Éducation: l'aveuglement volontaire de François Legault
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Après Bernard Drainville, c’était au tour du premier ministre de se présenter au micro de Paul Arcand. Dans une longue entrevue, M. Legault a légèrement abordé le thème de l’éducation (ici).
Selon lui, «la clé si on veut augmenter la réussite scolaire, c’est le 25% d’enfants qui ont des difficultés d’apprentissage».
Retour sur trois de ses idées quant à la façon dont nous parviendrons à les aider.
Payer les services au privé
Selon le premier ministre, son gouvernement a ajouté 2000 orthophonistes et orthopédagogues dans le réseau scolaire. Les chiffres du ministère de l’Éducation démontrent que c’est plutôt 1212 professionnels qui ont été embauchés depuis 2019.
Afin de répondre à la demande de services à fournir à nos élèves, M. Legault envisage de payer la facture pour les consultations au privé. Un petit pansement pour une grande plaie.
L’expérience me dit qu’une partie de la clientèle visée ne se déplacera pas vers les services requis. Dans le cas de plusieurs élèves vulnérables, l’offre doit se faire à l’école.
Les classes difficiles
Pour M. Legault, une autre solution consiste à placer les enseignants expérimentés dans les groupes ou les écoles plus difficiles.
Si on veut que les enseignants expérimentés prennent des tâches plus difficiles, il faudrait revoir, entre autres, leur rémunération. Au sommet de l’échelle salariale, le principal facteur de motivation consiste à prendre des tâches de plus en plus belles à mesure qu'on avance vers la retraite.
Une alternative serait de créer des tâches facilitant l’intégration des jeunes enseignants lors des cinq premières années. Lors des 25 années suivantes, un nombre croissant de groupes plus difficiles pourrait être distribué à l’enseignant. Enfin, lors des cinq années avant la retraite, un juste retour à une tâche un peu plus «reposante» devrait être accordé (ici).
Le mirage
Au sujet de l’existence d’une école à trois vitesses, M. Legault s’est contenté de dire qu’il y avait «du travail à faire sur l’école publique sans projets particuliers».
J’ai souvent entendu cette proposition. Elle relève de la pensée magique. Plusieurs écoles offrent déjà des projets particuliers non contingentés et à coûts nuls à leurs élèves. Vous irez enseigner dans ces classes, juste pour le plaisir. Les difficultés d’apprentissage, les troubles du comportement, la faible motivation et l’échec y sont toujours surreprésentés.
Ajouter des programmes particuliers pour tous ne changera pas le fait que le privé et le public sélectif viennent soutirer des élèves «performants sur le plan scolaire». Ainsi, le poids de l’inclusion repose sur les élèves de la classe ordinaire. D’ailleurs, cette répartition inégale du poids de l’inclusion crée de l’iniquité dans la tâche d’enseignement: le personnel enseignant des classes ordinaires voit sa tâche s’alourdir davantage.
Avant même de discuter de la répartition des groupes «difficiles» entre collègues, il serait pertinent de répondre aux questions suivantes: pourquoi ce nombre est-il si élevé et comment le diminuer?
À ce sujet, messieurs Drainville et Legault font de l’aveuglement volontaire.