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Des enquêteurs en filature convoqués chez Lafrenière pour une bière

Des enquêteurs en filature convoqués chez Lafrenière pour une bière
Photo d'Archives Agence QMI

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Alors qu'ils effectuaient de la filature, deux policiers impliqués dans l’enquête sur les fuites médiatiques à l’UPAC ont été «convoqués» à une rencontre à la résidence personnelle du commissaire Robert Lafrenière. 

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C’est ce qu’on apprend dans le résumé d’un interrogatoire de l’enquêteur de l’UPAC, Denis Pelletier, dans le cadre du projet Serment. Ce dernier a été rencontré par les agents du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) au sujet des allégations de fuites qui auraient été orchestrées par certains hauts dirigeants de l’UPAC.

Pelletier a raconté que lui et son collègue Claude St-Cyr s’étaient rendus à la résidence du commissaire le 6 septembre 2017 vers 19 heures. Ils se trouvaient alors en filature.

Une fois sur place, c’est Robert Lafrenière lui-même qui leur a ouvert la porte avant de leur offrir une bière. 

Bière et bermudas

Ils ont toutefois refusé puisqu’ils étaient en service. Le bras droit de Lafrenière, André Boulanger, s’y trouvait déjà lui aussi. Il portait des bermudas et prenait une bière avec le commissaire.

C’est d’ailleurs Boulanger qui avait «convoqué» les deux hommes chez le grand patron de l’UPAC après leur avoir parlé au téléphone. Selon Pelletier, il criait au bout du fil en disant: «T'embarques ou t'embarques pas!» Il parlait si fort qu'il avait de la misère à le comprendre.

Une fois chez Lafrenière, ce dernier était décontracté, mais Boulanger était furieux. La discussion aurait rapidement tourné autour de la loyauté des deux enquêteurs.

À l’époque, Boulanger et les deux enquêteurs étaient impliqués dans le projet A, une enquête visant à identifier les auteurs de fuites dans les médias.

Les deux hommes ont réitéré leur loyauté et promis de travailler avec Lafrenière et Boulanger.

«Lafrenière était content de l’apprendre selon Pelletier. Ce dernier n’était pas à l’aise d’être chez le commissaire, mais il a fait ce que Boulanger lui avait demandé», peut-on lire dans le résumé de la déclaration.

D’autant plus qu’ils ne comprenaient pas qu’ils avaient été convoqués, alors que d’autres policiers avec un rôle plus important n’étaient pas présents. «Ce n’était pas normal», est-il écrit.

Enquête «jello»

Dans la déclaration, Pelletier se montre critique et parle d’une enquête «jello», sans structure solide. Il estime qu'il y avait des conflits d'intérêts avec certains choix d'enquêteurs et que des cibles avaient été identifiées dès le début du Projet A.

Les enquêteurs ne sont pas les seuls à s’être rendus chez le commissaire. Dans une autre déclaration faite par l’enquêtrice Karine Vincelette, on apprend que le journaliste André Noël, ancien journaliste à La Presse et enquêteur à la commission Charbonneau, s’était rendu chez Lafrenière tout comme l'animateur Paul Larocque du réseau TVA. 

Dans une autre déclaration de l’enquêteur Jean-Frédéric Gagnon, on fait également état de rencontres du commissaire Lafrenière avec des journalistes à sa résidence. Cette information lui aurait été transmise après une rencontre avec la responsable des communications de l’UPAC, Anne-Frédérick Laurence.

Ces déclarations font partie des pièces déposées en soutien à un jugement du juge André Perreault en 2020. Elle fait partie des informations transmises par le Bureau des enquêtes indépendantes dans le cadre du procès des ex-ministres Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté et de quatre autres coaccusés.

La théorie présentée par le BEI indique que le commissaire Robert Lafrenière et d’autres hauts dirigeants de l’UPAC ont eux-mêmes orchestré des fuites d’enquêtes dans les médias, notamment à des fins personnelles et d’avancement de carrière.

Le juge Perreault a finalement prononcé un arrêt des procédures. L’enquête du BEI sur les fuites continue pour sa part d’être active, et aucune accusation n'a été déposée.

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