Immigration: la CAQ pourrait revoir sa position sur les seuils
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Le gouvernement Legault évalue la possibilité de changer de position sur les seuils d’immigration en échange d’une garantie du fédéral que les nouveaux arrivants supplémentaires soient tous francophones.
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En public, François Legault et ses ministres font valoir que le Québec n’accueillera que 50 000 immigrants par année, même si Ottawa projette d’en accueillir annuellement 500 000 à partir de 2025.
Mais selon nos informations, d’autres scénarios font l’objet de discussions à l’interne, dont celui de consentir à l’accueil de plus de nouveaux arrivants à la condition que l’ensemble des immigrants au-delà des 50 000 premiers soient francophones. Ce scénario ne fait pas l'unanimité au sein même du gouvernement.
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Posture
Lorsqu’on a demandé un commentaire officiel à ce sujet au gouvernement Legault, on nous a renvoyé aux propos que la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a tenus lors d’une mêlée de presse en marge de la réunion du conseil des ministres, mercredi dernier.
Rappelant qu’il appartient au Québec de fixer le nombre d’immigrants permanents qu’il reçoit chaque année, Mme Fréchette se demandait «comment le gouvernement [fédéral] va concilier l’arrivée d’autant d’immigrants avec la nécessité d’assurer la pérennité du français, au Québec et [...] dans le reste du Canada.»
Le même jour, le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, a, pour sa part, insisté sur l’importance de recevoir une proportion plus importante de nouveaux arrivants parlant le français.
«Le pourcentage d’immigrants [francophones] au Québec doit absolument augmenter, évidemment au Québec, mais à la grandeur du Canada [...]. L’enjeu, c’est carrément l’avenir du français au Québec et au Canada», a-t-il dit.
Au cours des prochaines semaines, des rencontres doivent avoir lieu entre François Legault et Justin Trudeau, entre Christine Fréchette et le ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, ainsi qu’entre, Jean-François Roberge, et son homologue fédéral, Dominic LeBlanc.
À chaque fois, le sujet de l’immigration sera à l’ordre du jour. L’objectif de Québec au cours de ces discussions serait d’obtenir des gains en immigration. La CAQ aborderait ces échanges dans une «position d’ouverture».
Négociations
Québec a peu de chances d’obtenir des gains lors d’éventuelles négociations avec le fédéral au sujet de l’immigration, d’autant plus qu’un front commun des provinces est peu probable.
«Le conseil de la fédération vient tout juste de lancer une campagne publicitaire pour exiger des transferts inconditionnels en santé, a expliqué le politologue Félix Mathieu. Ils n’ont pas l’habitude de prendre plus qu’un enjeu à la fois.»
Ne pouvant guère faire plus, le gouvernement Legault aurait donc tenté, par des sorties publiques, de se positionner plus favorablement dans le rapport de force qui l’oppose au fédéral – un rapport de force qui ne penche toujours pas en sa faveur, de l’avis du politologue.
Double étau
C’est que le projet des libéraux fédéraux place le gouvernement de la CAQ dans un double étau. «Ou bien le Québec n’accueille pas plus d’immigrants et son poids démographique va décroître [...], ou bien il suit le bal et il fait face à plusieurs enjeux logistiques importants, notamment quant à l’intégration de ces nouveaux arrivants sur le plan linguistique», a souligné M. Mathieu.
Comment le Québec pourrait-il s’en sortir? «Ottawa pourrait toujours accepter de bonne foi les termes de Québec, mais il n’y est pas obligé au-delà de ce qui est prescrit dans l’accord Canada-Québec de 1991 [...] qui prévoit que le Québec a le contrôle sur 85% de ses immigrants.»
Mais c’est plus les raisons profondes du projet du gouvernement Trudeau qui font en sorte que le Québec «ne se trouve pas en position avantageuse», selon le spécialiste de politique canadienne.
«Ottawa ne fait pas cette politique-là contre le Québec, mais pour sa vision d’un Canada multiculturel, et bilingue. Il contribue à son propre projet de construction nationale et identitaire. Sauf que par la bande, ça vient heurter le projet de construction nationale et identitaire du Québec», a-t-il conclu.
L’accord Canada-Québec sur l’immigration
Il sert à préserver le poids démographique du Québec au sein du Canada et à assurer une intégration respectueuse du caractère distinct de la province.
C’est le Canada qui détermine les objectifs nationaux et qui est responsable de l’admission des immigrants.
Le Québec fixe le nombre d’immigrants admis sur son territoire. Il est également responsable de les sélectionner et de les intégrer.
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De 1971 à 2021, le poids démographique du Québec dans le Canada a diminué de plus de 5%, passant de 27,9% à 22,5%.
Pendant la même période, l’Ontario, l’Alberta, et la Colombie-Britannique ont tous vu leur importance croître d’au moins 3%.