Pourquoi cette sénatrice a gâché le party des démocrates
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Mardi soir dernier, les démocrates se réjouissaient de la réélection de Raphael Warnock au poste de sénateur de la Géorgie. Vendredi, la sénatrice démocrate de l’Arizona, Kyrsten Sinema, mettait fin aux réjouissances en annonçant qu’elle siégerait désormais comme indépendante.
Une rare défection
Intelligente et flamboyante, la première sénatrice bisexuelle de l’histoire du Sénat américain s’est régulièrement retrouvée sous les projecteurs lors des deux premières années de la présidence Biden.
En compagnie de son collègue Joe Manchin, elle a freiné les projets les plus ambitieux du président. Si Manchin peut aisément alléguer que son électorat conservateur de la Virginie-Occidentale ne lui pardonnerait pas des écarts trop progressistes, la défection de Sinema est plus complexe à expliquer.
Outre la sénatrice de 46 ans, il n’y a que huit autres politiciens qui ont ainsi changé de camp depuis 1951. De ce nombre, la moitié se sont ensuite identifiés comme indépendants. Ce qui est plus important peut-être pour la suite des choses, six des huit sont parvenus à se faire réélire.
La défection de Sinema modifie donc la composition du Sénat où se retrouvent maintenant 49 républicains, 48 démocrates et 3 indépendants. Les deux autres indépendants, Bernie Sanders, du Vermont, et Angus King, du Maine, se rallient habituellement au Parti démocrate lorsque vient le temps de voter.
Même si son annonce a eu l’effet d’une bombe, Sinema soutient que son changement d’allégeance aura peu de retombées sur sa manière d’enregistrer ses votes. Même si ses oppositions ont été lourdes de conséquences pour le président, elle l’a malgré tout appuyé 93% du temps.
Opportuniste ou stratège?
Si elle a soutenu Biden si souvent et qu’elle envisage de garder le cap, pourquoi cette annonce fracassante, trois jours après la victoire de Warnock? Ici, les avis sont partagés.
Pour certains de ses collègues et plusieurs observateurs, la sénatrice est particulièrement sensible aux avis de ses généreux donateurs, parmi lesquels on retrouve des donateurs républicains.
De méchantes langues vont jusqu’à affirmer qu’en raison de ses votes les plus controversés, Sinema a perdu de précieux appuis dans son État et qu’elle saurait tirer avantage de ses liens avec des compagnies pharmaceutiques et pétrolières pour se dénicher un emploi bien rémunéré après avoir renoncé à son siège en 2024.
Bien difficile pour l’instant de déterminer à quel point Sinema est opportuniste, mais on peut également attribuer son geste à une stratégie en prévision de la campagne 2024. Effectivement déçus de leurs candidates, les démocrates avaient l’intention de lui opposer un candidat progressiste pour les prochaines primaires.
En quittant sa formation politique, la sénatrice évite des primaires qu’elle pourrait perdre et elle réoriente le message pour s’adresser aux nombreux indépendants de son État, tout en courtisant les démocrates conservateurs et quelques républicains.
Selon le site FiveThirtyEight, l’Arizona compte 1,3 million de démocrates, 1,4 million de républicains, mais également 1,3 million d’électeurs sans affiliation. La stratégie de Sinema est jouable, mais particulièrement risquée.