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[EN IMAGES] Retour sur les cinq moments où la ville de Québec a été assiégée



Lorsqu'on regarde la vie actuelle des Ukrainiens, on se dit, avec raison, qu'il fait bon vivre à Québec. Pourtant, au cours de son histoire, la capitale a subi les conséquences de plusieurs conflits armés européens et elle a même été le théâtre de plusieurs sièges et batailles.

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On connaît la célèbre bataille des plaines d'Abraham du 13 septembre 1759 et celle du siège destructeur qui l'a précédée. Ce que plusieurs ignorent toutefois, c'est que Québec n'a pas été assiégée qu'une seule fois, mais bien à cinq reprises. Un siège est l'ensemble des opérations militaires menées devant une ville dans le but de l'attaquer et s'en emparer. Les batailles font donc partie d'un siège. Nous vous racontons aujourd'hui, très brièvement, non pas les batailles qui se sont déroulées à Québec, mais plutôt les cinq sièges qui les ont précédées ou suivies.

1) Les frères Kirke: 1628-1629

Samuel de Champlain cédant Québec à David Kirke le 24 juillet 1629, carte postale. Illustration courtoisie, Musée de la civilisation

Le siège de La Rochelle débute le 10 septembre 1627 sur fond de conflit religieux. En Amérique, il est le prétexte qui permet aux frères Kirke de venir s'emparer de Québec. Lewis, Thomas, John et James, sous le commandement de l’aîné David, agissent pour le compte de la compagnie des Merchants Adventurers for Canada. Leur but est d'avoir l'exclusivité du commerce des fourrures dans la vallée du Saint-Laurent, dont Québec est la clé de voûte. Ils prennent Tadoussac au début de juillet 1628. De là, ils détruisent l'établissement du Cap-Tourmente, puis devant Québec ils ordonnent à Samuel de Champlain de se rendre. Champlain refuse et organise la résistance. Il sait que la Compagnie des Cent-Associés a envoyé vers Québec Claude de Roquemont, aux commandes de quatre navires transportant 400 colons. Il se croise donc les doigts et attend ces renforts. Ce qu'il ignore, c'est que les Kirke ont vaincu la flotte de Roquemont à Tadoussac et l'ont forcé à rebrousser chemin. Un an plus tard, le 24 juillet 1629, Champlain est affamé et doit capituler, abandonnant Québec qui est désormais britannique.

En rentrant, Champlain apprend que le conflit européen s'était terminé le 24 avril 1629 par la signature du traité de Suze, et que, par conséquent, Québec a été prise en temps de paix, soit le 24 juillet suivant. Des négociations s'enclenchent alors et traîneront en longueur. Ce n'est finalement que le 29 mars 1632, par la signature du traité de Saint-Germain-en-Laye, que Québec est rétrocédée à la France.

C'est une grande victoire pour Champlain. En effet, s'il avait abandonné dès la première sommation des Kirke, Québec aurait été définitivement britannique, mais sans s'en douter, en ayant résisté au siège au-delà du 24 avril 1629, Champlain avait sauvé Québec.

Durant les négociations de rétrocession, Champlain avait fait le vœu que si Québec retombait dans le giron de la France, il y ferait construire une église en reconnaissance à Notre-Dame. Il tient parole et, dès son retour en 1633, il fait construire une chapelle dédiée à Notre Dame de Recouvrance. Elle se situait à l'endroit où on retrouve aujourd'hui la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec.

Quant aux frères Kirke, ils rentrent penauds en Angleterre, mais en laissant à Québec Olivier Le Jeune, un esclave noir qu'ils possédaient. Ils l'avaient vendu pour 50 écus. Le Jeune a été le premier esclave africain en Nouvelle-France; il meurt à Québec en 1654.

Plaque dédiée à Olivier Le Jeune située en bordure de la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec. Photo courtoisie Ville de Québec

2) William Phips: 1690

Dans les années 1680, Louis XIV a de grandes visées expansionnistes et il arrache plusieurs territoires à ses rivaux. Pour résister à cet expansionnisme, Guillaume d’Orange, le nouveau roi d’Angleterre, forme la Ligue d’Augsbourg. On y retrouve les Provinces-Unies (Pays-Bas), plusieurs principautés allemandes, la Savoie, l’Espagne, la Suède et le Saint-Empire romain germanique. Le conflit qui éclate sera nommé la guerre de la Ligue d’Augsbourg et durera de 1689 à 1697.

Peinture de Frontenac, Palluau sur Indre. Illustration courtoisie Château de Palluau Frontenac

Dans les colonies, les Français luttent contre les Iroquois qui veulent étendre leur réseau de traite des fourrures jusque dans l'Ohio, ce qui pourrait détourner une partie de leurs profits vers les colonies britanniques. Dans le contexte de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, les Britanniques se permettent de s'allier aux Iroquois pour leur faire faire des incursions en territoire français. C'est ainsi que survient le massacre de Lachine dans la nuit du 4 au 5 août 1689. Le gouverneur Frontenac riposte et conduit des raids en Nouvelle-Angleterre. Les Britanniques répliquent en envoyant une flotte pour prendre Québec.

William Phips se présente devant Québec à la mi-octobre 1690. Il commande une flotte de 34 navires et de 2300 hommes. Il envoie aussitôt un émissaire pour ordonner à Frontenac de se rendre, et c'est alors que le gouverneur français lui sert sa célèbre réplique: «Je n'ai point de réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coups de fusil; qu'il apprenne que ce n'est pas de la sorte qu'on envoie sommer un homme comme moi; qu'il fasse du mieux qu'il pourra de son côté, comme je ferai du mien.»

Médaille de bronze frappée en France pour commémorer la libération de Québec en 1690. Photo courtoisie Numista

En prévision du siège qui s'annonce, Frontenac charge le major François Provost d'ériger une palissade. Elle fermera la Haute-Ville du côté des Plaines et elle sera appuyée de quatre batteries en Haute-Ville et de deux autres en Basse-Ville. Bien que temporaire, ce sera la première enceinte fortifiée de Québec.

De leur côté, les Bostonnais tentent un débarquement à la Canardière, dans la rivière Saint-Charles. Ils y sont accueillis par des miliciens de Beauport qui les forcent à regagner leurs navires. Finalement, le 30 octobre, Phips lève le siège et retourne chez lui. C'est un cuisant échec.

Selon des témoignages, les Britanniques auraient perdu 150 hommes contre seulement neuf chez les Français. Ce court siège aura donné la célébrité au gouverneur Frontenac et conduira à la construction d'une fortification permanente.

3) James Wolfe: 1759

Débarquement des troupes britanniques à Québec le 13 septembre 1759, gravure de P.C. Canot, d'après Francis Swain. Illustration courtoisie National Army Museum, Londres

Le siège de 1759 et la bataille qui a suivi sont certainement les plus connus de l'histoire. Ils s'inscrivent dans le cadre de la guerre de Sept Ans qui, en Europe, opposait la France et l'Autriche à l'Angleterre et la Prusse. Elle trouve sa source dans la volonté de l’Autriche de récupérer sa riche province de Silésie cédée à la Prusse par le traité d'Aix-la-Chapelle en 1748. Toutefois, pour la France et l’Angleterre, le véritable enjeu se situe en Amérique du Nord, où l'on se bat pour le contrôle du commerce des fourrures à l’ouest des Appalaches et celui de la pêche au large des côtes de Terre-Neuve. D'ailleurs, en Amérique, on la désignera plutôt par l'appellation de guerre de la Conquête.

On connaît bien sûr la célèbre bataille des plaines d'Abraham du 13 septembre 1759, mais il ne s'agit que d'un épisode qui a été précédé d'un important siège qui a détruit en grande partie la ville de Québec.

À partir de 1745, la ville de Québec est fortifiée par une nouvelle enceinte conçue par l'ingénieur militaire Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry. Il s'agit de celle qui entoure toujours le Vieux-Québec. Toutefois, à la fin mai et au début du mois de juin 1759, on construit des retranchements temporaires en prévision d'un siège. Il s'agit essentiellement d'un chemin couvert, c'est-à-dire d'une tranchée cachée derrière le remblai d'excavation et des fascines. Il s'étirait vers l'ouest, sur la rive droite de la rivière Saint‐Charles, depuis le secteur de l'actuelle autoroute Dufferin jusqu'à l'actuelle avenue Saint-Sacrement, et vers l'est, sur la rive du fleuve Saint-Laurent, jusque sur la rive droite de la rivière Montmorency. Cette ligne de défense était appuyée par un pont flottant situé à l'emplacement de l'actuel pont Drouin, lui-même protégé sur chaque rive par des ouvrages à cornes. On retrouvait également quelques redoutes.

Vue de l'église Notre-Dame-des-Victoires au lendemain du siège de l'été 1759, gravure de Richard Short, Londres, 1761. Illustration courtoisie William L. Clements Library, University of Michigan

À la mi-juin, Wolfe et ses troupes débarquent à l'île d'Orléans. Plus tard, ils s'installeront également du côté de Lévis. Le siège de la ville peut débuter. Le 12 juillet s'amorce un bombardement incessant à partir de la rive sud. Finalement, les Britanniques ont fait pleuvoir sur Québec quelque 15 000 boulets et 5000 bombes incendiaires qui provoquent au moins trois incendies majeurs. Le 18 septembre, jour de la capitulation de Québec, les Britanniques entrent dans une ville dévastée. Le siège est levé et c'est le début de l'occupation militaire. La flotte britannique quitte Québec en octobre, mais ils reviendront.

4) François-Gaston de Lévis: 1760

Le chevalier de Lévis, brandissant son tricorne à la pointe de son épée, ordonne le signal de l'attaque, le 28 avril 1760. Illustration courtoisie Société d'histoire de Sainte-Foy

En général, une place forte est assiégée par un envahisseur qui veut en prendre le contrôle. Néanmoins, l'inverse peut parfois se produire lorsqu'une armée défaite veut reprendre sa possession. C'est exactement ce qui est arrivé à Québec au printemps de 1760.

À la suite de la bataille du 13 septembre et de la capitulation de la ville de Québec le 18 septembre 1759, les troupes françaises vont retraiter et se regrouper dans la région de Montréal. François-Gaston de Lévis, le nouveau général français, estime qu'il doit reprendre la ville de Québec avant le retour de la flotte britannique au printemps et en attendant des renforts de la France. Par conséquent, il réorganise ses forces, de sorte qu'il disposera d'effectifs plus importants que ceux dont disposait Montcalm l'année précédente.

Représentation de la bataille de Sainte-Foy, 28 avril 1760, G. Campion. Illustration courtoisie Bibliothèque et Archives Canada

Son armée débarque à Saint-Augustin le 25 avril 1760. Le 27 avril, James Murray, le remplaçant de Wolfe, est informé des mouvements français et il décide de sortir de la ville pour aller à la rencontre de l'ennemi. Le 28 avril au matin, les troupes sont en position de combat. La bataille dure trois heures et se solde par la défaite britannique. Murray et ses hommes retraitent dans la ville fortifiée et Lévis amorce le siège. Chacun des camps surveille l'autre jusqu'au 9 mai, alors qu'un premier navire britannique entre dans la rade de Québec. Deux jours plus tard, Lévis commence le bombardement. Finalement, dans la soirée du 15 mai, trois autres navires britanniques arrivent. Lévis décide alors de lever le siège et de retraiter. Le 19 mai, onze nouveaux navires britanniques se pointent à l'horizon. Le sort de Québec et de la Nouvelle-France est définitivement joué. Le siège de 1760 aura été beaucoup moins destructeur que le précédent. Le succès de Lévis aura été de courte durée.

5) Benedict Arnold et Richard Montgomery: 1775-1776

Plaque commémorant l'Invasion américaine de 1775-1776. Elle est située, ainsi qu'une autre plaque écrite en anglais, sur le boulevard Champlain, sous la citadelle. Photo J.F. Caron

À la suite de la signature du traité de Paris de 1763 qui mettait un terme à la guerre de Sept Ans, les tensions réapparaissent dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre. En effet, les «Américains» voudraient bien s'affranchir de leur métropole qui veut lui faire payer les coûts de la guerre de la Conquête à coup de taxes de toutes sortes. C'est dans ce contexte qu'éclate la guerre d’Indépendance, qui a pour objectif de chasser les Britanniques du territoire. Les indépendantistes aimeraient bien rallier à leur cause les Canadiens qui vivent également sous le joug britannique.

C'est dans ce contexte qu'en 1775, des révolutionnaires américains décident d'envahir la Province of Quebec. Deux corps expéditionnaires marchent alors vers la capitale: Benedict Arnold, par les rivières Kennebec et Chaudière, et Richard Montgomery, par le Richelieu, ayant pris Montréal au passage. Arnold dispose d'environ 1200 hommes, alors que Montgomery en commande près de 1700.

Fin novembre 1775, les deux contingents se retrouvent à Pointe-aux-Trembles, aujourd'hui Neuville, puis le 4 décembre ils se dirigent vers Québec, où ils prennent position. Arnold établit son quartier général à l'Hôpital Général et Montgomery à la villa Holland, située dans l'actuel parc Samuel-Holland. Le 6 décembre, Montgomery somme le gouverneur Guy Carleton de se rendre, ce qu'il refuse évidemment. Les rebelles construisent alors des batteries et le siège débute. Il se poursuivra jusqu'au printemps, donc bien au-delà de la défaite américaine du 31 décembre 1775.

Plaques commémorant l'invasion américaine de 1775-1776, alors que les révolutionnaires américains sont repoussés à la barricade du Sault-au-Matelot. Elles sont situées au coin des rues Saint-Pierre et de la Barricade. Photo J.F. Caron

Pour assurer la défense de la ville fortifiée, les autorités militaires britanniques ne procéderont pas comme l'avaient fait les Français en 1759, soit en construisant des ouvrages temporaires avancés. Elles vont plutôt éliminer des structures où les envahisseurs auraient pu s'installer. Ainsi, dès novembre, les Britanniques n'hésitent pas à détruire le faubourg Saint-Jean – mettant beaucoup de monde à la rue sans qu'un seul coup de fusil retentisse – et à bombarder le Palais de l'intendant.

Durant l'hiver, des renforts américains arrivent de Montréal. Ils construisent des batteries sur la rive sud et à Beauport. On envisage même un nouvel assaut. Les Britanniques construisent également des batteries près de l'Hôtel-Dieu. En avril, Québec est bombardée à partir de Lévis. C'est finalement le 6 mai 1776 que des renforts britanniques commandés par l'officier John Burgoyne arrivent. L'ennemi lève alors le siège et se retire. C'est ainsi que se terminait le cinquième siège de Québec.

Pour en apprendre davantage, vous pouvez consulter le livre Québec, ville militaire, 1608-2008, de Serge Bernier et al. publié en 2008 aux Éditions Art Global.


Un texte de Jean-François Caron, historien, Société historique de Québec 

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