Dommages causés en Ukraine par l’invasion russe: «Plus qu’un crime de guerre, c’est un écocide»
Le ministère de l’Environnement de l’Ukraine accorde une entrevue au Journal
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La dévastation de la biodiversité causée par l’armée russe en Ukraine n’est rien de moins qu’un « écocide », selon le ministre de l’Environnement de ce pays en guerre, qui est résolu à faire payer l’envahisseur.
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« Notre nature a subi des dommages colossaux du fait de l’invasion russe. [...] Je considère que, plus qu’un crime de guerre, c’est un écocide », a déclaré Ruslan Strilets, ministre de la Protection de l’environnement et des Ressources naturelles de l’Ukraine, en entrevue avec Le Journal.

Depuis février, c’est la nature de son pays, autant que ses habitants, qui est attaquée.
Des forêts brûlent après les bombardements. Des animaux sont désorientés, blessés, tués. Des aires protégées sont en péril.
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À travers cette tragédie, des centaines de fonctionnaires ukrainiens s’appliquent à évaluer à quel point la biodiversité souffre de l’invasion russe.
« Notre but, c’est de créer un rapport et de le présenter à la Russie pour qu’elle nous dédommage quand la guerre sera finie », poursuit l’élu ukrainien, qui envisage un recours au droit international.
Le plus récent décompte du ministère fait état de 2239 cas de dommages environnementaux en tous genres, de la pollution de l’air au nombre d’hectares de forêts occupées.
Mortalité de masse
Les cétacés de la mer Noire, au sud de l’Ukraine, sont parmi les animaux les plus touchés par l’invasion ordonnée par le président russe Vladimir Poutine, selon le ministre.
« On parle de mortalité de masse. Nos experts ont relevé plus de 700 morts de dauphins, mais des données non officielles laissent présager qu’elles se comptent par milliers », s’inquiète-t-il.
Les biologistes croient qu’ils seraient morts d’un trauma acoustique dû à la pollution sonore des sonars des bateaux russes dans ces eaux.
« La guerre a affecté la vie de tellement d’espèces, et pas seulement des humains », laisse tomber avec tristesse Volodymyr Domashlinets, un délégué ukrainien à la COP15.
Forêts ravagées
C’est sans compter les dommages aux riches écosystèmes de l’Ukraine, qui possède 35 % de la biodiversité sur le continent européen, même si elle n’occupe que 6 % de sa superficie.
À plus de 1000 reprises, des missiles ont déclenché des feux de forêt, quand ce ne sont pas leurs rejets toxiques dans la nature qui sont problématiques, énumère le ministre Ruslan Strilets.
« Déjà, on voit que les forêts des territoires qu’on a libérés ont été très endommagées, et que ça prendra beaucoup d’efforts pour les restaurer », ajoute-t-il.
Les grands milieux humides du sud de l’Ukraine, reconnus comme d’intérêt international, ont eux aussi été détériorés par la présence militaire russe, mentionne M. Domashlinets.
Face à toute cette dévastation, Ruslan Strilets veut redoubler d’efforts pour protéger la biodiversité en Ukraine, et éventuellement pouvoir rejoindre l’Union européenne, qui établit certains standards en la matière.
Des « terroristes »
Le Parlement ukrainien a adopté 13 nouvelles lois environnementales dans les neuf derniers mois, dit le ministre.
« Notre ministère n’a pas arrêté de travailler une seule journée, malgré les circonstances très difficiles. »
Lui-même multiplie les présences à l’international, comme à la COP27, pour sensibiliser le monde aux conséquences de l’invasion russe sur la nature.
Des pourparlers avec l’envahisseur sont cependant hors de question.
« On ne planifie aucune négociation avec la Russie pendant la COP15. On ne négocie pas avec des terroristes », affirme froidement M. Strilets, qui sera bientôt à Montréal pour participer à cet événement.
Des dommages désastreux pour la nature
- 20 % des aires protégées de l’Ukraine affectées par la guerre
- 10 parcs nationaux en territoire occupé par les Russes
- 600 espèces animales et 750 espèces de plantes et de champignons directement menacées
- >1000 feux de forêt déclenchés par des bombardements
- 500 stations d’épuration de l’eau endommagées
- Environ 33 millions de tonnes de CO2 reliées à l’invasion russe
Source : Ministère de la Protection de l’environnement et des Ressources naturelles de l’Ukraine