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[EN IMAGES] Voici 10 curiosités uniques de l'île d'Orléans

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L'île d'Orléans peut s'enorgueillir d'être une sorte de trait d'union entre le passé et le présent. Elle est une heureuse symbiose entre le sacré et le profane, entre la réalité et le mystère, puisqu'elle garde en mémoire ses légendes et certaines coutumes. Son territoire est l'un des rares à témoigner d'une présence française depuis près de quatre siècles. Voici dix curiosités uniques de l'île des Sorciers, comme on l'a jadis surnommée.

1) La toponymie

Photo Pierre Lahoud

À l’île d'Orléans, il est souvent question de haut et de bas. Le haut du village désigne la partie ouest, tandis que le bas désigne la partie est. Ces désignations sont des dérivés des expressions maritimes et sont associées au courant du fleuve. On descend donc le fleuve quand on s’en va vers l’est et on le monte quand on s’en va vers Montréal.

Si vous entendez le mot «désert», ne vous étonnez pas, car dès le début du Régime français, ce terme est utilisé pour désigner un terrain défriché. Quant aux terres fortes, il s’agit d’une terre peu fertile contenant de l’argile, alors que les terres «sèches» identifient un sol graveleux.

La toponymie conserve de nombreuses traces de la survivance française sur l’île: on y retrouve le trou Saint-Patrice, qui vient directement du Moyen-Âge, la rivière Dauphine, en mémoire de l’épouse du fils aîné du roi de France, et le Mitan, qui désigne le milieu de l’île. Le trécarré indique la séparation des terres entre les paroisses du nord et du sud, et les coteaux désignent les parties élevées des villages de Saint-Laurent et de Saint-Jean. On y retrouve aussi des abîmes, une pointe du cabaret, des fonds, des anses et des grèves. À n'en pas douter, le souvenir de la Nouvelle-France est bien présent.

2) Le caillou de Saint-Roch

Le caillou de Saint-Roch
Photo Pierre Lahoud
Le caillou de Saint-Roch

Au nord-est du village de Sainte-Pétronille repose une pierre de forme assez particulière que les gens du village nommaient jadis le pied de Saint-Roch. À sa surface, nous distinguons l’empreinte d’un pied d’un homme qui aurait couru, celle d’un chien marchant à ses côtés dans la même direction ainsi que la trace d’un bâton ayant servi d’appui au marcheur. La légende raconte que le chien allait chercher de la nourriture sur la table du seigneur pour la rapporter à Saint-Roch, caché dans les bois.

À l’époque où d’aucuns affirmaient que l’île était envahie par des sorciers, on disait que ces traces étaient celles de Saint-Roch. Certains parlaient même d’un Juif errant, tandis que d’autres étaient convaincus que c’était des empreintes d’un des sorciers de l’île.

Il faut savoir que la légende de Saint-Roch a été amenée par les récollets, qui lui vouaient une admiration particulière.

Chose certaine, le site était extrêmement populaire au milieu du XIXe siècle et attirait les curieux avides de légendes. On y venait de très loin pour voir le pied de Saint-Roch. Encore aujourd’hui, vous pouvez consulter dans la base de données du site de MétéoMédia la mention du Caillou-du-Pied-de-Saint-Roch. Il est aujourd’hui situé sur une propriété privée.

3) La route des Prêtres

La croix de la route des Prêtres
Photo Pierre Lahoud
La croix de la route des Prêtres

La route des Prêtres traverse l’île dans sa largeur et relie les paroisses de Saint-Pierre et de Saint-Laurent. Son histoire remonte à une querelle entre les deux paroisses dans laquelle les prêtres ont eu un rôle à jouer.

Voici l’histoire: autrefois, le village de Saint-Laurent portait le nom de Saint-Paul. Au début du XVIIIe siècle, Mgr de Saint-Vallier donne à cette paroisse une précieuse relique de Saint-Paul. C’est à peu près au même moment où les citoyens du village décident de changer de nom pour celui de Saint-Laurent.

Photo Pierre Lahoud

Le curé de Saint-Pierre demande alors d’échanger la relique donnée par Mgr de Saint-Vallier pour une autre de Saint-Clément; la transaction s’effectue, mais certains citoyens mécontents de l’échange volent la relique de Saint-Paul et la rapportent dans leur église. Les esprits s’enflamment et le conflit s’envenime. L’évêque est alors obligé d’intervenir et ordonne la remise des reliques respectives. Pour ce faire, les citoyens des deux paroisses se rendent en procession chacun de leur côté afin de faire l’échange des précieux objets. Depuis ce temps, ce chemin est appelé la route des Prêtres, et la croix au centre rappelle l’endroit où l’échange a eu lieu.

4) Une église construite par le diable

L'église de Saint-Laurent
Photo Pierre Lahoud
L'église de Saint-Laurent

La deuxième église de Saint-Laurent fait partie d’une longue série de temples qui auraient été construits par le diable.

La légende raconte que pendant la construction, il était difficile de transporter les pierres, étant donné qu’elles étaient en haut d’une côte abrupte située près de l’église. La montée était ardue pour les chevaux, qui se fatiguaient rapidement. Pour remédier à la situation, l’entrepreneur dit au curé qu’il allait trouver un cheval tellement fort que celui-ci allait effectuer les travaux de tous les chevaux. L’homme s’enferme plusieurs jours avec le Petit Albert, un livre de sorcellerie.

Peu de temps après, l’entrepreneur se pointe sur les lieux des travaux avec un superbe cheval noir, beau et si fort; on n'avait jamais vu une bête pareille. Il dit au curé et aux travailleurs de le faire travailler autant qu’ils le veulent, mais avec l’interdiction absolue de le débrider.

Au cours d’une journée particulièrement chaude où le cheval est complètement exténué, à la suite des nombreux allers-retours, son conducteur le prend en pitié et l’amène à un cours d’eau pour le désaltérer. Aussitôt la bride enlevée, le cheval disparaît comme par enchantement. Et selon la légende, il manque toujours une pierre à la façade de l’église, soit celle du diable.

5) Des Allemands à Saint-Jean

Les anciens créneaux de La Rhundhein situés face au manoir Mauvide-Genest.
Photo Pierre Lahoud
Les anciens créneaux de La Rhundhein situés face au manoir Mauvide-Genest.

En 1911, des Allemands entrent en communication avec des cultivateurs de Saint-Jean pour acquérir des terrains sur le bord du fleuve. Leur intention est d’y construire une usine de fabrication de ciment. Le projet se réalise et La Rhundhein est en activité pendant près de six ans. Alors que l'usine est située à l’est du village avec une vue splendide sur l’estuaire, des Allemands, mais aussi des Polonais, des Italiens et des Orléanais y travaillaient également.

Il semble toutefois que les Allemands y faisaient de l’espionnage pour leur pays en observant la circulation des navires sur le fleuve. Il faut dire que l’endroit est bien choisi, car Saint-Jean est un point d’arrêt pour permettre le changement des pilotes qui en assurent la navigation.

Or, vers 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale, le service d’espionnage du Canada arrête les Allemands. Les soupçons d’espionnage semblent s’avérer, puisqu’une carte topographique extrêmement détaillée de l’île réalisée par les Allemands est découverte. De plus, la cimenterie avait une base qui reposait sur un plancher de béton armé de plus de 5 m d’épaisseur, ce qui est exagéré pour une cimenterie, mais pas du tout pour supporter un canon du type de la Grosse Bertha.

Des produits réalisés par la cimenterie, il reste les créneaux situés en face du manoir Mauvide-Genest.

6) Le tambour

Un tambour situé à Saint-Jean
Photo Pierre Lahoud
Un tambour situé à Saint-Jean

Tout autour de l’île, quand arrive la saison hivernale, de petites constructions se greffent au corps principal des maisons. Ce sont des tambours, de petits édicules qui précèdent l’entrée principale de la maison.

Le tambour est un bel exemple d’adaptation aux hivers québécois. À l’origine, il est installé de façon temporaire à l’arrivée de la saison froide. Dans un pays nordique comme le Québec, protéger la porte d’entrée des vents froids de l’hiver est essentiel pour assurer un certain confort. Il devient en quelque sorte une espèce de sas extérieur qui isole contre les intempéries.

Au Québec, les premières mentions des tambours datent de 1694, mais c’est surtout au XVIIIe siècle qu’apparaît toutefois le tambour amovible greffé au rez-de-chaussée.

Photo Pierre Lahoud

Pourquoi l’appelle-t-on «tambour»? Il semble que les gens, en rentrant dans le tambour avec les bottes pleines de neige, se mettaient à taper du pied pour enlever la neige et que le bruit qui en résultait ressemblait à un roulement de tambour.

Ces édicules ont engendré une autre forme de tambour, soit de petites cabanes pour enfants que l’on voit maintenant sur le bord de la route et qui leur permettent d’attendre l’autobus scolaire en toute sécurité et à l’abri du vent.

7) Un étrange graffiti

Le graffiti de l'église Saint-François
Photo Pierre Lahoud
Le graffiti de l'église Saint-François

En 1988, l’église de Saint-François est la proie des flammes. Au cours des travaux de restauration, une étrange inscription est découverte dans le mortier du mur, côté sud. Cette trouvaille hors du commun constitue un témoignage important de l’histoire du Québec.

Lors de l’attaque des Anglais à Québec en 1759, le navire Neptune, d’une capacité de 300 tonneaux, transportant 90 canons et 770 hommes d’équipage – ce qui est l’un des plus gros de la flotte de Wolfe –, ne peut se rendre à Québec à cause de la faible profondeur du fleuve. Il doit donc demeurer ancré face à l’église de Saint-François qui, elle, est transformée en hôpital de campagne.

Dans l’église, on retrouve un marin blessé, David Chapman. Las d’attendre, il prend son couteau et grave dans le mortier l’inscription suivante: David Chapman August the 26th 1759 Belonging to her Majestys Ship Neptune.

Qui aurait pu dire que 250 ans plus tard, ce David Chapman aurait fait parler de lui. Le graffiti a été soigneusement récupéré et mis en valeur à l’intérieur de la nouvelle église reconstruite peu après la conflagration.

8) Les granges de pierre et les portes de couleur rouge

Les portes rouges des bâtiments de l'île d'Orléans
Photo Pierre Lahoud
Les portes rouges des bâtiments de l'île d'Orléans

En France et particulièrement dans les régions de Normandie et du Perche, d’où proviennent la majorité des premiers colons, les bâtiments de ferme sont construits en pierre

Les colons ne tardent pas à remplacer la pierre par le bois, qui est plus facile d’entretien et plus adapté au climat nordique que nous connaissons. Exceptionnellement, nous retrouvons encore des traces de ces granges en pierre, mais celles-ci sont devenues de plus en plus rares.

En revanche, ce qui est plus courant et même pratiquement généralisé, ce sont les couleurs éclatantes et vives que l’on retrouve sur les portes et les cadres des ouvertures des granges et dépendances.

À quoi cela est-il dû? Coquetterie de l’habitant? Il faut savoir qu’à une certaine époque, le rouge est une couleur souvent disponible et à un prix abordable. Il semble même que cette tradition nous provient des États-Unis, où on utilisait cette couleur pour les bâtiments agricoles. On dit aussi que pendant les tempêtes de neige, une porte rouge sur un fond blanc est facilement repérable et permet au cultivateur de trouver rapidement son chemin. Chose certaine, ces couleurs n’étaient pas fabriquées à partir du sang de bœuf, comme on l’a si souvent souligné.

9) Le ganoé

Un ganoé de l'île d'Orléans
Photo Pierre Lahoud
Un ganoé de l'île d'Orléans

Faire le tour de l’île, c’est pouvoir observer la présence encore nombreuse de fermes. La disposition de ces ensembles agricoles attire l’attention, puisqu’elles sont situées en retrait de la maison principale, soit derrière elle et en parallèle. Cette disposition est voulue pour empêcher - si jamais il y avait conflagration - que celle-ci ne puisse s’étendre aux autres bâtiments.

Pour sa part, la grange-étable est conçue de façon à ce que les animaux soient au rez-de-chaussée. À l’étage, une grande pièce appelée «fenil» sert à entreposer les fourrages pour la saison hivernale. Or, pour y accéder, on aménage un ponceau extérieur que l’on nomme «montée de grange», «ganoé» ou «garnaud». Cette structure vient s’ancrer au mur de la grange et permet aux charrettes remplies de foin de se rendre à l’intérieur de l’enceinte pour y décharger le fourrage.

Le terme de ganoé est en fait un anglicisme adapté de l’expression going away, gone way, gan way.

Détail intéressant, la porte située au haut du ganoé est orientée en fonction des vents dominants et de façon à ce que la neige ne s’entasse pas devant l’entrée pour en bloquer l’accès. Il faut que le vent joue en quelque sorte le rôle de souffleuse à neige.

10) L’intérieur de l’église de Saint-Pierre

Les bancs à portes et le tuyau des poêles de l'église de Saint-Pierre.
Photo Pierre Lahoud
Les bancs à portes et le tuyau des poêles de l'église de Saint-Pierre.

L’intérieur de l’église de Saint-Pierre comporte certaines curiosités exceptionnelles qui la distinguent d’autres temples religieux. Le tabernacle est remarquable par son élégance et la finesse de ses proportions, tandis que le tombeau du maître-autel étonne à cause de sa ligne bombée et de la présence des armoiries papales.

Ce qui étonne le plus, et qui pourtant était très courant à une certaine époque, ce sont les bancs à portes qui servaient jadis à conserver la chaleur des fidèles. D’ailleurs, pour se prémunir du froid glacial, ceux-ci arrivaient avec leurs briques chaudes qu’ils installaient avec eux dans le banc à portes.

Autre curiosité, le tuyau central auquel s’embouchaient les deux poêles à bois, l’un situé en avant et l’autre en arrière de la nef, dans le but de chauffer constamment pendant les cérémonies liturgiques. Et malgré cela, le temple demeurait extrêmement froid. Ce tuyau de poêle, qui ne devant être qu’utilitaire, a été enjolivé par un ferblantier qui a réalisé des motifs végétaux et créé un chapeau original.

«C’est de la belle ouvrage», comme on disait à l’époque.

Un texte de Pierre Lahoud, historien, Société historique de Québec

  • Pour en apprendre davantage, vous pouvez consulter le livre Curiosités de l'île d'Orléans, de Pierre Lahoud, édité aux Éditions GID en 2022.
  • Vous pouvez consulter la page Facebook de la Société historique de Québec en cliquant ici et son site web en vous rendant ici. 
  • Vous pouvez également lire nos textes produits par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en cliquant ici et ceux de Rendez-vous d'histoire de Québec en vous rendant ici.
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