Faudra-t-il des morts pour régler le problème de construction?
Germain

Revenons à cette histoire de condos pourris publiée dans Le Journal mardi dernier. Quarante-huit copropriétaires risquent de tout perdre, car leurs immeubles nécessitent des travaux correctifs majeurs à cause de vices de construction qui remontent à 30 ans.
Ça frappe, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Les problèmes d’étanchéité sont monnaie courante, particulièrement dans les constructions récentes. Quand ce n’est pas l’intégrité de la bâtisse à long terme qui est menacée, ce sont les champignons qui envahissent les murs... Une plaie.
Un cas extrême
Récemment, l’émission La Facture rapportait une histoire sur le même thème, à glacer le sang. Une énième sur le sujet. Un immeuble en copropriété de Gatineau, neuf, était si mal construit qu’il représentait un danger pour ses occupants. Il présentait des risques élevés d’effondrement et d’incendie. En cause, outre l’incompétence et la négligence: les inspections sur les chantiers du Québec, notamment pour les travaux d’électricité, qui seraient 100 fois moins nombreuses que chez le voisin ontarien.
Dans le reportage, on montrait un clip où la ministre de l’Habitation Andrée Laforest semblait trouver extravagante l’idée d’accroître les inspections sur les chantiers. Des gens de l’industrie lui ont dit que ça ralentirait les travaux.
Ça fait des années qu’on déplore les problèmes de qualité en construction, particulièrement dans le segment des logements multiples. Qu’est-ce qu’il faudra pour que le gouvernement s’y attaque? Des morts?
Rappelez-vous l’histoire absurde de cette jeune femme morte écrasée par un bloc de béton, en plein restaurant au centre-ville de Montréal. C’était en 2009, le morceau s’était détaché de la paroi de l’immeuble et avait traversé une verrière avant de terminer sa chute sur la victime. Le coroner chargé d’enquêter sur cet accident avait conclu que le Québec accusait des retards importants en matière de sécurité des édifices publics. Dans la foulée, l’inspection systématique des édifices de plus de cinq étages avait été commandée par Québec.
On peut citer d’autres affaires, mentionnons seulement l’effondrement, 3 ans plus tôt, du viaduc de la Concorde, à Laval.
Ça traîne dans l’habitation
Combien de fois vous ai-je cassé les oreilles avec la nouvelle législation sur la copropriété? Encore la semaine dernière, je vous ai rappelé les exigences imposées par la loi 16 sur la propriété (étude de fonds de prévoyance, carnet d’entretien). Des lecteurs me demandent depuis quand.
Ça fait trois ans que la loi a été sanctionnée, et ses aspects majeurs ne sont toujours pas en application, car ils doivent être précisés par règlement. Ça niaise... Pendant ce temps-là, moi je radote, et les syndicats de copropriété font comme ils peuvent pour s’y préparer.
Ce que je veux dire, c’est que ça traîne à plusieurs égards dans ce secteur.
Plus d’inspections demandées
Autre morceau important du cadre législatif entourant la copropriété, la loi 141. Cette loi avait entre autres pour objectif de régler les problèmes d’assurance (la loi 16 aussi, par la bande). Moins d’assureurs s’intéressent à ce marché à cause des réclamations à répétition. Des compagnies ne veulent même plus protéger les immeubles de moins de trois ans tellement les vices de construction sont répandus.
Lors des consultations en vue de préparer les textes législatifs, les représentants des assureurs et des gestionnaires de copropriété étaient d’accord sur ce point: il fallait améliorer l’inspection des chantiers, car la plupart des vices majeurs sont invisibles une fois la construction terminée.
Eh bien non, ça n’a pas été retenu. C’est trop compliqué, même si ça se fait ailleurs.
Trop cher? Demandez à tous les copropriétaires combien leur coûtent aujourd’hui les vices de construction en argent, en temps et en stress?
Une vie avec ça?
Recours pour vices cachés
Un mot pour dire qu’il n’y aura pas seulement 48 ménages affectés dans l’histoire rapportée par Le Journal.
Il y a visiblement matière pour des réclamations pour vices cachés. Sans vouloir se prononcer dans le cas qui nous occupe, l’avocat Bryan-Éric Lane rappelle les grandes lignes de la question.
Un propriétaire a trois ans après la découverte d’un vice caché pour se tourner contre le propriétaire antérieur en vertu la garantie de qualité.
L’ancien propriétaire qui fait l’objet de la réclamation peut ensuite se tourner contre le précédent. Et ainsi de suite. La cascade peut se rendre jusqu’à l'entreprise, probablement insolvable, qui a construit et a vendu le projet.
«Le vice doit être existant au moment de la transaction, inconnu de l’acheteur, grave et caché», résume-t-il.
Il doit y avoir du monde nerveux!