Une «menace de poursuite» de la part de Produits forestiers Résolu
À Baie-Comeau, un organisme de protection de l’environnement a déclaré au gouvernement fédéral avoir été la cible d’une menace de poursuite de la part de Produits forestiers Résolu en 2020, un conflit qui a entraîné l'annulation d'un projet de réhabilitation du ruisseau Comeau.
À Baie-Comeau, un organisme de protection de l’environnement a déclaré au gouvernement fédéral avoir été la cible d’une menace de poursuite de la part de Produits forestiers Résolu en 2020, un conflit qui a entraîné l'annulation d'un projet de réhabilitation du ruisseau Comeau.
Claude Théberge passe régulièrement devant le ruisseau Comeau, un cours d’eau qui part du lac Comeau, trois kilomètres en amont. Il s’écoule sur une distance de 850 mètres sous la papetière, avant de devenir un estuaire aux abords de la baie Comeau.
«[Produits forestiers Résolu] s’est installée-là à la fin des années 1930. Puis, vers la fin des années 1950, 1970, l’environnement, c’est un mot qui existait à peu près pas», a-t-il mentionné.
Les rejets toxiques de l’usine se sont accumulés dans le lit de l’estuaire du ruisseau au fil des ans. Un rapport publié en 1997 par la compagnie Naturam, appartenant à Claude Théberge, a fait état de «concentrations problématiques de contaminants de nature industrielle».
«Dans le passé, quand on passait au-dessus du ruisseau dans les 90, l’eau était violette. Pourquoi violette, parce que l’encre qui entre dans la fabrication du papier était rejetée dans le ruisseau», a-t-il expliqué.
En 2018, le Comité ZIP de la Rive Nord de l’Estuaire a reçu une subvention de 70 000 $ de la fondation Alcoa visant entre autres à améliorer la qualité de l’eau et limiter l’érosion du ruisseau Comeau avec l’ajout de végétation. Voulant aller plus loin en poursuivant l’aménagement du site, l’organisme s’est entendu avec Produits forestiers Résolu.
«En novembre 2018, on a été approchés par le comité ZIP pour participer à un projet de création de marais salé sur l’estuaire du ruisseau Comeau. Projet qu’on a embrassé parce qu’on trouve qu’il est excellent pour la région, pour l’environnement, et la communauté», raconte le directeur principal, affaires publiques chez Produits Forestiers Résolu, Louis Bouchard.
Produits Forestiers Résolu s’est engagé à offrir l’équivalent de 31 500 $ en bien et services pour le projet. «C’était le temps des expertises qu’on souhaitait mettre à profit pour l’étude, donc le temps de nos gens, c’était une valorisation, ce n’était pas une contribution monétaire», a-t-il détaillé.
Le ministère fédéral de Pêches et Océans Canada a aussi contribué au projet de marais salé en octroyant un montant maximal de 50 000 $. Les employés du comité ZIP se sont rendus sur le terrain à l’été 2019. Ils ont analysé la faune, la flore et effectué des prélèvements de contaminants dans le lit de l’estuaire du ruisseau. Avant de présenter les résultats à Produits forestiers à l’automne, le comité ZIP ne se doutait pas que son projet allait tomber à l’eau.
Dans un document transmis à Pêches et Océans Canada, le comité ZIP écrit en effet: «Le 14 novembre 2019, notre partenaire [Résolu] nous a demandé l’arrêt temporaire du projet».
Toujours selon le comité ZIP, Produits forestiers Résolu va plus loin en octobre 2020. Le directeur environnement de la compagnie interdit la transmission d’informations sur l’estuaire du ruisseau Comeau, «sous peine d’être poursuivi advenant un quelconque préjudice».
Produits forestiers Résolu dit ne pas avoir autorisé la diffusion de l’étude après sa présentation. «Cette étude-là qui a été faite sans qu’on le sache nous a été partagée, on a évidemment manifesté auprès du comité le fait qu’on était un peu inquiet sur la diffusion d’une étude qui a été faite sur nos terrains sans qu’on en soit mis au courant, a expliqué Louis Bouchard. Vous parlez de menaces, nous, on parle de discussions d’affaires.»
Par courriel, le comité ZIP affirme pourtant avoir reçu au printemps 2019 la permission écrite de l’ancienne directrice environnement chez Résolu pour réaliser l’étude de l’Estuaire du ruisseau à l’été.
Ce conflit a finalement mené à l’annulation du projet dans lequel près de 30 000 $ des 50 000 $ autorisés par le MPO avaient déjà été investis.
«Si on regarde ce dossier-là, est-ce que les règles ont été respectées ? Il n’y a aucun problème. Il y a eu un suivi. On s’est bien assuré d’avoir les factures. Le projet a été arrêté en cours de route, on sait pourquoi. Tout est correct. Il n’en demeure pas moins que l’argent a été dépensé, et on n’a pas vraiment de résultats», a déploré Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.
Le Comité ZIP a décliné notre demande d'entrevue.