Les équipementiers font face aux répercussions de l'inflation
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Les équipementiers, qui fournissent les grandes industries et décrochent de gros contrats publics, ne sont pas épargnés par l’inflation après la situation pandémique qui a secoué les affaires de plusieurs entreprises du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Les professionnels se sont réunis jeudi à Saguenay afin d’échanger sur leur situation.
«Il va falloir arrêter cela, cette inflation-là. Ça ne peut pas tenir», a notamment déclaré Denis Jomphe, président du Groupe LD.
C’est que la gymnastique est devenue le sport des entreprises.
«Le prix de la fourniture primaire a doublé et même triplé dans certains domaines par rapport à avant la pandémie», a expliqué le président d’Alliage 02, Éric Cloutier.
L’inflation des matières premières a ainsi eu plusieurs répercussions.
«Autrefois, on nous demandait de garantir des prix pour une certaine période. Un an, deux ans, trois ans. Aujourd’hui, on n’est même pas capable de les garantir pour une semaine», a indiqué M. Jomphe.
Les délais de livraison sont donc maintenant beaucoup plus allongés avant de recevoir les matières premières.
«Il y a deux ans, lorsque nous avions un projet, on achetait selon les délais standard», a ajouté Éric Cloutier. «Le standard, ce n’est plus le même délai. Il faut planifier d’avance pour réussir à avoir nos matières premières à temps.»
Chez Canmec, la vice-présidente aux services corporatifs, Julie Roy, a affirmé que le contexte est très particulier. «La pandémie. Là, on a la guerre en Ukraine qui affecte nos matières premières. Il y a aussi des catastrophes écologiques comme des inondations.»
Autre enjeu, la rareté de main-d’œuvre
«Est-ce qu’on va être capable de le passer dans notre carnet de commandes le produit avec les effectifs qu’on a présentement ? Oui, c’est un enjeu qu’on est obligé d’adresser», a assuré Mme Roy.
M. Cloutier a admis qu’il doit faire des pirouettes. «En plus de manquer de personnel, on est pogné avec la pandémie. Ça ne se prévoit pas un employé qui va tomber malade la semaine prochaine.»
Et même la guerre en Ukraine avec ses réfugiés a surchargé l’immigration, qui permet de recruter à l’étranger.
«Les travailleurs que l’on devait avoir en décembre sont reportés en juin. Et possiblement que ce sera à l’automne», a précisé le président d’Alliage 02. «Ce n’était pas prévisible qu’il allait y avoir une guerre. Les gouvernements réagissent comme ils peuvent, mais c’est sûr que les réfugiés viennent inonder un réseau qui est déjà inondé.»
Éric Cloutier et son entreprise Jamec de Normandin embauchent d’ailleurs des soudeurs en Afrique de l’Ouest. «L’intégration se fait super bien. Les gens viennent au Québec, mais il faut qu’ils demeurent au Québec. C’est l’enjeu.»
Il y a toutefois des solutions, comme l’investissement dans les nouvelles technologies.
«Les coûts d’opération d’une entreprise ont explosé depuis la dernière année. Et si on ne passe pas par ce processus-là d’automatisation, on n’y arrivera pas», croit Denis Jomphe.
L’ajout de clauses dans les contrats est également conseillé.
«C’est vraiment risquer de soumissionner un prix et un mois après, ça double», a évalué Jacques Côté, vice-président au développement des affaires à l'entreprise Grimard .«Il faut annoter nos soumissions. On dira qu’avec le prix des métaux, notre soumission est valide pour quelques semaines, pour quelques jours.»
Et le panel recommande aussi d’être actif dans ses commandes.
«Au niveau de la prévisibilité, commander le plus tôt qu’on peut. Ça, c’est important», a jugé M. Cloutier.
M. Côté pense pour sa part qu’il faut revoir certaines stratégies. «On s’approvisionnait beaucoup à l’extérieur. En Europe. En Asie. Maintenant, il faut changer. On peut s’approvisionner local. Les coûts de transport, c’est devenu faramineux. C’est long. Il faut revenir un petit peu à ce qu’on faisait bien avant.»
Se renouveler, Denis Jomphe avance que c’est l’ADN de son domaine. «On appelle ça, la gestion du changement. Être entrepreneur, c’est gérer le changement.»
La créativité devient le mot clé pour un secteur d’activités, les équipementiers, qui fait travailler des milliers de personnes au Saguenay Lac-Saint-Jean.
«Comment on peut faire autrement avec moins de matière ? Diversifier sa chaîne d’approvisionnement. De nouveaux fournisseurs. Donc, il faut être créatif», a soutenu Mme Roy.