Aide médicale à mourir: le ministre Bonnardel parle de sa mère qui souffre d’Alzheimer
François Bonnardel, dont la mère souffre d’Alzheimer, est favorable aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir pour les personnes devenues inaptes
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Le ministre François Bonnardel souhaite avoir le choix de mourir dans la dignité si la maladie d’Alzheimer le frappe un jour, comme elle afflige sa propre mère, prisonnière de son corps depuis maintenant quinze ans.
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En 2017, l’élu caquiste lançait un cri du cœur pour qu’on débatte de l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes inaptes.
Cinq ans plus tard, il est ému que l’Assemblée nationale soit saisie d’un projet de loi permettant aux personnes souffrant d’Alzheimer ou de démence de présenter une demande anticipée.
« C’est un avancement incroyable pour l’aide médicale à mourir et ça va donner ce choix, ce libre choix, à des gens qui ont des antécédents, qui vont arriver peut-être à ce stade un jour, de se dire, moi, je ne veux pas que ça m’arrive et ce que je veux, c’est une mort dans la dignité. Et moi, aujourd’hui, je serais prêt à ça », confie-t-il, en entrevue avec notre Bureau parlementaire.
Comme des milliers de Québécois, François Bonnardel a énormément souffert de voir la santé cognitive de sa mère se dégrader, jour après jour, année après année.
Plus de 150 000 personnes sont atteintes d’Alzheimer au Québec.
« Super tough »
Les premiers signes de la maladie donnent lieu à de tristes moments, difficiles à vivre pour les proches. « C’est super tough », glisse-t-il, les yeux dans l’eau.
Au début, ce sont de petits oublis, des histoires racontées deux fois, trois fois.
Ensuite, Yolande Tremblay s’égare sur la route vers la maison. La laisser sortir seule devient dangereux.
Elle est pourtant convaincue que tout va bien, qu’elle n’a rien qui cloche. Une étape particulièrement difficile pour la famille.
Lorsque François Bonnardel lui suggère d’aller passer un test cognitif, elle se braque.
« C’est ça, tu penses que je suis folle, tu veux mes sous, dit-elle. Non, maman, ce n’est pas ça... », se remémore avec émotion le ministre, les sanglots dans la voix.
Un visage perdu
Depuis six ou sept ans maintenant, Yolande ne réagit plus à aucun stimulus.
« Elle est vraiment prisonnière à 100 % de son corps. Elle ne parle plus, elle ne rit plus, c’est un visage qui est perdu, qui est perdu dans son âme, et un corps qui est prisonnier d’un cerveau qui ne répond plus », se désole son fils.
Selon lui, le Québec est rendu à l’étape d’étendre la portée de l’aide médicale à mourir aux gens qui deviendront inaptes.
Le caquiste espère que le projet de loi déposé cette semaine par son collègue Christian Dubé sera adopté avant l’été.
Il ne reste que deux semaines avant la fin des travaux parlementaires, mais avec le consentement de l’ensemble des partis politiques, tout est possible à l’Assemblée nationale, insiste-t-il.
Vote libre
Comme ce fut le cas en 2014, lors de l’adoption de la Loi sur les soins de fin de vie, les députés doivent pouvoir encore cette fois voter librement sur cet enjeu délicat et important, sans se voir imposer la traditionnelle ligne de parti, renchérit François Bonnardel.
Bien sûr, cette nouvelle loi ne changera rien pour sa maman, âgée maintenant de 85 ans, au dernier stade de la maladie.
Mais il aimerait que tous les citoyens puissent avoir la possibilité de faire une demande anticipée dans le futur.
Il s’inclut là-dedans. « À quelque part, tu te dis, ça pourrait arriver... ».
L’aide médicale à mourir au Québec
- 2014 : adoption par l’Assemblée nationale de la Loi concernant les soins de fin de vie, qui permet aux personnes ayant une maladie incurable et irréversible, aptes à donner leur consentement, de bénéficier de l’aide médicale à mourir
- 25 mai 2022 : dépôt du projet de loi permettant aux personnes inaptes, comme celles souffrant d’Alzheimer, de présenter une demande anticipée d’aide médicale à mourir
- 152 121 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre trouble neurocognitif au Québec
Source : Société Alzheimer de Québec