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Atteinte d'une maladie rare: aucun recours même si elle risque de perdre ses dents

Elle a besoin de 70 000 $ pour reconstruire sa dentition en raison d’une maladie rare

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Malgré ses 30 ans, Myriam Paradis-Lalancette a essentiellement une dentition d’enfant, qu’elle va éventuellement perdre. Elle vient de lancer une collecte de fonds pour financer une opération pourtant essentielle sur le plan médical. Photo Agence QMI, Joël Lemay


Une femme de 30 ans qui n’a pratiquement que sa dentition d’enfant en raison d’une maladie rare ne sait plus vers qui se tourner pour financer la chirurgie buccale dont elle a besoin, mais qui n’est pas couverte par la RAMQ.

«J’ai été en colère très longtemps [...] C’est une somme énorme. C’est une absurdité de devoir payer ce montant-là.»

Myriam Paradis-Lalancette est née avec seulement trois bourgeons de dents d’adultes, dont une qui a dû être arrachée. À 30 ans, sa dentition est essentiellement constituée de dents de bébé. 

«C’est une épée de Damoclès [...] Ce que les professionnels me disent, c’est qu’on ne sait pas quand mes dents vont tomber.»

Et quand elles se mettront à tomber, sa mâchoire se détériorera. 

La solution : reconstruire sa dentition au complet. Pour le haut seulement, cela impliquerait de lui faire des implants zygomatiques, c’est-à-dire ancrés dans l’os de la joue. Ensuite, la pose d’une prothèse temporaire, puis d’une autre à long terme. 

«L’horloge sonne»

Le coût total estimé est de plus de 70 000 $. Or, cette opération n’est pas couverte par la Régie de l’Assurance maladie (RAMQ), même si elle est médicale et essentielle. 

«Quand je l’ai appris, j’ai eu un choc. J’ai disjoncté émotionnellement.» 

«Je ne viens pas d’un milieu nanti», précise celle qui est travailleuse autonome en architecture de paysage. Elle a donc enterré tant bien que mal le problème pendant des années. 

Mais voilà que «l’horloge sonne». Ses dents du bas sont de moins en moins stables. Elle a parfois mal en croquant un simple grain d’avoine. 

«Ping pong» médical

Depuis qu’elle est toute petite, elle subit le «ping pong» des professionnels de la santé qui ne savent pas quoi faire avec son cas. 

Elle a donc longtemps vécu non seulement avec un sentiment d’injustice, mais aussi de honte, tout en se disant que «d’autres vivent des choses pires que ça.» 

Reste qu’elle a dû adapter son alimentation pour contourner le problème. Un pain ciabatta, c’est trop coriace pour sa dentition. Elle ne mange presque pas de viande. Mâcher un «steak» est une entreprise trop laborieuse. 

«Quand je mange une pomme, il faut que je m’assoie», illustre la résidente de Sainte-Béatrix, dans Lanaudière. 

Parcours du combattant

Ce n’est qu’en 2018 qu’un diagnostic de la clinique de génétique du CHU Sainte-Justine est posé : elle est atteinte d’une maladie génétique nommée syndrome de dysplasie odonto-onycho-dermique.

Elle est alors âgée de 26 ans, donc trop âgée pour être prise en charge à Sainte-Justine. Quand elle était enfant, on lui disait pourtant qu’il faudrait attendre qu’elle soit adulte pour intervenir, raconte-t-elle.

«C’est une maladie très rare, qu’on va rencontrer une à deux fois dans une carrière», indique le Dr Michel El-Hakim, le spécialiste en chirurgie buccale et maxillo-faciale qui a fourni une soumission cet été à Mme Paradis-Lalancette.

«Il faut qu’elle soit traitée [...] Le corps a horreur des choses inutiles. Dès que les dents partent, les os deviennent non fonctionnels», explique-t-il.

En 2018, la RAMQ l’a référée à l’Ordre des dentistes, qui l’a référée à la RAMQ, qui la réfère maintenant au ministère de la Santé. Elle a contacté sa députée locale, ainsi que des élus de tous les partis politiques, pour ne recevoir que des accusés de réception. 

Pour la première fois en quatre ans, le bureau d’un député l’a rappelée cette semaine, sans toutefois pouvoir lui faire de promesses. 

Elle a donc lancé une collecte de fonds, en espérant que la générosité des gens l’aidera à payer l’opération. «C’est ça, ou le tourisme dentaire», résume-t-elle.


Pour participer à la collecte de fonds de Myriam Paradis-Lalancette, cliquez ici.


Des dentistes veulent une couverture élargie

Les patients atteints d’une maladie rare ne devraient pas avoir à «hypothéquer leur maison» pour accéder aux soins dentaires dont ils ont besoin, déplorent des dentistes qui croient que la couverture devrait être élargie.

«Il y a des gens qui sont en attente d’une chirurgie [gratuite] pour la hanche et qui me disent : j’aimerais mieux pouvoir manger [normalement] que de me faire remplacer la hanche», témoigne le chirurgien Michel El-Hakim de la clinique Maxillo-Vendôme. 

«La bouche, ça fait partie du corps. Si [Mme Paradis-Lalancette] était née avec une jambe plus longue que l’autre, elle aurait probablement pu être traitée.»

À l’Ordre des dentistes du Québec, on revendique d’ailleurs que l’assurance maladie soit élargie, notamment pour les patients qui ont des problèmes dentaires dus à une maladie orpheline. 

Choix impossible

«Pour eux, c’est souvent un choix économique difficile, voire impossible», dit la présidente Liliane Malczewski. 

«On a longtemps considéré que les problèmes dentaires et de la bouche, c’était purement esthétique. Et c’est tout à fait erroné», explique-t-elle.

Heureusement, les gouvernements sont de plus en plus conscients des impacts de la santé bucco-dentaire sur la santé globale et plusieurs signaux positifs poignent à l’horizon.

Encourageant, mais lent

Le gouvernement fédéral vient de mettre en place la Prestation dentaire canadienne, pour les enfants de moins de 12 ans dont la famille gagne moins de 90 000 $ par année.

Le gouvernement provincial devrait éventuellement accoucher d’un plan d’action avec mesures financières, si l’on se fie à sa Politique québécoise pour les maladies rares publiée en juin dernier.  

Mais à court terme, des patients doivent continuer à faire des «choix déchirants» comme d’hypothéquer leur maison, illustre la Dre Malczewski.  

Questionné par Le Journal, le ministère de la Santé indique par courriel que «les soins dentaires couverts sont inscrits dans la Loi sur l’assurance maladie. Le rôle de la RAMQ est d’appliquer la loi telle qu’elle est.»

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