un nouveau charme.
10) Un escalier magique
Avec ses 18 étages, le Château Frontenac est doté d'ascenseurs et de nombreux escaliers. Lors de l'ajout de sa tour centrale, entre 1920 et 1924, le hall de l'hôtel est réaménagé et on construit un magnifique escalier double dont les travées se rejoignent sur le palier. Il conduit à la salle de bal.
Il s'agit d'un escalier heureux. En effet, il est associé à de beaux moments, qu'il s'agisse d'événements protocolaires, de bals, de mariages ou de fêtes de Noël et du Nouvel An. Il va sans dire qu'il a vu défiler un nombre incalculable de convives, dont plusieurs têtes couronnées, des chefs d'État ou des vedettes hollywoodiennes.
Une belle légende y est associée. On raconte que dans les années 1930, un couple de jeunes mariés américains en voyage de noces à Québec l'aurait emprunté. En le descendant, les tourtereaux auraient fait le vœu que leur union dure toute la vie et qu'à leur 50e anniversaire de mariage, ils descendent à nouveau cet escalier ensemble. Leur vœu aurait été exaucé. Si vous passez par le Château Frontenac, n'hésitez pas à descendre cet escalier magique et à faire votre vœu. Ça fonctionnera.
Un texte de Jean-François Caron, historien, Société historique de Québec
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