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Mont-Sainte-Anne: une privatisation ratée



Chaque fois qu’il y a un bris d’équipement au Mont-Sainte-Anne – chose récurrente dans les dernières années –, les mêmes souvenirs me reviennent en tête.

Ceux du chef libéral Daniel Johnson, à l’été 1994, défendant fièrement – sur ce ton cassant qui le caractérisait – la vente d’une des plus belles montagnes skiables du nord de l’Amérique.

Car oui, jusque-là, le Mont-Sainte-Anne appartenait à l’État. Il relevait de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ).

«Gondoles»

«Ce n’est pas le rôle de l’État de gérer les gondoles du Mont-Sainte-Anne», tranchait Johnson.

Quel paradoxe : à force de voir ces mêmes gondoles s’écraser au sol, mettant à risque la sécurité, voire la vie de ses utilisateurs, plusieurs voix, au premier chef des «gens d’affaires», réclament que l’État reprenne le contrôle, voire que Resort of the Canadian Rockies (RCR), l’opérateur actuel, soit carrément «exproprié».

En mars, j’avais reçu à Qub deux anciens ministres de la Capitale-Nationale, l’une péquiste, Agnès Maltais, et l’autre libéral, Sam Hamad, qui réclamaient précisément cela.

Maltais et d’autres ont repris le même discours hier et on les comprend. Les signes de sous-investissement à la Montagne sont légion. Et maintenant, les inquiétudes sont telles que le comité Avenir Mont-Sainte-Anne exige du gouvernement Legault une enquête sur la sécurité des installations. La même chose est demandée pour Stoneham, sa station sœur.

RCR n’est pas propriétaire du fonds du terrain du Mont-Sainte-Anne, mais le bail lui cédant l’opération prend fin le 25 août 2093.

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Le culte du privé

1994 : c’était le dernier sursaut d’une idéologie qui avait fait florès au début des années 1980, popularisée par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Selon ce courant, le «privé» faisait toujours mieux que le public.

Le contrat de privatisation du Mont-Sainte-Anne fut signé en catastrophe le 31 août 1994, douze jours avant les élections générales qui allaient ramener le PQ au pouvoir. Le chef péquiste Jacques Parizeau, au sujet de la vente du Mont-Sainte-Anne, avait parlé d’une histoire «à la limite scabreuse». Le jeune chef de l’ADQ Mario Dumont qualifiait de «ventes de garage» la privatisation du Mont-Sainte-Anne et d’autres privatisations bâclées de Johnson.

L’acquéreur, à l’époque, était le consortium Club Resorts-Désourdy (9007-8635 Québec inc.). Il devait payer 20,3 M$, avec promesse d’investir 150 M$ en 10 ans «pour en faire une station sportive ouverte quatre saisons et développer le parc immobilier au pied des pentes». Cela ne se matérialisera jamais.

En 2003, neuf ans après la transaction, la SEPAQ avait même dû s’adresser aux tribunaux afin de réclamer une somme de 750 000 $ plus les intérêts au nouveau propriétaire (RCR) «pour le non-paiement d’une partie du solde du prix de vente».

Le Mont-Sainte-Anne n’était pas rentable avant la vente de 1994. Mais 28 ans plus tard, on comprend qu’en garder l’opération publique aurait été clairement plus payant pour la collectivité. Et plus sécuritaire.







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