Que sait-on de l'ingérence chinoise dans nos élections?
Le premier ministre esquive les questions sur le sujet
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OTTAWA – Justin Trudeau a été bombardé de questions toute la semaine sur l’ingérence alléguée de la Chine dans les élections de 2019 et de 2021. Mais il a fourni bien peu de réponses, préférant l’esquive et les attaques partisanes contre les partis d’opposition qui tentent de comprendre. Le Journal fait le point sur ce qu’on sait, et surtout sur ce qu’on ne sait pas.
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De quoi parle-t-on?
Au moins 11 candidats – des conservateurs comme des libéraux – auraient reçu des fonds de la part de Pékin, aux élections de 2019. La Chine aurait aussi travaillé à implanter des agents du Parti communiste chinois dans des bureaux de députés et mené des campagnes de peur pour nuire aux politiciens perçus comme hostiles à ses intérêts. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) en aurait informé Justin Trudeau dès janvier. C’est ce qu’a révélé la chaîne Global News le 7 novembre, alors que le premier ministre s’apprêtait à partir pour l’Asie, où il a participé à une série de sommets.
Près d’un mois après ce reportage qui ne cesse d’agiter la Chambre des communes, de nombreuses questions demeurent sans réponse:
- Y a-t-il eu, oui ou non, ingérence de la Chine dans le processus électoral canadien il y a trois ans? Comment s’est-elle manifestée? Quel en a été l’impact?
- Qui sont les 11 candidats financés? Ont-ils été élus? Se représenteront-ils?
Que sait Trudeau?
Le premier ministre affirme qu’il est informé régulièrement sur «les enjeux qui pourraient préoccuper nos institutions et l’intégrité de nos élections», mais qu’il n’a reçu aucune information liée au financement de candidats lors de l’élection de 2019 ou de 2021.
- Écoutez l'entrevue de Benot Dutrizac avec Guy St-Jacques, ancien ambassadauer du Canada en Chine, disponible sur QUB radio
Il assure qu’un groupe indépendant chargé d’étudier l’ingérence étrangère sur les élections canadiennes en 2019 et en 2021 «peut confirmer que l’intégrité des élections n’a pas été comprise». «Il y avait rien qui a affecté les élections», insiste-t-il.
«Le Canada et ses alliés sont régulièrement ciblés par des États étrangers, comme la Chine, y compris pendant les élections», dit-il. C’est pourquoi il a soulevé la question de l’ingérence auprès du président chinois Xi Jinping lors du sommet du G20 à Bali, mi-novembre.
Le comité des communes chargé d’étudier le dossier a reçu des rapports produits pour le premier ministre en janvier, mais ils sont entièrement caviardés.
Que dit le SCRS?
En février 2021, dans une rare sortie publique, le chef du SCRS, David Vigneault, déclarait devant le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale: «Des États étrangers déployaient des efforts contre les politiciens, les partis politiques et les processus électoraux pour influencer les décisions prises au Canada, l’opinion publique et, finalement, compromettre ses processus démocratiques.»
M. Vigneault appelait alors le gouvernement à «renforcer» ses défenses face à l’escalade d’activités «hostiles» de la part de la Chine. «Notre système électoral s’est avéré résilient, mais il faut travailler dur pour qu’il le reste», insistait-il.
Que fait la GRC?
«La GRC peut confirmer qu’elle mène présentement des enquêtes sur des activités d’ingérence par des acteurs étrangers», a écrit mardi la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Brenda Lucki, aux parlementaires.
«Dans le contexte des élections fédérales de 2019, la GRC n’a pas mené d’enquêtes criminelles sur des activités ciblant ces élections, étant donné que rien ne justifiait de telles enquêtes à l’époque», explique-t-elle, sans dire pourquoi ses services ont depuis changé leur fusil d’épaule.
La commissaire souligne que ces enquêtes de sécurité nationale sont parmi «les plus délicates que la GRC mène en ce moment» et qu’en dire davantage risquerait de les compromettre.
Le problème, estime le conservateur Pierre Paul Hus, c’est qu’«on ne finit jamais par avoir l’aboutissement de ces enquêtes-là». «La moindre des choses, ce serait que la population soit informée des résultats», insiste-t-il.