Des militants antiavortement manifestent à Ottawa
Militants pro-choix et pro-vie se sont fait entendre sur la colline du Parlement à Ottawa
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OTTAWA | La tension était palpable hier devant le parlement canadien alors que de nombreux militants pro-choix sont venus se faire entendre par les participants de la 25e marche nationale contre l’avortement.
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Plusieurs contre-manifestants se disaient inquiets du recul annoncé du droit des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au sud de la frontière.
« Il y a une réaction plus forte des pro-choix avec ce qu’il se passe aux États-Unis. On a peur que ce mouvement-là suive au Canada », indique Émilie Hamels, tandis qu’autour d’elle des manifestants scandent « On avance, on ne recule pas ! ».
Émilie est vêtue d’une cape rouge, un symbole inspiré du roman La servante écarlate, de Margaret Atwood, dans lequel des extrémistes religieux ayant pris le pouvoir aux États-Unis traitent les femmes comme des incubateurs à bébés, forcées de procréer.
Église catholique
Theresa Thomson, venue de Peterborough pour « marcher pour la vie », indique que ses idées ne sont pas basées sur la religion : « Je valorise simplement la vie des bébés à naître », dit-elle.
Mais, non loin d’elle, des curés en soutane récitent des prières en marchant avec une délégation d’étudiants d’une école catholique de Kitchener qui transportent un crucifix.
Dans la foule, Michael Wilson brandit un drapeau Carillon-Sacré-Cœur, qui, explique-t-il, symbolise son désir de fonder un État catholique dans lequel l’avortement ne serait pas seulement illégal, mais complètement impensable.
Influence américaine
L’interruption volontaire de grossesse a fait un retour dans l’actualité, car la Cour suprême américaine s’apprêterait à renverser une décision historique de 1973 ayant mené à sa légalisation aux États-Unis.
Cette fuite a énergisé le mouvement antiavortement au Canada, lui donnant « courage et espoir » d’être entendu et d’arriver à ses fins, d’après Jack Fonseca, le directeur des Activités politiques de l’organisme antiavortement Campaign Life Coalition.
Un avocat tout droit venu de Louisiane, où les élus ont donné leur aval la semaine dernière à un projet de loi qui interdirait l’IVG, a même participé à l’événement d’hier. Me David Scotton est venu parler de l’adoption comme alternative à l’avortement.
Lobby bien implanté
Au Canada, le lobby antiavortement compte sur les nombreux députés pro-vie pour faire avancer sa cause :
Plus d’un tiers de la députation conservatrice lui est acquise et le mouvement joue un rôle stratégique dans la course à la chefferie conservatrice qui se déroule actuellement.
Ce contexte politique inquiète vivement les organismes de défense des droits des femmes.
« Je crois que c’est un droit qui n’est pas acquis, il peut être révoqué n’importe quand », s’inquiète Elisabeth Viens, venue de Montréal pour contre-manifester.
– Avec Guillaume St-Pierre
Recrutement de militants antiavortement à l’école
Loin de s’effriter, le lobby antiavortement assure son avenir en recrutant directement dans les écoles.
Edgar Acosta explique avoir fondé un club du chapelet dans son école secondaire catholique d’Ottawa pour échanger sur sa foi et ses convictions.
« La vie est sacrée, dit-il. Si l’avortement est acceptable, ça veut dire que tuer quelqu’un est acceptable. »
Edgar participe au sommet des jeunes « pro-vie » organisé dans une église de la capitale voisine de deux écoles primaires. Des centaines d’adolescents de partout au pays y participent.
Dans l’église bondée, un groupe de jeunes filles chantent des chants religieux en s’accompagnant à la guitare en attendant les discours des conférenciers. Leurs camarades agenouillés prient.
« Mon but dans la vie est de voir la fin de l’avortement au Canada avant que je meure », indique une des organisatrices, Julia Bissonnette.
Activité scolaire
La plupart des participants sont membres de « clubs pro-vie » mis en place dans les écoles publiques. Des groupes antiavortement, comme le Oxford County Right to Life Group, organisent aussi des concours d’affiches dans les écoles primaires impliquant des récompenses monétaires de 50 à 150 $.
De nombreuses délégations scolaires participent ainsi chaque année à la marche nationale contre l’avortement, ce qui dégoûte Joan Hamels rencontré dans les rangs des contre-manifestants.
« Ces écoles utilisent l’argent public pour organiser une manifestation privée contre l’avortement », dénonce-t-il.