Drame routier à Beauport: une peine de 18 à 20 ans réclamée pour le chauffard Légaré
L’homme de 44 ans a fait quatre morts dans une violente collision sur l’autoroute Dufferin-Montmorency
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La couronne réclame une peine exemplaire de 18 à 20 ans d’emprisonnement pour le chauffard Éric Légaré, coupable d’avoir tué quatre personnes, ivre au volant de sa voiture, sur l’autoroute Dufferin-Montmorency en septembre dernier.
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Le procureur de la couronne Pierre-Alexandre Bernard estime qu’une peine d’une telle ampleur aurait finalement l’effet dissuasif que doivent avoir les sanctions en lien avec le «fléau de l’alcool au volant».
Éric Légaré est responsable de la mort de quatre membres d’une même famille, Emma Lemieux, Jackson Fortin, Shellie Lemieux-Fletcher et James Fletcher. L’accusé les a fauchés à grande vitesse alors qu’ils patientaient à un feu rouge sur l’autoroute Dufferin-Montmorency.
Le père de Jackson, Daniel Fortin, a confié que «1000 ans ne seraient même pas assez», mais a ajouté qu’une peine avoisinant les 15 ans permettrait à la famille d’être un peu plus en paix avec le drame.
Persister dans le délit
Me Bernard a plaidé mercredi que de nombreux facteurs aggravants devaient peser dans la balance de cette décision, citant notamment le nombre de victimes, les antécédents de l’accusé et son intoxication.
L’avocat a aussi ciblé la «persistance de l’accusé» malgré de nombreux signaux de son intoxication». Même après des contacts répétés avec un véhicule stationné devant lui, une montée sur un trottoir, des dépassements dangereux et des impacts avec un muret de béton, Éric Légaré «a fait le choix de persister dans la commission d’infractions».
«Nous savons comment tout ça s’est terminé», a laissé tomber le procureur.
De son côté, l’avocat de la défense Me Vincent Montminy a proposé au juge une peine d’emprisonnement de dix ans, rappelant que la fourchette de peine en pareille matière se situe habituellement entre six et neuf ans.
«J’aurais été gêné de plaider en bas de dix ans parce que c’est ça que ça vaut», a soumis l’avocat, insistant sur le fait que malgré l’ampleur des conséquences du geste de son client, il n’était pas «le bon candidat» pour une peine qui serait un précédent au pays. «C’est un criminel, il a commis un crime, mais ce n’est pas le pire des criminels.»
Le comparatif Yves Martin
À titre comparatif, Yves Martin, qui avait fauché une petite famille alors qu’il était ivre au volant de sa camionnette en août 2015, avait été condamné à 14 ans de pénitencier, au-delà de la fourchette habituelle. Il s’agit actuellement de la peine la plus sévère imposée au Québec pour un cas semblable.
L’homme de Chicoutimi, un multirécidiviste déjà accusé deux fois, avait causé la mort d’un couple et de leur jeune fils dans une violente embardée dans le rang Saint-Paul.
La couronne dans le dossier Légaré affirme que quatre ans plus tard, le «besoin de dissuasion» est toujours criant, d’où sa suggestion. En contrepartie, la défense estime de son côté que les facteurs aggravants identifiés dans l’affaire Martin, notamment l’absence de plaidoyer de culpabilité et de remords, justifiaient une peine plus grave que celle demandée pour Éric Légaré.
- Écoutez l'entrevue de Geneviève Pettersen avec Daniel Fortin sur QUB radio :
Décision à venir
Le juge Jean-Louis Lemay a pris en délibéré cette affaire qui aura bouleversé bien des gens au Palais de justice de Québec cette semaine. La peine sera rendue le 22 avril prochain.
Éric Légaré avait plaidé coupable en décembre dernier à 19 chefs d’accusation, notamment de conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
L’homme avait présenté un taux d’alcoolémie rétroactivement calculé à 209mg par 100ml de sang, soit plus de deux fois la limite permise, en plus d’avoir aussi du cannabis dans l’organisme. Les reconstitutions de la collision mortelle avaient permis d’établir à environ 130 km/h la vitesse du véhicule de l’accusé au moment de l’impact, le tout dans une zone où la limite est de 70 km/h.
Les victimes de l’accident
- Emma Lemieux – 10 ans
- Jackson Fortin – 14 ans
- Shellie Fletcher-Lemieux – 44 ans
- James Fletcher – 68 ans
Ce qu’ont dit les parents de l’accusé
« Il nous appelle deux ou trois fois par jour au téléphone, une heure chaque fois. C’est pas mal ça notre vie depuis le 2 septembre. [...] Ma vie s’arrête à mon garçon, il faut que je l’aide. »
– André Légaré, père de l’accusé
« On dirait qu’on ne vit plus. On est comme des zombies. [...] Mais je suis une maman. Je peux m’imaginer ce qu’ils ont ressenti d’avoir perdu leurs enfants. »
– Louise Légaré, mère de l’accusé
Première offense en alcool au volant : « Le message ne passe pas »
Le procureur de la Couronne Pierre-Alexandre Bernard a plaidé mercredi que le message ne passait toujours pas dans les dossiers d’alcool au volant, d’où l’importance d’une peine exemplaire pour Éric Légaré.
Dans le dossier qui a dicté la ligne des deux parties dans leurs plaidoiries mercredi, soit le dossier d’Yves Martin, le juge de la Cour supérieure, François Huot, avait fait la même observation.
« Un seul constat s’impose: le message des tribunaux ne passe pas », écrivait le magistrat dans son jugement de 2017.
Éric Légaré, lui-même coupable d’une première infraction en 2017, l’a aussi reconnu dans son témoignage devant la cour mercredi. « Le message n’avait visiblement pas été assez clair. [...] Ça n’a pas été suffisant, je n’ai pas le choix de le dire », a admis l’accusé à propos de l’amende de 1000$ et de l’interdiction de conduire d’un an prononcé contre lui il y a quatre ans.
L’importance de la première offense
Cette admission a été soulignée par Daniel Fortin, le père du jeune Jackson, qui fait de la lutte contre l’alcool au volant son cheval de bataille depuis la mort de son fils.
«J’étais très content de l’entendre parce que ça vient renforcer ce qu’on dit depuis le début du procès en octobre, soit que la première sentence n’est pas assez forte», insiste le père en deuil.
Ce dernier espère maintenant que les tribunaux prendront acte de ces admissions.
«Mille dollars et un an sans véhicule, ça n’affecte personne, mais en le disant lui-même, j’espère que les politiciens et le système de justice vont mettre leurs culottes et frapper fort dès la première offense.»