Êtes-vous millionnaire sans le savoir?
Québec solidaire (QS) veut imposer les «grandes fortunes». Le parti politique a tracé la ligne à un million de dollars net. Tout ce qui dépasse serait taxé du vivant et frappé d’un impôt successoral de 35 % au décès, en plus de celui sur le gain en capital.
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Ce type de ponction fiscale existe ailleurs (où les écarts de richesse persistent), ce qui ne veut pas dire que ce serait aisé à implanter ici, où la fiscalité est déjà passablement compliquée. Dès qu’on modifie un rouage du système, il se produit des effets insoupçonnés.
C’est dans les détails qu’on peut vraiment juger la proposition, et on ne les connaîtra sans doute jamais, car il faudrait que QS forme le gouvernement.
La question à se poser, valez-vous plus d’un million de dollars sans le savoir?
Une estimation compliquée par les méandres de la fiscalité
Parce que des millionnaires qui s’ignorent, ça ne manque pas. Toute personne qui épargne, investit et rembourse une hypothèque depuis 20 ans peut prétendre faire partie du club... sur papier.
Mais comment le savoir, vraiment? Ce n’est pas évident. Même les conseillers financiers confondent parfois les choses.
Le bilan d’une personne, à première vue, est simple à calculer. On additionne la valeur des actifs, desquels on soustrait le passif, les dettes.
Un élément complique cependant l’estimation : l’impôt. Dans les avoirs d’un individu, certains actifs traînent une facture fiscale latente, et d’autres pas. Ce n’est pas un petit détail.
Dans son annonce d’hier, QS évoquait «la valeur nette» d’un immeuble à logements. Par là, le parti précise la dette hypothécaire qu’on doit soustraire du calcul. L’impôt à payer à la disposition constitue pourtant une forme de dette. À ma connaissance, elle n’a pas été mentionnée.
La moitié du gain en capital qui s’accumule dans l’immeuble avec le temps est imposable. Le même phénomène touche le chalet. En revanche, le profit sur la résidence principale est exempté d’impôt. Une maison utilisée comme résidence principale a plus de poids dans un patrimoine qu’un chalet de valeur équivalente.
Pour complexifier l’affaire davantage, un particulier peut désigner son chalet comme résidence principale si la décision l’avantage d’un point de vue fiscal.
Le même genre de comparaison s’applique avec le CELI et le REER. Le contenu du CELI, avec les rendements accumulés au fil des ans, est «net» d’impôt. Le REER est 100 % imposable au décaissement, et la note à payer dépend du taux d’imposition au moment des retraits.
Donc, dans le bilan d’un individu, 100 000 $ de CELI valent théoriquement bien plus que 100 000 $ de REER. Et comme ces instruments servent à accumuler de l’argent pour les vieux jours, on devrait les comparer avec un fonds de pension d’employeur. Savez-vous combien ça vaut?
Et j’allais oublier les assurances vie!
Les «compagnies»
Vous trouvez ça compliqué? Moi aussi. C’est pourtant la partie simple. Parce que je n’ai pas abordé le cas des professionnels incorporés. Un médecin, par exemple, peut amasser une fortune à l’intérieur de son entreprise en vue de la retraite, sans posséder personnellement des actifs.
Il peut les sortir de là au compte-gouttes, sous forme de salaire et de dividendes, pour financer son train de vie. Faut-il alors taxer les actifs des «corpo», comme on dit? Sur quelle valeur, brute ou nette? Pas évident!
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Avec l’appréciation des actifs financiers et immobiliers depuis 20 ans, et en incluant dans le calcul les fonds accumulés dans les régimes de retraite, le Québec compte probablement bien plus de personnes qui valent plus d’un million que QS semble porté à le croire.
On ne parle pas des Rothschild, mais de gens qui ont fait ce qu’il fallait faire : travailler, épargner, investir. Du monde qui contribue déjà pas mal aux coffres...