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Essai: un livre éclairant et courageux

Islamophobie, mon œil !
Photo fournie par Éditions Kennes

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Son essai commence par une reconstruction coup de poing d’une scène de crime, un crime odieux et horrifiant, faut-il le rappeler. Le 16 octobre 2020, un professeur de 47 ans et père d’un jeune enfant fut décapité en pleine rue non loin du collège où il enseignait, en banlieue parisienne. L’assassin, un Tchétchène de 18 ans, voulait ainsi venger le prophète des musulmans. Le crime reproché au professeur d’histoire : avoir montré en classe deux caricatures de Charlie Hebdo dans le cadre de son cours d’éducation civique consacré à plusieurs classes de 4e. Un soi-disant crime d’islamophobie, qui condamne automatiquement à la mort. 

Comment en sommes-nous arrivés là ? se demande l’auteure, alors que tous les signes annonciateurs étaient bien présents dans nos milieux de vie. 

On préfère se fermer les yeux, répond-elle. « Nous avons tout fait pour ignorer la nature totalitaire de l’islam politique – ce projet de domination politique, militaire et culturelle en rupture avec la modernité et la démocratie qui envisage l’islam d’une façon globale, totale, totalitaire –, imaginant sans doute qu’en regardant ailleurs il disparaîtrait de lui-même. » 

Nous avons cédé à la peur, affirme-t-elle, peur d’être traité de raciste, entre autres, obsédés que nous sommes par l’idéal du consensus. Le jeune bourreau n’a fait qu’exécuter ce que lui commandaient de faire ses maîtres à penser dans les mosquées et les associations, comme ce Collectif contre l’islamophobie en France.

Le récit de Djemila Benhabib se conjugue au « je », car elle a vécu en chair propre la terreur islamiste en Algérie, sa terre natale, où on la traitait de « Putain ! », de « sorcière ! », de « femme adultère ! », de « dépravée ! » et d’« occidentalisée ! » parce qu’elle refusait de porter le voile islamique. « Tous les matins, je regardais la mort en face, écrit-elle. J’errais de blessure en souffrance sans piper mot. »  

Imposé par la force

Retraçant les grands moments de la « révolution islamiste » dans son pays, Benhabib nous met en garde : il ne faut plus se leurrer, « la guerre est là pour durer ». S’il va de soi qu’il faut lutter contre « la nébuleuse islamiste », rien n’est moins sûr chez certaines formations politiques de gauche qui se laissent berner par les discours victimaires « comme quoi les musulmans d’aujourd’hui seraient les juifs d’hier et donc en proie à des persécutions en Europe comme le furent les juifs sous l’occupation nazie ». 

Pourtant, ces mêmes discours, que de nombreux intellectuels occidentaux semblent avaliser, sont empreints d’une misogynie honteuse qui relègue la femme au rang de simple reproductrice. 

Existerait-il deux misogynies, l’une acceptable parce que provenant d’une religion d’État et l’autre condamnable ? À entendre certains intellectuels de gauche, on pourrait le croire. 

Ainsi en est-il de la question du voile qui fait couler tant d’encre, ici comme ailleurs. Des intellectuels de gauche, des formations politiques, des mouvements féministes, des groupes antiracistes adhèrent au discours bien huilé des islamistes selon lequel le port du voile serait un « choix ». 

Ce qui est imposé par la force et la terreur en Algérie fait figure de choix et de liberté ici ou en France. Vous y comprenez quelque chose ? 

Cette gauche identitaire si prête à dégainer pour défendre la liberté d’expression ne s’est pourtant pas solidarisée avec Djamila lorsque le Collectif québécois contre l’islamophobie d’Adil Charkaoui lança une pétition pour demander le retrait de sa candidature aux élections, au printemps 2014 au Québec. 

Résistance

Un peu plus tard, à l’occasion d’une conférence qu’elle organisait autour des questions de religion, de féminisme et de racisme, un militant de Québec solidaire l’a traitée de « troll anti-islam » et d’islamophobe. 

La conférence a failli être annulée, en raison de menaces à la sécurité des participantes. Benhabib avait pourtant écrit à Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois, les deux porte-parole de QS, pour leur demander un geste d’apaisement qui ne vint jamais. Fait-il s’en étonner ?

Djemila Benhabib est une combattante qui a traversé plusieurs exils et côtoyé la mort de près. Elle sait que le combat contre l’obscurantisme ne se gagnera pas par le déni et la fuite en avant. Cet ouvrage éclairant, qui fourmille d’exemples de résistance courageuse, en est la preuve. Elle mérite toute notre solidarité.

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