Proprios forcés de verser 33 000$ après avoir essayé d'évincer un locataire
Ils ont évincé un locataire en racontant vouloir louer la maison à leur fille, mais ils l’ont plutôt vendue à profit
Coup d'oeil sur cet article
Un locataire de Montréal évincé sous un faux prétexte a réussi à faire condamner ses propriétaires à lui verser un montant exemplaire de 33 000 $ en dédommagement.
« Vu l’importance du phénomène, une telle sanction permet au Tribunal d’exprimer concrètement son indignation face à la conduite des locateurs. Elle fait aussi comprendre à quiconque serait tenté d’agir comme eux combien une telle conduite est blâmable », écrit sans détour la juge Suzanne Guévremont, dans le jugement rendu en mai au Tribunal administratif du logement (TAL).
Le locataire dédommagé souhaite également que son cas serve d’exemple.
« Je suis allé en cour parce que je n’aime pas qu’on me mente [...]. Je ne pense pas que les propriétaires ont été malicieux. Ils ont juste cru qu’ils étaient au-dessus de la loi », lance Ronald Moroz lors d’un bref échange avec Le Journal.
Le Montréalais de 71 ans louait depuis 2015 un cottage à 3000 $ par mois de neuf pièces sur deux étages auprès de Dexter Johnson et d’Anita Brown-Johnson. Lui est chirurgien maxillo-facial et elle est cheffe de la médecine familiale au CUSM et professeure adjointe à McGill.
« Une Supercherie »
Mais en 2018, ils l’ont cependant évincé, alléguant que leur fille emménagerait dans la résidence. Or, le logement est resté vacant plusieurs mois avant d’être vendu pour 905 000 $. Le couple l’avait payé 225 000 $ en 2000.
« La mise en vente hâtive de la propriété en septembre 2018 corrobore la position du locataire selon laquelle il a été victime d’une supercherie orchestrée par les locateurs pour se débarrasser de lui », peut-on lire dans le jugement.
La maison avait déjà été mise en vente par les propriétaires en 2017 et M. Moroz avait même reçu « une lettre l’accusant à tort de ne pas collaborer pour les visites ».
La pancarte à vendre avait été retirée, mais à peine quelques semaines plus tard, il recevait un avis de reprise de logement.
« [...] Une maison inoccupée est plus facile à vendre et à meilleur prix que l’inverse. Nul besoin d’être expert dans le domaine pour tirer cette conclusion », poursuit la juge Guévremont.
Cette dernière n’a pas avalé les explications des propriétaires dans cette affaire, jugeant qu’elles « ne tiennent tout simplement pas la route ».
Ils ont affirmé que leur fille de 28 ans, vivant à l’étranger, devait rentrer à Montréal au printemps 2018 et qu’ils ont voulu lui offrir le cottage, sans l’aviser.
À son retour, elle a plutôt habité chez ses parents. Puis, elle a expliqué au tribunal que le décès de sa grand-mère, aussi au printemps 2018, l’avait poussée à reprendre ses études aux États-Unis.
C’est pour payer ses études que la demeure aurait alors été mis en vente.
Les locateurs, qui possèdent six autres propriétés, n’ont pas rappelé Le Journal.
Changer la donne
« Ce jugement change la donne, car ça donne la permission aux autres juges de voir du potentiel [sur les sommes à imposer] », dit l’avocat et chargé de cours en droit du logement, David Théodore Searle.
Il ajoute qu’avant, la moyenne des montants octroyés oscillait autour de 5000 $, n’encourageant pas les locataires lésés.
Tactique courante
Les reprises de logement sont une tactique courante des propriétaires. Les demandes devant le TAL ont presque doublé en trois ans. Et ces causes ne sont que celles où les locataires refusent de partir.
« On commence à envoyer un signal aux locataires que ça vaudrait peut-être la peine de poursuivre son propriétaire. Mais il en faudra plus encore pour que les propriétaires commencent à sentir la soupe chaude », renchérit le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, Martin Blanchard.
À sa connaissance, il s’agit du deuxième jugement allant chercher un si gros montant.
Par contre, il estime que 30 000 $ reste peu considérant les centaines de milliers de dollars en profit lors d’une vente.