Les gros pollueurs vont aider les pays qui souffrent
Un fonds d’aide pour les pays vulnérables aux changements climatiques verra le jour
Un fonds d’aide pour les pays vulnérables victimes des changements climatiques et financé par les pays développés sera créé à l’issue de la COP27.
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La décision a été annoncée samedi en fin de soirée, par Sameh Shoukry, ministre égyptien des Affaires étrangères et président de la COP27 : un fonds spécifique d’aide consacré aux « pertes et dommages », soit les dégâts déjà occasionnés par les changements climatiques, sera créé.
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« C’est une décision historique », estime Eddy Pérez, directeur de la diplomatie internationale pour le Réseau action climat Canada.
Le fonds sera réservé aux pays en développement, les plus touchés par la crise climatique, et serait financé par les pays développés, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) de la planète.
Après avoir été maintes fois repoussée, la séance plénière de clôture de la Conférence de Charm el-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques (COP27) a finalement démarré au petit matin en Égypte.
Selon plusieurs sources citées par l’AFP, une entente – non officielle – avait été trouvée dans la journée de samedi pour la création de ce fonds spécifique d’aide pour les « pertes et dommages ».
Négociations difficiles
Samedi matin, la COP27 semblait pourtant s’enliser vers un échec, et la conférence a longtemps bloqué sur la question des pertes et dommages. Alors que les pays du Sud insistaient depuis le début de la COP pour la création du fonds d’aide, leur demande a d’abord été froidement accueillie par les pays occidentaux.
L’Union européenne avait même menacé de quitter les négociations si aucune issue acceptable n’était trouvée, par la voix du vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. « Plutôt pas d’accord qu’un mauvais accord, a-t-il lancé samedi devant la presse. Nous sommes inquiets de certaines des choses que nous avons entendues au cours des douze dernières heures. »
La Chine en ligne de mire
Samedi dans la journée, l’UE a fini par lâcher du lest, acceptant le principe d’un fonds d’aide, à condition que l’argent soit destiné aux pays les plus vulnérables et que la base de financement soit élargie à des pays ayant connu une forte croissance ces dernières décennies, comme la Chine ou l’Arabie saoudite.
« La Chine, l’un des plus gros émetteurs de GES, est encore considérée comme pays en développement dans les définitions officielles, explique Sébastien Nobert, professeur à la Faculté des sciences de l’Université de Montréal. Cela la place comme potentielle bénéficiaire du fonds, d’où la réticence de certains pays occidentaux. »
De son côté, l’émissaire chinois Xie Zhenhua a estimé que le fonds devrait bénéficier à tous les pays en développement, mais a également concédé qu’il devrait être orienté « d’abord vers les pays fragiles ».
Nombreux points de divergence entre les pays
L’accord conclu samedi pour clore la COP27 a bien failli ne pas se réaliser en raison des divergences subsistant sur plusieurs points.
Les énergies fossiles – charbon, pétrole, gaz – étaient encore au cœur des débats, plusieurs pays souhaitant que la déclaration finale appelle à sortir de toutes les énergies fossiles, et pas seulement le charbon, comme le prévoit pour l’heure le projet d’accord final présenté jeudi par l’ONU.
Blocage de la Russie ?
« Beaucoup de pays pétroliers, comme l’Arabie Saoudite ou l’Iran sont contre un tel texte », affirme Eddy Pérez, directeur de la diplomatie internationale pour le Réseau action climat Canada.
Le journaliste spécialisé en changements climatiques Léo Hickman affirmait même samedi sur Twitter que l’Arabie Saoudite et la Russie étaient en train de bloquer les négociations à la COP27, refusant que les énergies fossiles ne soient mentionnées dans la déclaration finale.
Respecter l’accord de Paris
La ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait même évoqué une « confusion » de dernière minute sur la question des pertes et dommages, ainsi que la difficulté d’obtenir un texte à la hauteur de l’accord de Paris de 2015.
Cette dernière vise à limiter le réchauffement de la planète nettement en dessous de 2 °C , voire à 1,5 °C, comme recommandé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
« Cette COP ne peut être celle du renoncement, avait déclaré la ministre la veille sur Twitter. Il ne faut pas que l’objectif de 1,5 °C de réchauffement climatique meure à Charm el-Cheik. »
Insuffisant pour Macron
Dans une déclaration face à la presse, le président de la République française Emmanuel Macron estimait que la création d’un seul fonds pour pertes et dommages était « largement insuffisante » afin de répondre aux défis climatiques.
« Ce n’est pas la première fois que les débats s’éternisent lors des COP, souligne Olivier Sonnentag, professeur agrégé à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal. Toutefois, si aucun accord n’est trouvé à l’issue de la conférence, ce serait un échec total. »
– Avec l’AFP