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[EN IMAGES] L'histoire des parlements de Québec en 9 faits surprenants



La ville de Québec a toujours été une capitale. Depuis sa fondation, elle a été capitale coloniale, aussi bien sous le Régime français que sous le Régime britannique. Elle a également été une capitale religieuse, militaire et culturelle. Avec l'adoption de l'Acte constitutionnel en 1791, elle est devenue la capitale politique du Bas-Canada, puis de la province du Canada-Uni et enfin de la province de Québec. On la qualifie de nos jours de capitale nationale.

Le titre de capitale politique s'accompagne d'un rôle de premier plan avec l'exercice d'une démocratie parlementaire, dans le type de régime que nous vivons depuis 1791. L'hôtel du Parlement de Québec est une icône de notre capitale. 

Toutefois, lors de son inauguration à la fin des années 1880, il y avait déjà près de 100 ans que des parlements existaient à Québec, au sommet de la côte de la Montagne. Suivez-nous dans ce rapide survol de l'histoire du parlementarisme et des parlements de Québec.

1) L'Acte constitutionnel

Débat sur les langues lors de la première Assemblée législative du Bas-Canada le 21 janvier 1793. Photo Charles Huot, Wikimedia Commons

Lors de la Révolution américaine, les autorités britanniques veulent s’attacher l’élite canadienne, laquelle est de plus en plus courtisée par les révolutionnaires américains. Ainsi, en 1774, l'Acte de Québec agrandit le territoire, redonne la liberté de religion aux catholiques et restaure les lois civiles françaises, bien que les lois criminelles britanniques demeurent. 

Toutefois, cette loi «papiste» déplaît aux marchands britanniques, qui doivent composer avec des lois civiles françaises et un système seigneurial qui va à l'encontre de leurs intérêts. De plus, l'esprit révolutionnaire français occupe toujours plus de place.

En juin 1791, pour s'attacher l'élite britannique coloniale et étancher la soif de liberté des Canadiens, le Parlement britannique vote l'Acte constitutionnel. On opte pour le principe de deux races, deux systèmes, deux provinces. 

La Province of Quebec est divisée en deux: le Haut-Canada et le Bas-Canada, correspondant à l'Ontario et au Québec. Les lois civiles françaises demeurent en vigueur dans le Bas-Canada, alors que les lois civiles britanniques sont réinstaurées dans le Haut-Canada. Les lois criminelles britanniques demeurent toutefois en vigueur dans l’ensemble de la colonie. 

Aussi, on instaure un régime parlementaire britannique. La ville de Québec devient la capitale du Bas-Canada et de premières élections ont lieu à l'été 1792. 

Enfin, les premiers travaux parlementaires débutent en janvier 1793. C'est la naissance de la démocratie au Québec.

2) Le palais épiscopal

Élévation et profil du palais épiscopal, 1743, Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry. Archives nationales d'outre-mer

En 1688, Mgr Jean-Baptiste de La Croix de Saint-Vallier, deuxième évêque de Québec, acquiert un terrain qui inclut l'emplacement de l'actuel parc Montmorency de la côte de la Montagne. Avec le terrain, l'évêque obtient une maison de deux étages qui devient sa résidence, soit le palais épiscopal. 

Entre 1693 et 1695, il amorce la construction d’un nouveau palais épiscopal digne de ce nom. C'est l'architecte Claude Baillif qui conçoit un édifice en pierre de taille. Le projet est ambitieux et seulement l’aile sud-est est construite, soit la moitié de l’édifice. Seuls Mgr Pierre-Herman Dosquet, à titre de coadjuteur (1729-1732), et Mgr Jean-Marie Dubreuil de Pontbriand (1741-1759) habiteront le nouveau palais. Bien que sévèrement abîmé, il résiste au siège de l'été 1759.

Lorsque l'Acte constitutionnel est adopté en 1791, on se met à la recherche d'un édifice pouvant accueillir le nouveau Parlement du Bas-Canada. On en vient rapidement à la conclusion que seul le palais épiscopal peut convenir. 

L'évêque de Québec, Mgr Jean-François Hubert, accepte donc de louer son palais au gouvernement. L'affaire convient à tous, puisque la nouvelle assemblée législative pourra siéger dans la chapelle du palais, qui devient ainsi le premier Parlement, et le paiement de l'énorme dette contractée par l'évêque afin de restaurer le palais à la suite des bombardements de 1759 sera facilité.

3) Le premier Parlement

Le premier Parlement de la côte de la Montagne, avant février 1854. Collection Alain Gariépy, Assemblée nationale

Le gouvernement avait toujours voulu acheter le palais épiscopal pour devenir propriétaire de son parlement. Cependant, l'évêché avait toujours refusé, alléguant qu'il ne pouvait pas vendre un bien qui ne lui appartenait pas, Dieu en étant le seul propriétaire. Néanmoins, en 1831, après plusieurs années de tergiversations, Mgr Bernard-Claude Panet accepte enfin de s'en défaire et de le lui vendre. On pourra désormais le désigner, à proprement parler, d’hôtel du Parlement.

De grands travaux sont alors entrepris pour que l'édifice réponde désormais aux besoins de sa fonction. On construit d'abord l’aile nord-ouest du palais épiscopal prévue en 1693, mais qu’on n'avait jamais complétée. Puis, en 1833, on démolit la chapelle pour permettre la construction du corps principal du bâtiment, soit une véritable chambre d’assemblée. Enfin, à partir de 1851, on démolit l’aile sud-est du palais épiscopal pour permettre la construction d'une nouvelle aile semblable à l'autre, créant ainsi un effet miroir.

L’aile nord-ouest de l'édifice est conçue selon les plans de Thomas Baillairgé, la salle de l’assemblée selon ceux de Louis-Thomas Berlinguet, alors que l’aile sud-est est dessinée par Pierre Gauvreau. Quant à l'aménagement intérieur, il est de George Browne.

Le nouveau Parlement se trouve au sommet de la côte de la Montagne et il domine la falaise de Québec. On disait à l'époque qu'il s'agissait du plus beau bâtiment du Bas-Canada.

4) La Vieille Capitale

Hôtel du Parlement de Montréal. Bibliothèque et Archives Canada, fonds Augustus Kollner, C-013425

Les années 1830 sont très difficiles. Elles sont ponctuées de mauvaises conditions météorologiques et de crises agricole et économique. Cette combinaison d'ingrédients conduit, en 1837-1838, à une crise politique majeure dans laquelle ceux qu'on a appelés chez nous les Patriotes se soulèvent contre une pseudo-démocratie où le gouverneur a le veto facile. 

Les autorités britanniques profitent de l'occasion pour recadrer leur colonie et faire taire les Canadiens du Bas-Canada, ce peuple sans histoire et sans littérature, aux dires de son émissaire John George Lambton, comte de Durham.

C'est dans cette logique assimilatrice qu'en 1840, l'Acte d'Union est adopté. Les deux anciennes provinces sont réunies à l'intérieur du nouveau Canada, où les anglophones sont désormais majoritaires. 

La ville de Québec perd alors son titre de capitale. C’est à ce moment qu’apparaîtra son sobriquet de «Vieille Capitale». De 1841 à 1844, le siège du gouvernement et son Parlement se retrouveront à Kingston. 

Rapidement, les parlementaires demandent que Montréal devienne la capitale du Canada-Uni. Le Parlement y siégera donc de 1844 à 1849, jusqu'à ce que des émeutiers anglophones incendient le parlement pour protester contre la loi indemnisant les habitants du Bas-Canada ayant subi des pertes lors des rébellions. 

Par la suite, on optera pour le principe d'une capitale itinérante alternant entre Québec et Toronto. Le premier tour de Québec est fixé à 1852-1855.

5) Le deuxième Parlement

Le deuxième Parlement de la côte de la Montagne, 1865. Bibliothèque et Archives Canada

Québec n'a pas encore complété son premier cycle à titre de capitale du Canada-Uni que le 1er février 1854, son parlement est détruit par un incendie. On décide alors de compléter la session en cours dans la nouvelle chapelle des sœurs de la Charité située face au bastion Saint-Jean. Le 3 mai 1854, à peine les députés sont-ils réinstallés que ce parlement temporaire est également la proie des flammes. Ils se réunissent donc à l’Académie de musique de la rue Saint-Louis. La session suivante, le Parlement retournera à Toronto, mais il faut réagir vite, puisque Québec redeviendra la capitale dans cinq ans.

L'expérience ayant démontré que le système de capitale itinérante entraînait des coûts exorbitants, on avait choisi Ottawa comme capitale permanente. Québec en serait donc à son dernier cycle.

La construction de l'édifice parlementaire a donc lieu en 1859-1860. F. P. Rubidge, architecte au ministère des Travaux publics, conçoit un édifice destiné à servir de bureau de poste une fois la capitale déménagée de façon permanente à Ottawa. 

Par conséquent, il en résulte un édifice qui ne reflète pas le prestige de l'institution qu'il abrite. Il s’agit d’une construction de briques en forme de croix. Son corps principal comporte deux étages sur rez-de-chaussée et ses deux ailes latérales n’en ont qu’un seul. Comparé au précédent, il s'agit d'un bâtiment quelconque.

6) Une capitale permanente

Basse-Ville d'Ottawa (Bytown), lithographie, vers 1855, attribuée à Edwin Whitefield (1816-1892). Bibliothèque et Archives Canada, C-014344

Au milieu du XIXe siècle, pour tenter de plaire, ou de déplaire, à tous, les autorités coloniales britanniques choisissent, pour la province du Canada-Uni, une capitale itinérante alternant entre Toronto et Québec. 

Tous les cinq ans, la capitale déménage avec tout ce que cela implique, soit la relocalisation des fonctionnaires et de leur famille, de leurs bureaux, des archives, de la bibliothèque, etc. Une opération incroyable et aux coûts exorbitants. La pratique a tôt fait de démontrer l'inefficacité de ce système, de sorte qu'on décide de choisir une capitale permanente.

En 1857, le maire de la ville de Québec, Joseph Morrin, et Ulric-Joseph Tessier, l'un de ses prédécesseurs, se rendent à Londres pour défendre la candidature de Québec pour le titre de capitale permanente de la province du Canada. Leurs efforts seront vains puisque le 27 janvier 1858, la reine Victoria rend sa décision. 

Sur recommandation de George-Étienne Cartier, elle choisit Bytown, la future Ottawa, petite ville de bûcherons sans aucune importance située à cheval sur la frontière du Canada-Est (Québec) et du Canada-Ouest (Ontario). L’annonce provoque étonnement et colère à Québec, qui croyait en ses chances.

En 1867, Ottawa devient la capitale du nouveau Dominion du Canada et Québec obtient, comme prix de consolation, le titre de capitale provinciale. Le Parlement de la côte de la Montagne reprendra du service.

7) Le Cricket Field

Construction de l'hôtel du Parlement sur le Cricket Field, avec à l'avant-plan l'ancien Skating Ring converti en atelier pour les tailleurs de pierre. Journal L'Opinion publique, 1er juillet 1880

Dès 1867, l'assemblée législative de la nouvelle province de Québec siège au Parlement de la côte de la Montagne. Toutefois, ce bâtiment avait été construit avant que l'idée d'une confédération de provinces ne survienne et il devait servir de bureau de poste une fois la capitale du Canada-Uni établie de façon permanente à Ottawa. 

Dans le nouveau contexte d'une assemblée législative provinciale installée à cet endroit, l'espace désormais occupé par les fonctionnaires des divers ministères et ceux des postes vient rapidement à manquer. C'est ainsi qu'en 1872, un nouveau bureau de poste est construit de l'autre côté de la rue, soit l'actuel édifice Louis S. St. Laurent. 

L'opération s'avère néanmoins insuffisante face à un jeune appareil gouvernemental en croissance. On doit construire un nouveau parlement.

On pense d'abord l'édifier à l'emplacement de l'ancien collège des Jésuites, site de l'actuel hôtel de ville, devenu vacant à la suite du départ des militaires britanniques qui l'occupaient jusque-là. Toutefois, l'espace est jugé insuffisant. 

C'est alors qu'on a l'idée audacieuse de sortir des murs du Vieux-Québec et de construire en bordure de la Grande Allée, face aux fortifications. On retrouvait alors à cet endroit le Cricket Field, un ancien terrain de cricket utilisé jadis par les militaires. 

Ce vaste terrain surélevé allait mettre en valeur le nouvel hôtel du Parlement, qui dominerait tous les autres édifices de la ville.

8) Le troisième Parlement

Élévation de la façade avant de l'Hôtel du Parlement telle que dessinée par Eugène-Étienne Taché. Journal L'Opinion publique, 24 juin 1880

On amorce la construction du troisième hôtel du Parlement de Québec, l'actuel édifice de l'Assemblée nationale, en 1877. C'est l'architecte Eugène-Étienne Taché qui est choisi pour en dessiner les plans. 

Il conçoit un édifice de style Second Empire, typiquement français et largement inspiré du palais du Louvre de Paris. Ce style est caractérisé, au parlement de Québec, par ses toitures mansardées recouvertes de tôle galvanisée, par un imposant rez-de-chaussée surélevé, par une haute tour d'horloge centrale, par l'utilisation de la pierre de taille – aussi bien dans le recouvrement des murs que dans les boiseries ouvragées des ouvertures – et par des façades dont les travées de fenêtres sont symétriquement ponctuées de tours, de tourelles et d'avant-corps.

L'édifice est constitué de quatre ailes formant un carré qui ferme une cour intérieure. À l'origine, les trois ailes secondaires abritaient l'ensemble des ministères, qui sont alors tous réunis en un seul endroit, et l'aile principale accueille les deux chambres. Lorsque le parlement de la côte de la Montagne est détruit par un incendie le 19 avril 1883, le nouvel édifice n'est pas encore complété.

En façade, Taché élabore un véritable panthéon de personnages célèbres qui ont marqué l'histoire du Québec. Le tout s'articule autour de la devise «Je me souviens», qu'il crée pour l'occasion. Des dizaines de bronzes, de peintures et d'armoiries constituent ainsi un mémorial national.

9) Le parc Montmorency

Le parc Montmorency avec ses marquages au sol rappelant l'emplacement des anciens parlements. Photo J.F. Caron

Le parc Montmorency de la côte de la Montagne est l'un des plus beaux de la capitale. Il s'agit d'un lieu historique national qui rappelle le lieu de naissance de la démocratie au Canada. Néanmoins, de nombreux autres événements historiques s'y sont déroulés.

À la suite de l'incendie du deuxième parlement survenu le 19 avril 1883, le site est abandonné et il est jonché de ruines jusqu'en 1893, alors qu'il est nettoyé et aménagé en jardin public, le parc Frontenac. Ce n'est qu'en 1908 qu'il adoptera son toponyme actuel.

Au fil du temps, on a voulu rentabiliser cet emplacement par toutes sortes de projets, notamment la construction d'un hôtel et d'un musée. Heureusement, rien de la sorte n'a vu le jour.

Aujourd'hui, en raison de sa richesse historique, on a fait de ce site un véritable jardin commémoratif. On y retrouve une croix, des plaques et des monuments commémorant le premier cimetière de la Nouvelle-France, les fortifications, dont l'ancienne porte Prescott, George-Étienne Cartier, premier ministre de la Province du Canada et père de la Confédération, la Conférence de Québec de 1864, l'émission du premier brevet d'invention au Bas-Canada en 1824, ainsi que les familles de Louis Hébert et de 47 autres pionniers de la Nouvelle-France. Mais surtout, on y retrouve des marquages au sol rappelant l'emplacement des deux premiers parlements de Québec.

Un texte de Jean-François Caron, historien, Société historique de Québec 

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