Rénovations résidentielles: des consommateurs se font menacer à coups d'hypothèques légales
Le recours à l’hypothèque légale de la construction dans le cadre de litiges de moins de 20 000 $ est décrié
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Des entrepreneurs agressifs utilisent de plus en plus les hypothèques légales de construction dans le domaine de la rénovation résidentielle, au grand désespoir de petits propriétaires.
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« Pour moi, c’est une arme nucléaire. C’est trop fort pour des petits montants », s’exclame Maxime Jodoin quand il résume le différend qui l’a opposé à son excavateur.
L’arme nucléaire à laquelle il fait référence, c’est l’hypothèque légale de la construction. L’industrie en inscrit en moyenne 3000 par an, très majoritairement dans des projets de rénovation comme celui de M. Jodoin.
Son cas sera présenté à l’émission J.E ce soir à 21 h, sur les ondes de TVA.
Méthode dénoncée
La loi permet aux entrepreneurs d’obtenir une hypothèque légale de construction sur un immeuble lorsqu’ils estiment ne pas avoir été payés pour des travaux qu’ils ont effectués.
Selon l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), ces hypothèques inscrites sur les bâtiments neufs sont en voie de disparition tandis que la tendance est à la hausse pour la rénovation.
« Dans la moitié des cas [pour le secteur résidentiel], c’est pour des litiges de moins de 20 000 $. C’est ça qu’on dénonce », explique Marc-André Harnois, directeur général de l’ACQC.
Ça crée des situations difficiles comme celle de Maxime Jodoin.
En 2018, lui et sa conjointe choisissent CanExpert comme excavateur pour leur projet de rénovation d’un triplex.
Les travaux vont rondement jusqu’au moment où il faut couler la dalle de béton du sous-sol.
« Il n’y avait pas assez de roches. Les tuyaux de plomberie étaient apparents. Il manquait un bon 10 centimètres », raconte M. Jodoin.
L’entrepreneur voulait ajouter des extras, selon lui. Les choses s’enveniment. M. Jodoin met un terme à sa relation avec la compagnie et l’expulse de chez lui.
La réponse de CanExpert arrive comme une tonne de briques.
« On reçoit une hypothèque légale pour un montant de 17 000 $ », précise M. Jodoin.
Limitations demandées
L’ACQC fait pression sur Québec afin de modifier la loi. Elle demande à Québec d’interdire aux entrepreneurs l’enregistrement d’une hypothèque légale dans les litiges de 15 000 $ et moins.
« Le problème, explique Marc-André Harnois, c’est que l’hypothèque est facile à inscrire au registre foncier. [...] Le registre ne va pas faire plus de recherche qu’il faut en se disant que le consommateur peut toujours la contester à la cour. »
Conséquences considérables
Pour Maxime Jodoin, les conséquences ont été considérables. Il a dû embaucher un avocat, et son prêteur hypothécaire lui a coupé les vivres.
« J’ai rempli ma carte de crédit et ma marge de crédit au maximum », ajoute-t-il.

M. Harnois résume ainsi le dilemme de plusieurs proprios : « Est-ce que je paye 10 000 $ d’avocat pour ne pas payer 5000 $ ou je cède devant l’entrepreneur ? »
Monsieur Jodoin a reçu son jugement l’été dernier, trois ans après les travaux.
La Cour du Québec l’a condamné à rembourser 14 000 $ à CanExpert.
« Selon le juge, vu que c’est [l’entrepreneur] l’expert, c’est lui qui peut évaluer le montant des travaux exécutés », déplore-t-il.
CanExpert n’a pas voulu répondre à nos questions.
UNE HYPOTHÈQUE LÉGALE DE LA CONSTRUCTION, QU’EST-CE QUE C’EST ?
«L’hypothèque légale de la construction est un droit hypothécaire accordé à l’industrie de la construction pour la protéger contre les défauts de paiement. Ultimement, il peut permettre à ceux qui ont participé à des travaux sur un bâtiment de faire vendre ledit bâtiment en justice pour être payés. Il s’agit d’un droit exceptionnel accordé exclusivement à l’industrie de la construction et qui n’a aucun comparable dans toute autre industrie au Québec » , explique l’ACQC sur son site internet.
- Écoutez la chronique Crime et Société avec Félix Séguin, journaliste au Bureau d’enquête de Québecor sur QUB radio :