Santé: il faut prioriser l’accès et redonner une place aux citoyens
Coup d'oeil sur cet article
La pandémie a mis à rude épreuve notre système universel de santé et l’organisation pyramidale des services offerts aux citoyens.
Cette organisation, qui repose sur la déconcentration dans 34 centres intégrés de santé et de services sociaux — les fameux CISSS —, se transpose au niveau régional en une centralisation de type pyramidal pour livrer les services commandés par le ministère de la Santé. On peut dresser au moins trois constats d’échec liés à cette organisation de nos soins de santé:
1 - Pas de médecin de famille
Un million de personnes n’ont pas accès à un médecin de famille. Celles qui ont la chance d’en avoir un en arrachent pour obtenir un rendez-vous. Cette inaccessibilité engorge toujours les salles d’urgence avec des séjours de corridors de plus de 48 heures. Force est d’admettre qu’il faut redresser ce modèle.
2 - Nos CLSC dépouillés
L’autre victime de cette réorganisation du système de santé, c’est le CLSC. Ce qui devait être la porte d’entrée et d’orientation de toute personne qui requiert des services de santé a été dépouillé de ses ressources et de ses missions. Les citoyens qui étaient appelés à participer avec les comités d’usagers ont été expulsés en abolissant leur Conseil d’administration.
- Écoutez l'entrevue avec Rémy Trudel à l’émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 8 h via QUB radio :
3 - La promesse brisée des GMF
Les Groupes de médecine de famille (GMF) lancés en 2001 dans la foulée du rapport Clair avaient l’obligation de contracter une entente avec le CLSC de leur territoire afin d’assurer une couverture médicale 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Ni cette obligation contractuelle ni l’inscription de 1200 à 1500 usagers par médecin et pris en charge pour le GMF n’ont été respectées.
Que faire maintenant?
- La première mesure de redressement sérieuse pour nous doter d’un système de santé responsable et efficace, c’est de restaurer les CLSC et leur alliance avec les GMF. Restaurer les CLSC, ça signifie remettre sur pied tout ce système basé sur la prévention et une multitude de services professionnels (infirmières, physiothérapeutes, psychothérapeutes, pharmaciens, etc.).
- Pour restaurer ce système qui a expulsé cavalièrement les citoyens de son administration, il y a aussi un devoir de leur redonner une place, ce que la bureaucratie politique de type pyramidal déteste au plus haut point. On a vu dans les CHSLD comment l’expulsion des citoyens, pour les remplacer par des administrateurs débordés, malgré leur bonne volonté, a conduit à une lamentable faillite.
- L’accès à des services doit être coordonné par une plaque tournante, dans chacun des territoires actuels des CLSC, appelons-les «CLSC 2.0». On n’a pas besoin d’une nouvelle loi ou d’une nouvelle étude pour sortir d’un système pris en otage par les groupes d’intérêt, comme le disait l’ex-ministre Jean Rochon.
- Ces CLSC 2.0 sont en mesure, avec les GMF, de coordonner l’accès à des services médicaux de première ligne (GMF). Leur expertise avec l’économie sociale permettrait de pourvoir aux services à domicile et aux besoins en santé mentale, la coordination de l’accès aux services jeunesse et la coordination avec des cliniques de type pédiatrique.
Recherche de crédibilité
Pour que ce soit crédible et que le tout ne soit pas assimilé à un programme électoral à débattre entre politiciens et aspirants, il faut poser une première pierre significative pour donner le ton. Marquer sa volonté de redresser le système, c’est prendre un engagement formel et se mettre en route pour redonner les CLSC aux citoyens et leur confier, avec les ressources adéquates, la coordination de l’accès aux services requis par les usagers.
On a cru, au cours des dernières années, qu’une structure centralisée de commandement avec des exécutants régionaux qui n’avaient plus à se soucier des citoyens ou des professionnels allait marcher comme une structure type militaire, avec des gains d’efficacité.
Les résultats invalident la prévision.
En redressant à la pièce sans une vision claire, pourquoi les effets seraient-ils différents?
Rémy Trudel, Ph.D, ex-ministre de la Santé
Jacques Létourneau, ex- président de la CSN