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Essai: un pitbull devenu sympathique

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Disons-le tout de go : à l’époque où il était maire de Huntingdon, Stéphane Gendron avait sale réputation, celle d’un pitbull qui s’en prenait à tout ce qui bougeait à gauche de la droite. Ce titre, Un homme en colère, rappelle un titre similaire que j’avais publié à l’époque à propos de Michel Chartrand, dont on ne se questionnait pas sur les orientations politiques du coloré personnage.

Dans cet ouvrage à cœur ouvert, l’ex-maire nous fait part de sa démarche pour comprendre les raisons de ses colères. Et on ne peut que sympathiser avec ce jeune garçon battu à coup de ceinture par un père indigne et une mère qui « carburait à l’agressivité super sans plomb ». 

Mais à 18 ans, sa vie bascule, ayant découvert entre-temps l’ivresse de la liberté alors qu’il est pensionnaire au collège Brébeuf. Ayant opté pour des études en musique plutôt qu’en médecine, il sera abandonné sur le trottoir par son père, avec deux sacs remplis de ses effets personnels. « C’est ainsi que j’ai basculé dans le monde adulte. Seul, avec la violence comme unique carburant pour alimenter mon esprit... », écrit-il.

De fil en aiguille, le jeune Gendron s’inscrit en droit à l’Université de Montréal. Intéressé par les communications, il s’engage à fond dans le journal de la faculté puis dans Le Journal de Lowell, au Massachusetts, où il est allé parfaire des études en histoire. Sa rencontre avec Gilles Proulx, son idole et mentor, dont les propos incendiaires ont meublé sa jeunesse, sera déterminante. « Son sens du spectacle et du théâtre ne cessait de m’impressionner. » Il se désolidarisera plus tard de cet « homme enragé ».

Photo courtoisie

Fort en gueule

Le parcours de ce maire atypique est impressionnant. Avocat depuis 1993, on le retrouve comme attaché politique aux côtés du ministre de l’Éducation Jean Garon jusqu’à ce que Pauline Marois fasse son entrée à ce ministère. Changement de programme. En 2004, à 34 ans, il devient maire de Huntingdon, en banlieue de Montréal. C’est à ce moment que commence sa véritable carrière de fort en gueule, qu’on aimera ou qu’on détestera. Couvre-feu pour les mineurs, peine de mort pour les auteurs de meurtre prémédité, premier ministre criminel, juge propédophile, etc. Il admet aujourd’hui qu’il était « à l’époque friand de solutions faciles devant régler des problèmes complexes ».

Apprenant la fermeture subite, à quelques jours de Noël, d’usines textiles qui jettera à la rue quelque mille travailleurs de sa ville, le maire Gendron bondit de rage. Le sachant prompt sur la gâchette, les médias de toutes parts sollicitent ce maire devenu personnage médiatique. 

« Avoir les projecteurs braqués sur soi et vouloir régler tous les problèmes qu’on vous expose : tel a été mon pain quotidien à cette époque. [...] C’est d’ailleurs assez rapidement que les dérapages sont apparus. [...] J’étais dans un char en plein derby de démolition et j’avais le pied sur l’accélérateur », avoue-t-il. Le chroniqueur de La Presse Yves Boisvert le traitera de « connard » et dira de lui qu’il éructe au lieu de penser.

Cette vie en « cavale », où le « justicier » Gendron massacre en ondes et sur les réseaux sociaux ceux qui ne pensent pas comme lui durera presque dix ans. Il admet aujourd’hui que sa contribution aux débats de société a été « d’une nullité absolue ». Ce grand dépendant affectif – « Je suis dépendant à ma conjointe comme un alcoolique l’est à la bouteille » – avoue souffrir du « trouble de l’attachement », dont les causes remontent à son enfance dans une famille « en état de guerre » permanent.

De droite à gauche

Depuis, Gendron a bien changé. De gars de droite, l’animateur radio est passé radicalement à gauche, à tel point que la station de radio de Québec où il travaille ne lui renouvelle pas son contrat parce qu’il « ne fittait plus dans les beuveries du monde de la radio privée de la capitale ». Cette transition l’amène à une réflexion fort intéressante sur le trash dans l’espace public, où « il reste peu de place pour le compromis et la discussion ». 

Cet ouvrage devrait être une lecture obligatoire dans les cours de journalisme, même si Gendron se définit avant tout comme un « commentateux ».

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