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Ils restaurent des terres qui ne peuvent pas se régénérer

L’entreprise québécoise plante des espèces indigènes dans l’Amazonie péruvienne

Viridis Terra Viridis Terra
Photo fournie par Benoit Limoges Des arbres plantés il y a un an par Viridis Terra dans l’Amazonie péruvienne font maintenant plus de 3 mètres de haut.

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Une start-up québécoise avant-gardiste propose aux entreprises du monde entier de restaurer des terres au Pérou pour compenser les pertes de biodiversité dont elles sont responsables.

« Il y a 40 ans, j’étais considéré comme un hippie “flyé”, mais maintenant les écologistes et les biologistes sont de véritables joueurs. On nous prend enfin au sérieux », affirme Benoit Limoges, un sourire en coin.

Ce dernier est spécialiste de la biodiversité chez Viridis Terra, une entreprise d’ici qui travaille à restaurer des terrains de l’Amazonie péruvienne autrement incapables de se régénérer naturellement.

Benoit Limoges est responsable de la biodiversité chez Viridis Terra
Photo fournie par Benoit Limoges
Benoit Limoges est responsable de la biodiversité chez Viridis Terra

« Selon la loi au Pérou, si une entreprise a un impact sur 100 hectares de forêts tropicales, elle doit s’assurer que ces 100 hectares-là seront compensés. C’est là que nous, on arrive. On vient effacer leur impact sur la biodiversité », avance le biologiste de profession qui participe à la COP15.

Pour ce faire, Viridis Terra collabore actuellement avec une trentaine de propriétaires des terres dégradées par des usages intensifs comme l’agriculture ou le pâturage.

Elle fournit le financement, la formation et les plants. Les paysans de Yurimaguas et de Pucallpa s’occupent de la suite.

L’entreprise espère protéger 700 hectares et en restaurer 1000 autres dans la prochaine année, soit environ 2500 terrains de football.

À terme, les mauvaises herbes seront remplacées par un écosystème combinant différents types d’arbres – fruitiers ou non – et des plantes indigènes.

On voit que plusieurs essences d’arbres cohabitent sur ce terrain restauré, dont des bananiers.
Photo fournie par Benoit Limoges
On voit que plusieurs essences d’arbres cohabitent sur ce terrain restauré, dont des bananiers.

Calculs compliqués

Les clients de Viridis Terra, qui proviennent de partout au monde, investissent un minimum de 6000 $, ce qui permet de restaurer environ un hectare.

Des comptes-rendus sont ensuite faits « sur l’aspect financier, climatique, biodiversité et les 16 objectifs de développement durable [des Nations Unies] », affirme Benoît Limoges.

S’il est relativement aisé de mesurer le carbone émis par une compagnie, il en est tout autrement pour évaluer les milieux naturels qu’elle endommage. 

« En biodiversité, on est parfois jaloux de ceux en carbone. Ils calculent en termes de CO2, mais nous, on n’a pas d’unité de mesure facile pour évaluer nos résultats. C’est à l’échelle des écosystèmes, des espèces, des gènes... »

De plus en plus communs

Malgré ces embûches, le biologiste entrevoit que la popularité des crédits de biodiversité n’ira qu’en augmentant.

Déjà, plusieurs grandes banques de développement international imposent des règles de « zéro perte nette » en biodiversité aux projets qu’elles financent, et l’Europe démontre un grand intérêt.

« Toutes les entreprises devraient connaître leur empreinte sur la biodiversité et la réduire », soutient M. Limoges, qui voudrait bientôt voir établi un marché réglementé international de la biodiversité. 

Des promesses qui doivent être certifiées 

Pour être réellement utiles, les crédits de biodiversité devront être étroitement surveillés et certifiés par des organismes indépendants, préviennent des spécialistes.

« Ma première question, c’est toujours : qui va garantir que les projets sont efficaces ? » affirme Paulina Arroyo Pardo, experte en comptabilité environnementale et professeure à l’UQAM.

Car si les certifications pour les crédits du carbone sont de plus en plus nombreuses et crédibles, ce n’est pas encore le cas pour celles encadrant les crédits de biodiversité.

« Il faut absolument prouver de façon indépendante que le projet a réussi à livrer ce qu’il avait promis », insiste Mme Arroyo Pardo.

Même la plantation d’arbres n’est pas toujours un gage de succès, comme en témoigne la plantation d’arbres en piteux état censée compenser les GES émis pendant la reconstruction de l’échangeur Turcot.

À l’affût

« On doit être vigilants, parce que c’est comme dans n’importe quel nouveau jeu. Il y a des tricheurs qui s’essaient », ajoute Jean-François Boucher, un professeur de l’Université du Québec à Chicoutimi qui s’intéresse aux crédits carbone.

Celui-ci recommande aux investisseurs d’être à l’affût des redditions de compte de l’entreprise et de sa conformité actuelle à une norme, quelle qu’elle soit.

Pas demain la veille

Gaston Déry, conseiller stratégique en développement durable, est pour sa part enthousiaste face à ce nouveau type de crédit compensatoire qui en est à ses balbutiements.

« C’est extrêmement intéressant, mais ce n’est pas demain la veille qu’on va arriver avec un système certifié, à cause de la complexité des divers écosystèmes », envisage le passionné de la vie marine.

Entre-temps, Jean-François Boucher conseille aux intéressés de se tourner vers des entreprises qui vendent des crédits carbone avec une certification double en biodiversité.

« Elles mettent sur pied des projets qui séquestrent du carbone, et qui, en même temps, veillent à la restauration de la biodiversité dans les forêts », conclut-il.

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