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Fitzgibbon, un ministre de l’Énergie déconnecté

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Photo Martin Alarie

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Depuis sa nomination au poste de ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon répète sur toutes les tribunes que «nous consommons beaucoup trop d’électricité, comme résidents». Du même souffle, il invite Hydro-Québec à réfléchir à des mesures pour restreindre la consommation des clients résidentiels et ainsi libérer de l’énergie pour les entreprises. Cette affirmation a de quoi laisser pantois! D’abord, parce que c’est méconnaitre la réalité d’une grande partie de la population qui peine à se chauffer convenablement en raison du coût de la facture d’énergie. Ensuite, parce que c’est s’attaquer frontalement à la mission d’Hydro-Québec et ce, sans débat collectif préalable. 

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La précarité énergétique chez les Québécois

C’est encore et toujours la même rengaine, les Québécois consommeraient trop d’énergie. Ce jugement moral cache une réalité dont on parle bien peu. En effet, bien que les tarifs d’électricité soient parmi les plus bas en Amérique du Nord, de nombreuses personnes éprouvent des difficultés à payer leur facture d’électricité. À l’heure actuelle, un ménage sur 7 est en situation de précarité énergétique au Québec. Ça veut dire que 16% de la population a de la difficulté à subvenir à ses besoins en énergie ou alors, y arrive au détriment de la couverture d’autres besoins essentiels comme manger. Ce nombre devrait croître, car le coût de l’énergie ne cesse d’augmenter et aucune loi n’oblige les propriétaires de logement à faire les travaux nécessaires au maintien d’un bon confort thermique.

La consommation d’énergie des ménages québécois n’est pas simplement une question de « bons » comportements individuels. Un nombre important de ménages consomment beaucoup d’énergie parce qu’ils vivent dans des logements mal isolés. En effet, un logement en mauvaise condition peut amener ses occupants à surconsommer de l’énergie ou à s'auto-restreindre, voire à se priver de chauffage. Quel pouvoir les locataires ont-ils sur cette situation? Si le ministre souhaite réellement encourager les ménages à économiser l’énergie, il ne peut se limiter à leur demander de baisser le chauffage (déjà trop bas chez bien des personnes). Il doit mettre en place des mesures d’isolation de l’enveloppe thermique pour les bâtiments résidentiels. La réponse à un enjeu social de cette ampleur doit être collective.

La consommation individuelle VS celle des entreprises

Si le Ministre ne se gêne pas pour faire la morale aux Québécois sur leur consommation d’énergie, il semble moins prompt à le faire quand vient le temps de parler des entreprises. Et pourtant, il y aurait de quoi à dire! Avant de sur-responsabiliser les citoyens, il faut se rappeler que certains secteurs d’activité consomment beaucoup plus d’énergie que le secteur résidentiel et que le développement économique est grandement responsable de la hausse de la demande d’électricité. Par exemple, l’électrification des transports, les centres de données, les cryptomonnaies et la culture en serre (qui inclut les plantes ornementales et le cannabis) génèrent une pression importante sur les besoins électriques. À titre d’exemple, d’ici 2029, Hydro-Québec prévoit que la demande en électricité pour les centres de données atteindra 4,2 TWh par an, soit l’équivalent de la consommation de 250 000 foyers ou de la production de la centrale de la Romaine-2.

Quand on entend le discours du ministre sur le prétendu gaspillage d’énergie des Québécois, on a l’impression que tout le monde a un spa chauffé sur son balcon. Il faut peut-être se rappeler que l’énergie, ce n’est pas un luxe. C’est essentiel pour se chauffer, manger, se laver, être en bonne santé, travailler et étudier. De nombreuses études ont démontré que le froid et les problèmes de chauffage multiplient les risques de développement de maladies et de surmortalité. Nous comprenons le désir du gouvernement de développer l’économie du Québec. Nous pensons toutefois que celui-ci ne devrait pas se faire au détriment de la santé de la population.

Hydro-Québec a été créée pour offrir aux Québécois le service d’électricité aux tarifs les plus bas compatibles avec une saine gestion financière. Sa mission était de garantir l’accessibilité d’un service public essentiel. En 1981, le gouvernement l’a modifiée pour lui donner une vocation commerciale et l’obliger à faire des profits. Aujourd’hui, en incitant Hydro-Québec à obliger les Québécois à réduire leur consommation pour favoriser les entreprises, le ministre dénature encore plus la société d’État. Ainsi, nous invitons le gouvernement à revoir ses priorités pour placer au cœur de son action l’amélioration des conditions de vie de tous et toutes.

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Photo courtoisie

Émilie Laurin-Dansereau, Conseillère budgétaire à l’ACEF du Nord de Montréal

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