Épuisé et endetté, cet Ukrainien qui vit ici continue de tout faire pour aider son pays
Malgré l’épuisement et l’endettement, un éducateur spécialisé d’origine ukrainienne continue d’amasser des fonds pour mettre un baume sur les souffrances de ses compatriotes après s’être rendu deux fois à la frontière du pays envahi. Sa nouvelle mission : envoyer des génératrices à ceux qui ont froid.
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Sur le fond d’écran de son cellulaire, on peut voir un de ses proches en habit de camouflage, mitraillette à la main.
Ce jeune homme, qu’on ne peut nommer pour des raisons de sécurité, jamais Oleg Koleboshyn ne l’aurait imaginé en militaire.
« C’est bouleversant », dit-il à propos de tous les drames et souffrances qui lui sont racontés dans le cadre de ses activités de bénévole.
Oleg Koleboshyn, 43 ans, a immigré de l’Ukraine vers le Québec avec sa famille en 2010. Il travaille comme éducateur spécialisé dans une école de LaSalle.
Il a attiré l’attention des médias l’hiver dernier, lorsqu’il s’est rendu à la frontière de l’Ukraine et de la Roumanie pour rapatrier des proches touchés par l’invasion.
Il s’est retrouvé à assister de nombreux inconnus, dormant trois heures par nuit pour les aider avec la bureaucratie canadienne et à trouver un logement à Bucarest.
Il lui est même arrivé de leur payer le loyer, sans compter tous les frais de visas qu’il a déboursés de sa poche et pour lesquels il n’a toujours pas été remboursé par le gouvernement canadien, raconte-t-il en entrevue avec Le Journal.
Traumatismes
Depuis, ses initiatives se succèdent pour venir en aide aux Ukrainiens, ceux restés là-bas comme ceux venus se réfugier ici.
Au printemps dernier, celui qui a été psychologue dans son pays natal a offert du soutien à distance à des Ukrainiens, dont beaucoup sont traumatisés par les horreurs vécues.
En août, il a couru 126 km et amassé presque 5000 $, qui ont servi à acheter quelque 500 tablettes à des écoliers qui doivent faire l’école à distance en raison des bombardements.
Il amasse maintenant des sous pour commander des génératrices achetées en Europe puis acheminées en Ukraine.
Défi logistique
Depuis octobre, les forces russes ont entamé une campagne de destruction des infrastructures civiles et énergétiques du pays, plongeant de nombreuses familles dans le noir et dans le froid.
Cinq génératrices ont déjà été achetées. Une seule a été expédiée, le 11 décembre. Il attend de voir si elle se rendra à destination, les risques de vol étant grands.
« Si c’est fiable, on va envoyer les autres. »
À ce jour, il a amassé environ 850 $, alors qu’une seule génératrice à essence coûte quelque 700 euros et la faire transporter, plus de 100 euros, estime-t-il.
« C’est comme ton bébé »
L’endettement fait donc partie de sa nouvelle réalité de bénévole rattaché à aucun organisme. Il se dit d’ailleurs touché par la confiance que lui accordent les donateurs.
« Je suis comme un proche aidant [...]. C’est comme ton bébé : tu n’as pas le choix, tu dois changer la couche, image-t-il. Tu ne peux pas arrêter [d’aider]. Et c’est normal. Même si c’est lourd dans l’esprit. »
Avait-il déjà imaginé qu’il jouerait un jour un tel rôle ? Pas du tout.
« Paradoxalement, je n’étais pas trop attaché à l’Ukraine [avant l’invasion] », dit celui qui a maintenant un drapeau bleu et jaune dans sa voiture.
Il dit connaître plusieurs autres personnes d’origine ukrainienne, et même russe, qui se démènent comme lui. « Mon cas a été médiatisé, mais les autres travaillent chaque jour dans l’ombre. Et la plupart sont épuisés. »
Beaucoup repartent en Ukraine
Beaucoup d’Ukrainiens choisissent de rentrer à la maison, maintenant que les signaux laissant présager une éventuelle victoire se dessinent et malgré la situation encore difficile pour les civils, observe M. Koleboshyn.
Quand il s’est rendu à la frontière de l’Ukraine pour la première fois en mars dernier, l’attente était longue pour entrer en Roumanie.
Quand il s’est rendu en Slovaquie en avril afin de rapatrier sa mère, c’était le contraire. « La file vers l’Ukraine était beaucoup plus longue. »
Sa propre mère, après avoir passé cinq mois au Québec, a décidé de retourner en Ukraine en septembre pour retrouver son mari et ses autres fils, qui n’ont pas le droit de quitter le pays.
« Le temps passé ici l’a calmée », a enlevé une couche de panique, explique-t-il. « Maintenant, on ne pense plus qu’il y aura d’attaque nucléaire. »
Il croit toutefois que la plupart des Ukrainiens venus au Canada choisiront d’y rester, puisqu’une bonne part de ceux qu’il connaît avait déjà l’intention de s’y installer et de contribuer à la société.