/news/society
Navigation

Convoi de la liberté: pas une menace à la sécurité nationale selon les espions

Des camions bloquant des voies sur le pont Ambassador entre Windsor en Ontario et Detroit au Michigan.
Photo d'archives, AFP Des camions bloquant des voies sur le pont Ambassador entre Windsor en Ontario et Detroit au Michigan.

Coup d'oeil sur cet article

OTTAWA | Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) jugeait que le Convoi de la liberté ne posait pas une menace pour la sécurité nationale et a déconseillé au gouvernement d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.  

• À lire aussi: Convoi de la liberté: l’Alberta voulait l’aide de l’armée

• À lire aussi: Convoi de la liberté: «des terroristes», selon le maire de Coutts en Alberta

• À lire aussi: Convoi de la liberté: des manifestants armés mais pas «extrémistes»

«À aucun moment le Service n’a jugé que les manifestations à Ottawa ou ailleurs constituaient une menace à la sécurité du Canada telle que défini par la section 2 de la Loi sur le SCRS», peut-on lire dans un document déposé en preuve à la Commission d’enquête sur les mesures d’urgence aujourd’hui.

David Vigneault, le directeur du Service, a cependant précisé que la définition de menace à la sécurité nationale de la Loi sur le SCRS est très précise qu’il n’est pas exclu qu’une telle menace ait existé sur la base d’une définition plus large ou de la perspective du public.

Économie en danger

Le gouvernement fédéral était lui d’avis que plus le blocus se poursuivait, plus le risque qu’il fasse des petits de plus en plus dommageables augmentait, a indiqué Rob Stewart, sous-ministre pour Sécurité publique Canada qui témoignait aujourd’hui.

La Sécurité publique avait notamment des indications que les manifestants planifiaient de bloquer les chemins de fer, ce qui aurait causé des dommages immenses à l’économie sachant que pas moins de 16 milliards $ de fret circulent en train au pays chaque année.

Le Convoi bloquait déjà le pont Ambassador en Ontario sur lequel circule 25% de nos échanges avec notre principal partenaire économique, les États-Unis. Ceci a valu au Canada de vives critiques publiques de la part du Michigan.

Ce blocus mettaient à risque la chaîne d’approvisionnement et les emplois dans l’industrie de l’automobile en particulier, en Ontario et au Michigan, a indiqué Cindy Termorshuizen, sous-ministre adjointe à Affaires mondiales Canada qui témoignait également aujourd’hui.

Pour M.Stewart, invoquer la Loi sur les mesures d’urgence a permis d’empêcher l’émergence de nouvelles barricades.

Risque de violence

Mais le SCRS n’était pas d’accord. La veille de l’invocation de la Loi, le 13 février, le Service a indiqué au gouvernement qu’au lieu de résoudre le problème, cette loi risquait de «galvaniser le discours anti-gouvernemental au sein du convoi et de radicaliser certains vers la violence».

Le directeur du SCRS, David Vigneault, a aussi indiqué au conseil des ministres que des individus sur lesquels son service enquêtait avaient montré de l’intérêt pour le convoi et y avait même participé, mais qu’en date du 3 février, aucun ne planifiaient d’action violente.

Pourtant, dix jours plus tard, le 13 février, une cache d’armes était découverte en marge du blocus de Coutts en Alberta et quatre hommes accusés de complot pour tuer des agents de la GRC étaient arrêtés.

M.Stewart qui a rappelé que l’extrémisme violent avait fait 26 morts et 40 blessés au pays depuis 2014, a souligné que les craintes de dérapages du SCRS ne se sont finalement pas matérialisées, car la loi a plutôt eu un effet «dissuasif».

Washington inquiet

Le gouvernement fédéral n’était le seul inquiet pour la sécurité nationale. Les États-Unis, toujours habités par l’assaut du 6 janvier 2021 sur le Capitole, étaient de fait inquiets que le convoi fasse des petits de leur côté de la frontière et menace leur propre sécurité intérieure.

M.Stewart a indiqué à la Commission avoir breffé l’ambassadrice américaine au Canada et des officiels du Département américain de la sécurité intérieure, y compris des experts de la prévention du terrorisme, sur «comment nous gérions les potentielles menaces à la sécurité nationale».

Plusieurs appels ont ainsi eu lieu entre les Américains et le gouvernement fédéral, en particulier au cours de la semaine du 10 février, qui a précédé l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence.

Au cours d’un de ces appels, Washington a même offert d’envoyer des remorqueuses de Detroit pour aider à déloger les camions, puisque les compagnies canadiennes de remorquage refusaient d’aider les forces de l’ordre.

Trudeau embarrassé

La pression américaine a mis dans l’embarras le premier ministre, Justin Trudeau. Le 9 février, dans un échange avec le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, déposé en preuve la semaine dernière à la commission, M. Trudeau a déclaré: «Nous allons devoir trouver quoi faire avec ces remorqueurs qui ne font pas leur travail et ne respectent pas leur devoir envers la Ville. Il va falloir faire un sérieux bilan de ça après. Si vous avez besoin de remorqueurs, nous demanderons de l’aide aux États-Unis. Ça serait embarrassant pour nous, mais si les États-Unis l’offrent, nous devons accepter.»

Le gouvernement Ford a plusieurs fois été montré du doigt depuis le début des audiences de la Commission pour son manque de proactivité à Ottawa.

Les deux sous-ministres qui témoignent ce matin ont ajouté de l’eau à ce moulin indiquant que l’Ontario traitait Ottawa «comme si c’était Washington DC», c’est-à-dire un district fédéral autonome dont la sécurité relèverait du gouvernement fédéral et non pas de la province.

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.