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Séparés par des idées complotistes

Une Québécoise de 42 ans a divorcé de son conjoint qui s’est enfoncé dans des théories douteuses

Complotiste - divorce
Julie, que l’on voit en robe de mariée, avait épousé son conjoint en 2019. Photo courtoisie


La pandémie et les nombreuses théories du complot ont volé une partie de la vie d’une Québécoise de 42 ans qui a vu son époux s’enfoncer jusqu’à les mener au divorce. 

Mariée en 2019, Julie a reçu la semaine dernière son jugement de divorce avec des sentiments contradictoires. Soulagée et triste, ce n’est pas le futur qu’elle avait imaginé avant la crise sanitaire.

« J’ai perdu mon mari. C’est exactement ça qui est arrivé. On avait une belle vie, chacun une belle carrière et des projets d’avenir », affirme cette professionnelle qui a préféré ne pas révéler son nom de famille.

Un peu avant la pandémie, son conjoint a vécu une épreuve personnelle, mais Julie ne se doutait pas alors que leur vie allait basculer. Le fait de partager son histoire est aujourd’hui un exutoire.

  • Écoutez le témoignage de Julie au micro de Yasmine Abdelfadel à QUB radio :

Un refuge

« Son refuge a été d’aller sur internet. Au début, c’était pour se divertir. Il s’amusait à lire des théories sur la Terre plate. Je n’ai pas réalisé qu’il a évolué et c’est devenu plus sérieux », ajoute-t-elle encore émotive.

Un peu prise par le travail, Julie explique qu’elle n’a pas vu immédiatement la dégradation de la santé mentale de son conjoint.

La découverte des cryptomonnaies, associée à quelques conspirations douteuses, a accéléré le dérapage de son esprit. 

« Il s’est mis à fréquenter des gens plus extrêmes sur des sites sans aucune règle. Ça n’avait plus rien à voir avec YouTube. Il est devenu très intolérant et sa personnalité a changé. »

Son conjoint a également commencé à suivre des gens de la droite radicale, reconnus comme conspirationnistes. Graduellement, ce dernier a bâti sa propre théorie en s’isolant davantage au gré de ses recherches. Lorsque Julie a reçu sa première dose de vaccin contre la COVID-19, il lui a dit qu’elle n’avait plus que 4 ans à vivre.

Une obsession

« Ça prenait tout son temps. Il me demandait combien d’enfants étaient manquants dans notre quartier. Je ne comprenais plus de quoi il me parlait, mais je voyais sa détresse. Il voulait exposer la vérité et il mélangeait vraiment tout. C’était difficile de discuter avec lui. »

Malheureusement, la situation s’est envenimée. L’homme dans la quarantaine a aussi adhéré au courant survivaliste en se préparant à une catastrophe éventuelle. Toutes ses activités quotidiennes étaient teintées par ses nouvelles inquiétudes.

« Il a commencé à ramener de la nourriture pour la conserver dans un espace de rangement au sous-sol. Il prévoyait une guerre civile et c’est devenu une obsession. J’ai vraiment essayé, mais j’ai dû le quitter même si l’abandonner n’était pas la solution à mon sens. Ma propre santé mentale avait pris une débarque. »

Son époux a finalement perdu son emploi. Il habite désormais chez un membre de sa famille. Julie n’est pas convaincue qu’il pourra s’en sortir.

« Je ne sais pas s’il y a de l’espoir. C’est très triste. Il avait un esprit critique et des études universitaires. Je pense que personne n’est à l’abri de ça », termine Julie. Après un dernier contact, il y a quelques mois, elle pense ne plus jamais le revoir. 

Beaucoup de détresse à traiter, selon les psys 

La santé mentale de bien des gens a été mise à mal pendant la pandémie et la détresse doit être traitée, croit la présidente de l’Ordre des psychologues.

« On a une côte à remonter pour s’en occuper. On a une plus grande proportion de gens qui vont moins bien ou qui ne vont pas bien du tout. Malheureusement, on a une côte à remonter au niveau de l’offre de services pour traiter la détresse sur le plan sociétal », explique la Dre Christine Grou, psychologue clinicienne et neuropsychologue.

Besoin d’aide

En post-COVID, les effets sont nombreux sur les individus. L’anxiété a grimpé en flèche, les demandes de consultation aussi. Les éléments dépressifs et les tensions relationnelles ont aussi augmenté, tout comme la consommation de plusieurs substances.

Les médias sociaux et leurs chambres d’échos n’ont pas aidé non plus. Des gens se sont cristallisés dans la certitude, se créant du coup une zone de plus grand confort.

« Des couples ont explosé alors que d’autres se sont solidifiés. Des familles se sont brisées. Plus la charge émotionnelle est élevée, moins la marge de manœuvre est grande pour l’esprit critique, la discussion et la tolérance », ajoute la Dre Grou, porte-parole de la profession.

Quant aux théories du complot, la psychologue insiste pour dire que ces idées existaient avant la pandémie.

« Ça s’est exacerbé avec la pandémie qui a mis à rude épreuve la capacité d’adaptation. Souvent, dans le complotisme, des gens trouvent des réponses claires, séduisantes et rassurantes pour certaines personnes, qu’elles soient exactes ou non. La remise en question, c’est insécurisant », précise la Dre Grou.

Éviter de diaboliser

Selon elle, il faut éviter la radicalisation de ceux qui ont tendance à s’enfoncer.

Même quand on tente de questionner, pour eux ça fait partie du complot et de la stratégie. Quand on veut s’adresser à eux, il ne faut pas rompre la communication. On peut essayer d’emprunter un terrain commun, de parler de hockey par exemple. Il faut humaniser au lieu de diaboliser », suggère la psychologue.

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