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[EN IMAGES] Voici 10 musées oubliés dans l'histoire de Québec



Le gouverneur Durham avait beau affirmer dans son célèbre rapport que les Canadiens formaient un peuple sans histoire et sans culture, il n'en demeure pas moins que 15 ans auparavant, il y avait déjà à Québec un musée initié et administré par un Canadien. Depuis lors, des dizaines d'autres sont apparus, certains d'envergure internationale, comme le Musée national des beaux-arts du Québec et le Musée de la civilisation, d'autres ont eu une existence éphémère ou ont tellement évolué qu'ils sont aujourd'hui totalement différents. Faisons ensemble une tournée d'une dizaine de ces institutions muséales oubliées.

1) Le premier musée au Canada

La seule photographie connue du premier parlement de la côte de la Montagne, c'est-à-dire les ruines laissées par l'incendie du 1er février 1854. Archives du Séminaire de Québec

Pierre Chasseur est né à Québec en 1783. À la suite d'une formation en dorure, il devient doreur et sculpteur. En 1824, il rassemble une collection d'histoire naturelle constituée d'environ 300 spécimens de mammifères, d'oiseaux, de reptiles et de poissons naturalisés. À cette époque, les Québécois s'intéressent de plus en plus aux arts, aux lettres et aux sciences. C'était dans l'air du temps. C'est d'ailleurs en 1824 que la Société littéraire et historique de Québec (Literary and Historical Society of Quebec) voit le jour sous le patronage du gouverneur Dalhousie.

C'est en 1826, dans sa maison privée de la rue Sainte-Hélène, aujourd'hui la rue McMahon, qu'il ouvre le Musée Chasseur, le premier musée au Canada. Le concept est nouveau et, curieusement, il ne semble pas vraiment intéresser les Québécois. C'est pourquoi Chasseur sollicite à plusieurs reprises des subsides du gouvernement pour l'aider à survivre. Néanmoins, il doit jeter l'éponge et, en 1836, il vend sa collection au gouvernement. Elle compte désormais 500 spécimens. On songe alors à ouvrir un musée provincial. Durant la réflexion qui se prolonge sur plusieurs années, la collection est entreposée au parlement de la côte de la Montagne, aujourd'hui au parc Montmorency. Elle est finalement perdue dans l'incendie qui détruit le parlement le 1er février 1854. Quant à Pierre Chasseur, il a été l'un des rares patriotes de la région de Québec. Il sera d'ailleurs arrêté à deux occasions. Il meurt le 21 mai 1842, ruiné.

2) Le Musée de l'instruction publique

Collection de sciences naturelles de l'ancien Musée de l'instruction publique présentée au Musée de la province de Québec en 1932-1933. Photo Edgar Gariépy, MNBAQ

C'est en 1886 que Dominique-Napoléon Saint-Cyr, ancien député provincial (1875-1881) et naturaliste amateur, met sur pied le Musée de l'instruction publique. Sa collection originelle comportait une collection entomologique de l'abbé Léon Provancher, un herbier canadien et quelques spécimens de la faune locale. En 1889, le musée s'installe dans trois salles et des corridors de l'hôtel du Parlement. Il y demeurera jusqu'en 1932, alors que ses collections sont intégrées au nouveau Musée de la province de Québec situé sur les plaines d'Abraham. Malgré son nom, ce musée n'était pas du tout destiné à l'éducation des écoliers ou du grand public. On n'y faisait aucune vulgarisation et seule l'élite scientifique pouvait en profiter.

3) Le Musée d'art chinois

Le Musée d'art chinois de la Grande Allée, 1935, aujourd'hui le 435, Grande Allée. Photo BAnQ, fonds J. E. Livernois Ltée, P560,S2,D2,P161885-1.

Au début des années 1930, alors que le Québec n'a pas encore de musée national d'arts, le musée des plaines n'ouvrira qu'en 1933, la ville de Québec a son Musée d'art chinois. C'est quand même étonnant. Entre 1931 et 1949, les jésuites du Québec œuvrent dans une mission en Chine, au Xuzhou. Les religieux doivent principalement financer leur mission par l'aumône. C'était une époque où les Québécois avaient beaucoup de préjugés à l'égard des Chinois. C'est donc en 1931, pour les familiariser avec cette culture et pour accumuler des fonds, que les jésuites de Québec ouvrent un musée consacré à l'art chinois. Il était situé au 653, chemin Sainte-Foy, à proximité de l'actuel parc Samuel-Holland. En 1935, il déménage sur la Grande Allée. Le pari était assez audacieux parce que les visiteurs devaient tout de même payer un droit d'entrée. La visite se terminait dans une boutique où ils pouvaient acheter des cartes postales. Les dons étaient évidemment acceptés.

Le musée fermera ses portes en 1945. L'opération aura été un succès et il aura sans doute permis aux Québécois de se familiariser avec une culture qui leur était totalement étrangère. En effet, à cette époque, les seules relations qu'ils entretenaient avec les Chinois étaient dans leurs buanderies et blanchisseries du quartier chinois de Saint-Roch.

4) Le musée provincial

Le Musée de la province de Québec en 1944. Photo BAnQ, Léopold Arcand, 1944, E6,S7,SS1,P36511.

Le 5 juin 1933, le Musée de la province de Québec est inauguré. C'était le premier musée national du Québec. Les Québécois l'appelleront le Musée des plaines. La loi constituant cette institution avait été adoptée en 1922, mais il aura fallu attendre 11 ans avant de voir ce musée trôner sur les plaines d'Abraham. À son ouverture, l'ancêtre du MNBAQ hébergeait le Musée des Beaux-Arts, les Archives de la Province ainsi que la collection de sciences naturelles de l'ancien Musée du département de l'instruction publique. En 1962, cette dernière collection quitte les lieux et, l’année suivante, il devient le Musée du Québec. En 1983, la Loi sur les musées nationaux fait que la collection du musée ne sera désormais constituée que d’œuvres d’art.

L'architecte Wilfrid Lacroix dresse les plans du bâtiment. Comme c'était la norme à cette époque pour un établissement muséal, il privilégie le style Beaux-Arts avec ses lignes austères et son fronton supporté par des colonnades. La construction débute en 1927 et il aura fallu cinq années pour la compléter. À son ouverture en 1933, le conservateur est l'archiviste Pierre-Georges Roy. Initialement, les archives se trouvaient au soubassement, les sculptures au rez-de-chaussée et les peintures à l'étage.

Depuis ce jour, trois autres pavillons lui ont été ajoutés et ce musée «provincial» a maintenant atteint une stature internationale. L'un de ses pavillons rappelle la mémoire de Gérard Morisset, grand historien de l’art québécois et ancien conservateur du musée de 1953 à 1955.

5) La Maison Fargues

La Maison Guillaume-Estèbe, autrefois la Maison Fargues, 1969. Archives de la Ville de Québec

Vers 1752, le négociant Guillaume Estèbe se fait construire une maison sur la rue Saint-Pierre, dans la Basse-Ville de Québec. Elle survit miraculeusement au bombardement britannique de l'été 1759. Au cours des années 1930, elle est en très mauvais état. C'est dans ce contexte que le chapitre municipal de Québec de l'Ordre Impérial des Filles de l'Empire (IODE) restaure cette maison qu'on appelait la Maison Fargues, en souvenir du marchand Jacques Fargues qui en avait été propriétaire à la suite d'Estèbe. Elles veulent en faire un musée pour faire connaître aux Québécois et aux touristes l'art domestique canadien-français d'antan. Pour ce faire, elles meublent la maison avec un mobilier et des accessoires d'époque. En plus de mettre la maison en valeur, elles comptent utiliser les profits générés pour l'entretien d'un camp d'été. En effet, les Filles de l'Empire se vouaient notamment à des projets éducatifs pour les jeunes.

Le musée est inauguré en juin 1938 et connaît une excellente première saison. Il ouvre de nouveau au public l'année suivante; par la suite, il ne semble plus avoir été en activité. De nos jours, ce musée n'est plus qu'un souvenir. Heureusement, la maison a été restaurée et elle a repris le nom d'Estèbe.

6) Le musée de cire

Le Musée historique inc. (le musée de cire), 1961. Archives de la Ville de Québec, M07-03-3-N025620.

Le 18 mai 1947, les Québécois assistaient à l'ouverture d'un musée de cire dans le Vieux-Québec. Il était situé sur la rue Sainte-Anne, coin du Trésor, dans la maison où avait habité le premier ministre du Québec Pierre-Olivier Chauveau. Il s'agissait d'un important ajout dans l'offre touristique de Québec, alors de plus en plus prisée des visiteurs. On l'avait nommé le Musée historique inc. Comme son nom l'indiquait, on y présentait diverses scènes historiques comme celle de Christophe Colomb discutant avec la reine Isabelle de Castille. On y rencontrait également les savants Louis Pasteur, Marie Curie et Alexander Graham Bell, le compositeur Toscanini, les souverains britanniques, les chefs d'État Churchill, Roosevelt et King, ainsi que plusieurs autres. Les scènes laissaient transparaître les valeurs culturelles de l'époque. Ainsi, le massacre des saints martyrs canadiens était représenté tout en leur donnant des visages calmes et dignes, alors que les Iroquois affichaient des expressions de férocité. Le musée était sous la direction de Fernand Blache. Le coût d'entrée était de 50¢ pour les adultes et de 25¢ pour les enfants. Il est intéressant de noter que pour les francophones, il s'agissait du Musée historique, mais pour les anglophones, c'était le Wax Museum. Le Musée historique fermera finalement ses portes en 2007 après 60 ans d'activités.

7) L'Empire de Madame Belley

Henriette Belley en costume d'apparat. Photo Roger Guillemette, collection Musée Madame Henriette Belley

La «Comtesse Bébelle», «la Merveilleuse Folle», quels surnoms pour une grande dame! Henriette Belley fait partie du folklore culturel de la capitale. Cette femme extravertie et aux goûts excentriques était de toutes les premières de spectacle, que ce soit au Capitole, au Palais Montcalm ou au Grand Théâtre. Elle portait des tenues extravagantes qu'elle concevait et fabriquait elle-même. Mais surtout, elle se pointait toujours en retard pour que tous les spectateurs puissent la voir, et on attendait de bonne grâce son arrivée avant de lever le rideau. Elle frappe l'imaginaire. En 1971, le Musée du Québec lui consacre même, de son vivant, une exposition.

En 1984, à la suite de son décès survenu en 1980, on ouvre le Musée Empire de Madame Belley. Il était situé dans l'ancien cinéma Empire de la côte de la Fabrique. On voulait y mettre en valeur plusieurs éléments de sa collection de 700 costumes, 500 chapeaux et 300 manteaux. Le musée connaît cependant une existence éphémère, fermant ses portes dès la fin de 1986. Le souvenir de cette femme demeure vivant aujourd'hui grâce à une petite salle de spectacle du Palais Montcalm, Chez Madame Belley.

8) Le Musée des Sœurs du Bon-Pasteur

La Maison Béthanie. Archives de la Ville de Québec

L'un des beaux édifices de la rue Couillard du Vieux-Québec est la Maison Béthanie. Il s'agit de l’ancien hospice de la Miséricorde, où des femmes célibataires pouvaient discrètement donner naissance à leurs enfants. Cet asile a été établi à cet endroit en 1878 par la Congrégation des sœurs servantes du Cœur Immaculé de Marie, mieux connue sous son appellation de Sœurs du Bon-Pasteur.

Au début des années 1990, l'édifice n'a plus vraiment de vocation. Les religieuses le font restaurer et le convertissent, en marge de leur résidence, en institution muséale dédiée à l'histoire de leur communauté: le Musée des Sœurs du Bon-Pasteur. Elles y présentent de nombreuses expositions réparties sur les trois étages de l'édifice. Victimes de la décroissance dans leurs effectifs, les religieuses sont forcées de fermer leur musée en septembre 2014. Au cours des 22 années où il a été en activité, il aura accueilli 50 000 visiteurs.

9) Le Centre muséographique de l'Université Laval

Le pavillon Louis-Jacques-Casault. Photo Colin Rose, Wikimedia Commons

En 1977, l'Université Laval veut rendre ses nombreuses collections plus accessibles au public. En effet, depuis 1816, le Séminaire de Québec, puis l'Université Laval avaient accumulé 350 000 éléments liés aux sciences de la nature et quelque 2500 objets liés aux sciences humaines. On décide donc de créer un centre muséographique. On l'installe dans la cour intérieure de l'ancien Grand séminaire devenu le pavillon Louis-Jacques-Casault. En parallèle, des chercheurs, des professeurs et des spécialistes concevaient et développaient un concept et une thématique.

Le nouveau musée occupait une superficie de 2000 mètres carrés. Il s'agissait d'un musée didactique destiné à l'enseignement de l'astronomie, de la physique, de la minéralogie et de la géographie, et ce, tant pour les étudiants des niveaux universitaire, collégial et secondaire que pour le grand public. Les expositions traitaient de quatre thèmes: l'Univers, la Terre, la vie et l'homme. Le Centre muséographique était inauguré en mars 1986, mais il fermait ses portes en juillet 1999. Il s'agissait d'un musée de sciences exceptionnel au sujet duquel le physicien Hubert Reeves avait dit qu'il y avait appris beaucoup de choses.

10) La Galerie historique Lucienne-Maheux

L'Asile des aliénés de Québec, vers 1880. Photo BAnQ, fonds J.E. Livernois Ltée.

En 1845, les docteurs James Douglas, Joseph Morrin et Charles-Jacques Frémont fondent l’Asile provisoire de Beauport. Il est alors situé dans l’ancien manoir seigneurial de Beauport construit par Robert Giffard en 1642. C’est le premier hôpital du Québec destiné uniquement aux malades mentaux. Quatre ans plus tard, il déménage à son emplacement actuel, soit celui de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec.

La maladie mentale est un sujet très méconnu, voire tabou, mais combien intrigant! Au début des années 1990, le Centre hospitalier Robert-Giffard avait une importante collection liée à son histoire. En 1996, elle mettait en valeur cette collection et satisfaisait les passionnés d'histoire en ouvrant la Galerie historique Lucienne-Maheux. Ce toponyme veut rendre hommage à sœur Lucienne Maheux, ancienne directrice des soins infirmiers et de l'école de neuropsychiatrie de l'hôpital, et première responsable de la collection.

Combinant les concepts de centre d'interprétation et de musée – dans le cas présent, un véritable cabinet de curiosités –, ce musée retrace l'histoire de l'institution et de la maladie mentale. Plusieurs artéfacts, photographies et pièces reconstituées viennent enrichir l'expérience de visite vraiment hors du commun. C'est un musée unique en son genre, possiblement le seul en Amérique. Officiellement, la Galerie historique Lucienne-Maheux existe toujours, mais elle est fermée au public depuis plusieurs années. Il est à espérer qu'éventuellement, elle ouvrira de nouveau ses portes.

Un texte de Jean-François Caron, historien, Société historique de Québec

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