Quelle note donner à l'an 1 du maire Marchand? Des experts se prononcent
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Le Journal a demandé à quatre experts en politique et en communication d'analyser la performance de Bruno Marchand, après un an à la mairie de Québec. Ils ont également donné leur appréciation du travail du chef de l'opposition, Claude Villeneuve. Voici leur verdict.
Thierry Giasson
Professeur et directeur du département de science politique à l’Université Laval
Que pensez-vous de la performance de Bruno Marchand pour sa première année à la mairie de Québec?
C’est un bilan qui est réussi. La tâche la plus importante que Bruno Marchand avait à établir, c’est de se faire connaître. Il avait amené des propositions audacieuses en campagne électorale et cela lui a permis de s’imposer et de projeter une image positive.
Il a, dès les premières prises de parole, projeté une image de quelqu’un qui, malgré le contexte avec lequel il avait à composer, voulait travailler avec tout le monde, dans la collaboration et le compromis.
C’est quelqu’un qui est facile d’accès et ça clique avec les gens de Québec. Ils sont fiers que cette personne soit leur maire, et c’est une énorme réussite pour lui parce qu’il avait d’énormes chaussures à chausser en suivant Régis Labeaume.
Le bon coup
Première réussite: réussir à recadrer l’image du maire de Québec et à s’imposer comme un leader crédible. Deuxième réussite: pouvoir tenir tête à la députation caquiste à Québec.
Il a été le meneur du mouvement d’opposition de cette génération de nouveaux maires qui disent à Québec: «Vous n’allez pas faire n’importe quoi en développement, en mobilité.»
Le mauvais coup
Sur l’itinérance zéro, ses promesses étaient maladroites. Il a créé des attentes. L’engagement n’était pas bien ficelé. Des gens auraient dû être consultés.
Il y avait peut-être une bonne intention derrière ça. Mais clairement, quand c’est sorti, les gens qui travaillent en itinérance ont levé le doigt en disant: «Ça n’a pas de bon sens et les propositions que vous faites ne sont pas réalistes». Il doit s’asseoir avec tout le monde et trouver des solutions. Je pense que c’est à la portée de Bruno Marchand.
Que pensez-vous de la performance du chef de l’opposition, Claude Villeneuve, pour sa première année de mandat?
J’ai apprécié le ton de M. Villeneuve. C’est une opposition qui est efficace, qui ne s’oppose pas pour s’opposer. Il y a une volonté de faire avancer les dossiers. Il a pris la main tendue par le maire. C’était agréable de voir ça alors qu’on sortait des années Labeaume. Ils font bien et ça doit être difficile quand on a devant nous quelqu’un comme Bruno Marchand, qui est charismatique, qui a de bonnes valeurs et qui est apprécié par la population. L’opposition doit travailler avec lui, mais tenter de faire des gains sans trop se coller sur lui.
- Note sur dix pour le maire Marchand: 8,5/10
Philippe Dubois
Professeur adjoint en communication publique et politique à l’École nationale d’administration publique
Que pensez-vous de la performance de Bruno Marchand pour sa première année à la mairie de Québec?
Il a eu une bonne année, globalement, parce qu’il a bien géré les attentes. Lorsqu’il est arrivé, on le présentait comme la saveur du mois. Il arrivait avec de grands souliers à chausser. Régis Labeaume était encore très apprécié et a joué un rôle très important sur la scène régionale et nationale.
M. Marchand a bien atterri à l’hôtel de ville, a réussi très rapidement à inscrire sa marque, ce qui a empêché le jeu de comparaison constant avec son prédécesseur. C’est Bruno Marchand qui est le maire, avec sa couleur et son énergie. Il a réussi à se distancier sans rompre avec le maire Labeaume.
Il a une attitude ouverte et n'apparaît pas comme un dogmatique qui veut cocher des cases à tout prix.
Le bon coup
Rapidement, il a réussi à rééquilibrer les forces au conseil. Il y a une part de concours de circonstances et une part d’habileté politique là-dedans.
Il a associé des élus de l’opposition ou indépendants à son exécutif. Ces gens se sont solidarisés avec le maire. L’opposition s’est rapidement trouvée dans une position difficile.
Claude Villeneuve a perdu des soldats et Québec 21 a littéralement implosé, ce qui donne une marge de manœuvre à l’administration, qui se retrouve avec les coudées franches.
Le mauvais coup
Sur certains dossiers, il y a la réalité du pouvoir qui a embarqué et il y a une impression que la marchandise n’est pas livrée ou du moins une impatience qui commence à arriver, sur laquelle M. Villeneuve réussit à marquer des points.
Si ce n’est pas un problème pour le maire, ça pourrait le devenir. Il y a eu une lune de miel. Mais avec le nouveau gouvernement et les relations tendues, et un bon nombre de dossiers que M. Marchand nous a promis de régler rapidement, il va falloir qu’il y ait des cases qui se cochent bientôt, parce qu’il y a un risque de créer de la déception.
Que pensez-vous de la performance du chef de l’opposition, Claude Villeneuve, pour sa première année de mandat?
Québec d’abord partait avec deux prises parce qu’ils ont perdu l’administration, et le maire a réussi rapidement à aller leur grappiller des soldats.
Par contre, on sent l’expérience dans l’opposition officielle avec Claude Villeneuve, qui a une expérience politique autre que municipale, et Alicia Despins, qui apporte une connaissance de la machine bénéfique à l’action de l’opposition. C’est une carte importante dans leur manche. Elle risque de faire la différence si le vernis du maire commence à se fissurer.
- Note sur dix pour le maire Marchand: 9/10
Natacha Joncas Boudreau
Directrice chez TACT intelligence conseil, spécialiste en en relations publiques et gouvernementales
Que pensez-vous de la performance de Bruno Marchand pour sa première année à la mairie de Québec?
L’arrivée spectaculaire de Bruno Marchand à l’hôtel de ville de Québec nous a fait oublier la courte avance dont il bénéficiait pour l’atteindre. Le nouveau maire n’a pas eu d’autres choix que d’adopter rapidement une posture collaborative.
Dès les premiers jours, il a posé des gestes concrets comme le crédit de taxes aux commerçants et l’état des lieux sur le tramway. Malgré quelques gaffes, son inexpérience politique ne s’est pas réellement fait sentir.
Du côté des défis, le dossier de la mobilité n’est pas gagné. Ayant élevé les attentes en campagne électorale, il est ensuite revenu sur sa parole à propos des améliorations au projet de tramway. De plus, malgré tous les efforts de communication déployés, on peut douter du succès de l’offensive alors que le fossé entre les deux camps semble se creuser davantage chaque jour.
Ajoutons également que sa victoire fut grande, mais courte. Ainsi, il doit dès maintenant travailler à élargir sa base d’appuis, et ce, sans que ceux ayant d’abord cru en lui quittent le navire. Un exercice d’équilibriste pour les prochaines années.
Le bon coup
Cet homme inconnu qui a fait campagne est le même que celui qui est maire. Il est authentique et cohérent, ce qui est rafraichissant dans le paysage politique.
Dans le même ordre d’idée, qu’on soit en accord ou non avec le maire, celui-ci a le courage de ses convictions et il les défend jusqu’au bout. Il n’a pas courbé l’échine devant le gouvernement du Québec, n’hésitant pas à provoquer une collision frontale sur le dossier du transport.
Soulignons également les ponts rétablis dans la relation avec Lévis et la bonne gestion du convoi des camionneurs.
Le mauvais coup
Le maire a les défauts de ses qualités. La fermeté de son leadership l’entraine parfois sur des terrains plus minés. Il devra apprendre à mieux doser ses déclarations.
Dans la même optique, il a rapidement incarné son rôle de Capitaine tramway, reniant au passage des engagements pris en campagne électorale. Certains se sont sentis floués par ce changement de position sur ses propres propositions.
Que pensez-vous de la performance du chef de l’opposition, Claude Villeneuve, pour sa première année de mandat?
Malgré un conseil municipal minoritaire, l’opposition a de la difficulté à être visible sur différents enjeux, et ce, malgré le fait que Claude Villeneuve fait de grands efforts pour exister. Celui-ci semble d’ailleurs vouloir changer de stratégie en passant de la collaboration à l’attaque dirigée. Son défi sera de se trouver un positionnement politique où il pourra se démarquer en étant constructif et en élevant le débat, puisque toutes ses attaques plus virulentes face à un maire bon enfant résonnent bizarrement.
- Note sur dix pour le maire Marchand: 8/10
Alexandre Boucher
Vice-président principal au cabinet de relations publiques NATIONAL, spécialiste de la gestion de crise, d’enjeux et d’image, des relations gouvernementales et de la formation de porte-parole
Que pensez-vous de la performance de Bruno Marchand pour sa première année à la mairie de Québec?
Par rapport à la précédente administration, Bruno Marchand s’illustre par un changement de ton et d’approche. Bien en selle, il s’est affranchi de toute comparaison avec son prédécesseur reconnu pour sa forte personnalité.
Il se greffe parfaitement à la nouvelle génération d’élus municipaux – dynamiques et lucides face aux enjeux contemporains – qui ont été élus à la tête des plus grandes villes du Québec.
Le bon coup
Habile communicateur, les réflexes du maire sont bien aiguisés pour un néophyte en politique. Dans le mois suivant son élection, une crise impliquant le SPVQ lui a rapidement permis d’asseoir son leadership.
Dans un contexte inflationniste, ses décisions de plafonner la hausse du compte de taxes à 2,5% et de limiter le salaire des élus ont été bien accueillies, en plus de mettre une pression sur les maires des autres régions partout au Québec.
Après avoir appuyé mollement le tramway durant la campagne électorale municipale, le maire le défend aujourd’hui avec vigueur et conviction.
Ironiquement, l’absence d’études sur le troisième lien lui permet de maintenir sa position ambiguë dans ce dossier polarisant. Le temps que les études soient complétées (et dévoilées), le fardeau de la preuve appartient au gouvernement provincial, ce qui, sur le plan politique, le sert bien.
Le mauvais coup
La ville de Québec est gagnante lorsque le maire de Québec, le ministre responsable de la région de Québec et le représentant du gouvernement fédéral travaillent main dans la main.
Après un règne tendu entre le gouvernement caquiste et M. Labeaume, on se serait attendu à une relation beaucoup plus cordiale entre M. Marchand et Geneviève Guilbault.
Suivant la nomination de Jonatan Julien, il appartient à M. Marchand de rebâtir les ponts avec le gouvernement caquiste à l’instar de la belle complicité que le maire semble avoir développée avec Jean-Yves Duclos.
Est-ce la faune médiatique qui n’en a que pour le maire ou M. Marchand porte ombrage aux membres de son équipe? Quoi qu’il en soit, les élus de Québec Forte et Fière mériteraient d’être davantage mis en évidence d’autant plus que l’équipe du maire recèle de personnes talentueuses.
Que pensez-vous de la performance du chef de l’opposition, Claude Villeneuve, pour sa première année de mandat?
Devant un maire aussi populaire, difficile pour des oppositions en reconstruction de tirer leur épingle du jeu.
Ayant longtemps œuvré sur la scène provinciale, Claude Villeneuve intervient beaucoup sur des dossiers dont la responsabilité incombe, plus souvent qu’autrement, au gouvernement du Québec.
Après avoir dénoncé l’expulsion d’une élue de son parti du comité exécutif, il découvre, à son tour, les limites de la politique autrement et de la collaboration transpartisane, en choisissant de quitter le comité sur la réalisation du tramway.
De son côté, Éric R. Mercier a fait de Québec 21 un véritable vaudeville d’un pathétisme désolant.
- Note sur dix pour le maire Marchand: 9/10