Référendums en Ukraine: un outil supplémentaire dans la guerre de l’information de Poutine
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C’est sans surprise que des résultats massivement positifs aux référendums tenus par la Russie dans les régions ukrainiennes de Donetsk, Zaporizhzhia, Luhansk et Kherson sont survenus plus tôt cette semaine.
S’il est facile de critiquer la rapidité avec laquelle les votes se sont mis en place et le grand manque de transparence, il ne faut pas minimiser l’important outil de propagande que cette mesure a le potentiel de devenir. Non sans évoquer le référendum qui a eu lieu en Crimée en 2014, on peut prévoir un usage similaire.
La même rhétorique de protection des Russes à l’étranger et de lutte contre le nazisme est certainement employée par le Kremlin pour justifier les actions actuelles menées en Ukraine. Ironiquement, ce sont des scores favorables similaires au 97 % de 2014 en faveur d’une séparation que les référendums de 2022 ont obtenus.
Indignation et accusations
La communauté internationale a pour sa part été rapide pour décrier cette mesure comme une fraude, il ne faut pas perdre de vue que ces mesures sont principalement orientées vers la population russe. Par conséquent, il y a peu de chances que les menaces et les accusations provenant des autres nations aient un réel impact sur les actions subséquentes du Kremlin. Déclarer ces référendums comme illégaux et illégitimes, bien que tout à fait vrai selon les conventions internationales, pourraient ultimement jouer dans les plans de Vladimir Poutine et consolider son argumentaire auprès de la population russe qui mise largement sur un sentiment nationaliste accru ainsi que sur l’idée de l’exceptionnalisme de la nation russe face à un ostracisme grandissant.
La russophobie dont parle à plusieurs reprises le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n’est qu’un exemple de ces discours.
Une contestation réellement porteuse de changement?
C’est avec bravoure que plusieurs Russes prennent les rues dans un contexte de répressions grandissantes pour montrer leur désaccord envers la guerre qui sévit toujours en Ukraine. Cependant, si on assiste réellement à une contestation croissante au régime de Poutine en Russie, il ne faut pas non plus exagérer leur importance. Malgré les images de manifestations qui nous sont transmises par les médias, principalement occidentaux, Poutine conserve une emprise forte sur le pays, principalement en raison de sa mainmise sur les narratifs qui y circulent, et ce, depuis plus de vingt ans.
Ainsi, même s’il faut souligner le courage de la société civile russe, il ne faut pas que les médias occidentaux tombent eux-mêmes dans le piège de la désinformation qui caractérise ce conflit. Actuellement, le nationalisme russe demeure bien vivant et important au sein de la société. Alimentée par les nombreux outils de propagande, une partie importante de la population russe demeure en faveur de la guerre en Ukraine.
Même si les mesures entreprises par le gouvernement en place semblent par moment grotesque en Occident, il ne faut pas oublier le double rôle qu’elles jouent. Leur portée n’est pas orientée vers nous, mais bien vers la population russe comme un outil d’influence supplémentaire dans cette guerre.
Sara Germain, Chercheure à l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires (OCCAH)