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[EN IMAGES] La vie de René Lévesque en 8 temps forts

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Dans quelques semaines s’achèvera l’Année Lévesque, marquant le 100e anniversaire de naissance de René Lévesque (1922-1987). Pour l’occasion, nous vous présentons huit temps forts de la vie du fondateur du Parti Québécois et ancien premier ministre du Québec, qui fut aussi un correspondant de guerre et un journaliste très apprécié.

René Lévesque, 1961.
Photo Harvey Majo, BAnQ, P243,S1,D865. Domaine public
René Lévesque, 1961.

1) D’élève modèle à cancre

Né le 24 août 1922 à Campbellton, au Nouveau-Brunswick, René Lévesque grandit dans la petite ville gaspésienne de New Carlisle. Il est l’aîné d’une fratrie comptant quatre enfants. Son père, Dominique Lévesque, est un avocat jouissant d’une belle réputation au sein de la petite communauté formée surtout de pêcheurs et de fermiers. 

René Lévesque, vers 1927.
Photo BAnQ, Domaine public
René Lévesque, vers 1927.

La crise économique entraîne une grande misère en Gaspésie. Le jeune Lévesque est alors frappé par le contraste entre la situation des Canadiens français et celle des Canadiens anglais, ces derniers s’en sortant globalement beaucoup mieux, ayant accès à des logements plus décents et à de meilleurs établissements scolaires. Cette différence l’impressionnera de manière durable.

L’enfant étudie avec application chez les jésuites du séminaire de Gaspé, faisant la fierté de son père avec lequel il développe une grande complicité intellectuelle. Son décès est donc une véritable tragédie pour René qui, à 14 ans, voit son existence chamboulée. Sa mère se remarie rapidement et toute la famille déménage à Québec. Se rebellant, l’adolescent cesse de travailler en classe, au point où il est expulsé du collège des Jésuites (aujourd’hui Saint-Charles-Garnier) en raison de ses mauvaises notes! C’est au Séminaire de Québec qu’il terminera son cours classique.

René Lévesque à 17 ans au collège des Jésuites à Québec, 1939.
Photo Wikimedia Commons, domaine public
René Lévesque à 17 ans au collège des Jésuites à Québec, 1939.

2) Quand un journaliste rencontre le «Rambo québécois»

Après un bref détour par le droit, René Lévesque s’oriente vers le journalisme et entre à CBV, une station régionale de Radio-Canada à Québec. C’est alors qu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Souhaitant contribuer à l’effort militaire non comme soldat, mais comme journaliste, il déniche un poste à l’Office of War Information des États-Unis. Il part donc de l’autre côté de l’Atlantique en tant que correspondant de guerre pour l’émission francophone La Voix de l’Amérique, présentée à partir de la ville de Londres. Il ne combattra qu’une seule fois, en février 1945, aux côtés des soldats américains ayant traversé le Rhin pour se rendre en Allemagne, et sera témoin des horreurs du camp de Dachau.

René Lévesque en 1944, alors qu'il travaille pour l'Office of War Information des États-Unis.
Photo Wikimedia Commons, domaine public
René Lévesque en 1944, alors qu'il travaille pour l'Office of War Information des États-Unis.

Après la guerre, Lévesque retourne travailler comme journaliste à Radio-Canada, où il se voit confier l’émission La voix du Canada, un programme d’information diffusé à partir de Montréal à l’intention des pays francophones du monde entier. Il couvrira notamment la guerre de Corée en 1951. C’est à cette occasion qu’il rencontre brièvement un jeune soldat canadien-français très courageux, Léo Major. Celui qu’on surnommera le «Rambo québécois» n’en est pas à ses premiers actes de bravoure: il s’était déjà illustré en Hollande. Au moment où Lévesque le rencontre, Major vient de mener une opération de plusieurs jours, ses hommes et lui ayant résisté à l’attaque d’environ 14 000 soldats chinois, et il a transporté un blessé sur ses épaules malgré ses propres blessures. Exténué, il refuse d’accorder une entrevue au journaliste. 

René Lévesque (à droite) montre un document à ses collègues du Cercle des journalistes de Montréal, réunis autour d’un micro de CBC, en juin 1949.
Photo BAnQ (Conrad Poirier), Domaine public
René Lévesque (à droite) montre un document à ses collègues du Cercle des journalistes de Montréal, réunis autour d’un micro de CBC, en juin 1949.

3) La politique? Pourquoi pas?

René Lévesque interroge Lester B. Pearson, ministre des Affaires extérieures du Canada, à l’extérieur de l’ambassade canadienne à Moscou, octobre 1955.
Photo Bibliothèque et Archives Canada (PA-117617), Domaine public
René Lévesque interroge Lester B. Pearson, ministre des Affaires extérieures du Canada, à l’extérieur de l’ambassade canadienne à Moscou, octobre 1955.

La Guerre froide et la couverture de l'actualité en Union soviétique au milieu des années 1950 permettent à René Lévesque de développer et de raffiner son approche journalistique. Il développe un style d’animation où il fournit des explications claires permettant au public de mieux comprendre des enjeux complexes, notamment les conflits militaires et politiques. Il devient de plus en plus populaire. 

En 1956, Radio-Canada lui propose d’animer Point de mire, une nouvelle émission d’affaires publiques. Présentée en direct avec simplicité et intelligence, à grand renfort de cartes géographiques et de tableaux, cette émission devient presque aussitôt l’un des grands rendez-vous télévisuels du Canada français. Lévesque a alors 34 ans.

À l’émission du 9 décembre 1956, René Lévesque explique la révolution avortée de Budapest et le pont aérien établi pour amener les réfugiés hongrois au Canada. L’émission Point de mire tiendra l’antenne de 1956 à 1959.
Photo courtoisie, Radio-Canada (André Le Coz)
À l’émission du 9 décembre 1956, René Lévesque explique la révolution avortée de Budapest et le pont aérien établi pour amener les réfugiés hongrois au Canada. L’émission Point de mire tiendra l’antenne de 1956 à 1959.

C’est à l’occasion d’un conflit syndical à Radio-Canada en 1959 que la lune de miel de Lévesque avec le monde du journalisme est compromise. Consterné par l’indifférence de ses collègues anglophones de la CBC et du gouvernement fédéral face aux conditions de travail des employés francophones, il commence à envisager plus sérieusement de s’impliquer en politique. Après mûre réflexion, il se présente aux élections provinciales de 1960, aux côtés d’un certain Jean Lesage... et il est élu le 22 juin 1960 dans la circonscription de Laurier, sous la bannière du Parti libéral.

4) «L’équipe du tonnerre»

C’est un René Lévesque enthousiaste qui commence son mandat, appuyant les efforts de son chef dans cette grande entreprise de modernisation du Québec qu’on qualifiera bientôt de Révolution tranquille. Le nouveau député adhère à la nécessité de détacher l’État de l’Église (particulièrement après les mandats successifs de l’Union nationale) et d’aider la société québécoise à grandir en atténuant l’influence omniprésente du clergé catholique.

René Lévesque, Jean Lesage et Paul Gérin-Lajoie en 1962.
Photo Wikimedia Commons, domaine public
René Lévesque, Jean Lesage et Paul Gérin-Lajoie en 1962.

Le slogan «Maîtres chez nous», qui encourage la majorité francophone à prendre son destin en main, trouve beaucoup d’écho chez Lévesque, à qui le premier ministre Lesage confie d’importantes responsabilités. Il s’occupe d’abord du ministère des Ressources hydrauliques et des Travaux publics, puis du ministère des Ressources naturelles, où il contribue d’ailleurs à créer Hydro-Québec. À défaut de contrôler les grandes entreprises de la province, qui sont aux mains de riches propriétaires anglophones, il estime qu'il est crucial que les Québécois puissent au moins contrôler leurs ressources naturelles. Il devient ensuite le ministre de la Famille et du Bien-être social.

5) Un Québec souverain?

Après quelques années à travailler au sein de l’équipe Lesage, René Lévesque caresse toutefois de nouvelles idées. Il lui apparaît de plus en plus clair que le Québec doit se détacher du Canada afin de devenir un État indépendant. Ses prises de position, qui sont en porte-à-faux avec la ligne du parti, l’incitent à prendre ses distances avec le Parti libéral. Le 14 octobre 1967, Lévesque quitte le Parti libéral pour siéger comme indépendant. Il fonde le Mouvement souveraineté-association, qui devient en 1968 le Parti Québécois. 

Document publié par le Mouvement souveraineté-association, 20 mai 1968.
Photo Musée virtuel d’histoire politique du Québec, Collection Dave Turcotte, www.politiquequebec.com/election1970.
Document publié par le Mouvement souveraineté-association, 20 mai 1968.

Rappelons que le climat sociopolitique est alors très agité. Un regroupement extrémiste, le Front de libération du Québec (FLQ), mène depuis quelque temps des attaques contre des symboles qualifiés d’oppressants; on leur attribue même le dynamitage de la statue de bronze de la reine Victoria, à Québec, en 1963! Lévesque ne souhaite pas que le mouvement nationaliste emprunte la voie de la violence: se rappelant les conséquences terribles qui peuvent naître d’un nationalisme poussé à l’extrême (ses souvenirs de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas très loin), il est convaincu que la démocratie est la voie à suivre. 

Bien que les libéraux tentent très fort d’influencer l’opinion publique lors de la crise d’Octobre, en 1970, en insinuant que le Parti Québécois tire les ficelles des opérations violentes menées par le FLQ, il semble que les électeurs et électrices n’adhèrent pas trop à ce message. 

Rassemblement électoral du Parti Québécois, 1970.
Photo Musée virtuel d’histoire politique du Québec, Collection Dave Turcotte, www.politiquequebec.com/election1970.
Rassemblement électoral du Parti Québécois, 1970.

6) La «piasse à Lévesque»

Une autre stratégie fait partie de la campagne de peur menée par les libéraux: il s’agit de la publication, en 1970, de ce qu’on appelle la «piasse à Lévesque». Imprimé et distribué à environ 50 000 exemplaires, ce faux billet de banque imitant le dollar canadien vise à discréditer le projet souverainiste. En effet, on sous-entend que le dollar d’un éventuel Québec souverain ne vaudrait que le tiers de la valeur du dollar canadien. Il véhicule donc le message selon lequel une élection du Parti Québécois entraînerait une chute inexorable de l’économie. Cette image collera durablement au PQ et à son chef: dans la décennie suivante, Jean Chrétien ne se gênera pas pour se moquer de «la piasse à Lévesque», advenant l’indépendance du Québec.

La «piasse à Lévesque», 1970.
Photo Wikimedia Commons, domaine public
La «piasse à Lévesque», 1970.

Cette stratégie misant sur l’ironie et la peur a-t-elle porté ses fruits? Difficile de le dire, mais aux élections de 1970, près d’un électeur sur quatre a voté pour le parti de René Lévesque... mais ce dernier est défait dans la circonscription de Laurier. Malgré une seconde version de la «piasse à Lévesque» émise en 1973, toujours à l’initiative des stratèges libéraux, le jeune parti parvient cette année-là à faire élire six députés et à former l’opposition officielle!

7) Enfin au pouvoir

À l’automne 1976, René Lévesque se mesure à nouveau au Parti libéral, alors au pouvoir depuis 16 ans. Cette fois, c’est le Parti Québécois qui l’emporte: l’élection du 15 novembre 1976 marque un basculement avec une majorité de 71 sièges, incluant celui de son chef, qui est élu dans la circonscription de Taillon. Dix jours plus tard, l’ancien journaliste prête serment et devient officiellement le 23e premier ministre du Québec.

René Lévesque, premier ministre du Québec, entouré des députés Jean-Paul Bordeleau (Abitibi-Est) et François Gendron (Abitibi-Ouest) à la Baie-James, lors de l’inauguration de la centrale de LG-2, 27 octobre 1979.
Photo Wikimedia, PhotoBrisson, Licence Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International.
René Lévesque, premier ministre du Québec, entouré des députés Jean-Paul Bordeleau (Abitibi-Est) et François Gendron (Abitibi-Ouest) à la Baie-James, lors de l’inauguration de la centrale de LG-2, 27 octobre 1979.

Au cours de son premier mandat, il fera notamment adopter la loi 101 (Charte de la langue française), faisant du français la langue officielle du Québec. Plusieurs importants chantiers sont mis en branle ou complétés. Un référendum sur l’indépendance politique du Québec est organisé le 20 mai 1980. Le fait que cette option ne remporte que 40% des votes n’empêche pas le parti d’être réélu le 13 avril 1981. Après quatre autres années au pouvoir, le PQ est toutefois défait aux élections du 2 décembre 1985, alors que le Parti libéral de Robert Bourassa reprend le pouvoir. 

8) Le patrimoine lié à Lévesque

René Lévesque quitte la vie politique en 1985 pour revenir à son ancien métier, le journalisme. On lui confie quelques projets: il est notamment chroniqueur dans Le Journal de Montréal et à l’émission de radio Point de vue sur l’actualité, à CKAC. Ses émissions spéciales à Télé-Métropole lors du Sommet de la francophonie en 1987 lui valent le Prix du meilleur documentaire international de la Communauté des télévisions francophones. Il décède peu après, le 1er novembre 1987. 

Statue de René Lévesque à New Carlisle, 2011.
Photo Wikimedia Commons, Charny, Licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported.
Statue de René Lévesque à New Carlisle, 2011.

De son vivant, René Lévesque avait été fait grand officier de la Légion d’honneur et récipiendaire de la médaille de la Ville de Paris. À titre posthume, il a été créé grand officier de l’Ordre de la Pléiade en 1991, puis grand officier de l’Ordre national du Québec en 2008. Plusieurs voies publiques, monuments et autres structures honorent sa mémoire, sans compter les éléments de la culture populaire comme une série télévisée, des livres et même des bandes dessinées! Par ailleurs, ne manquez pas l’exposition René et Lévesque qui lui est consacrée au Musée de la civilisation jusqu’au 4 septembre 2023.

Un texte préparé par Catherine Ferland, historienne, pour les Rendez-vous d’histoire de Québec.

  • Les 6e Rendez-vous d’histoire de Québec seront de retour du 9 au 13 août 2023! D’ici là, découvrez ou redécouvrez gratuitement la centaine de conférences des éditions précédentes sur notre chaîne YouTube et suivez-nous sur Facebook. Plus d’infos au rvhqc.com.
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