Essai: les fruits de Maka Kotto
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Je l’avais découvert dans le film de Jacques W. Benoît, Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, adapté du roman de Dany Laferrière que j’avais publié quelques années plus tôt. Il y jouait le rôle de Bouba, le complice de Vieux, qui passe ses journées à lire Freud, à écouter du jazz et à dormir.
Puis je l’avais revu dans un spectacle lors d’un festival Juste pour rire. Je me disais : ce type me plaît, il a des choses à dire. Comme j’avais une collection Humour dans ma petite maison d’édition, je l’avais approché pour explorer la possibilité de publier ses histoires. Nous nous étions donné rendez-vous et la rencontre fut agréable, mais plutôt que de repartir avec ses histoires humoristiques, c’est avec un manuscrit de poésie que je suis ressorti, Femme, que j’ai publié en 2002.
Serge Geoffrion a lui aussi été impressionné par la feuille de route du plus Québécois des Camerounais, qui réussira à se faire élire député de l’Assemblée nationale du Québec, et c’est pour cette raison qu’il nous invite à découvrir ce modèle exceptionnel d’intégration à sa société d’accueil.
Le père de Maka Kotto était propriétaire d’un bar, à Douala, où se produisaient les plus grands musiciens de l’heure. C’est dans cette ambiance qu’il a baigné dès son plus jeune âge, entouré de quatre femmes : ses deux sœurs, sa grand-mère et son arrière-grand-mère, sa mère s’étant séparée de son père alors qu’il était très jeune.
« Ce regard constant que je portais sur la perspicacité et la lucidité des femmes africaines, dira Maka, a été, en quelque sorte, une classe de maître qui a forgé ma personnalité et m’a aidé dans mon cheminement artistique. Ce fut, sans le savoir, une excellente école de vie. »
Marche à l’ombre
Au collège, il se passionne pour les arts, mais cette passion ne l’empêche pas de nourrir une autre passion, celle de la justice sociale. Les grands classiques de l’indépendance, comme Franz Fanon, font partie de ses lectures. La nuit, il distribue des tracts pour dénoncer la dictature qui sévit dans son pays.
Délaissant ses études en sciences politiques, il entre, à 23 ans, au Conservatoire libre du cinéma français à Paris, tout en suivant, le soir, des cours de théâtre et de mise en scène. Le comédien Michel Blanc lui propose alors un rôle dans son premier film, Marche à l’ombre. Énorme succès. Sa carrière est lancée, mais il refusera toujours « d’interpréter des rôles qui pourraient projeter un portrait négatif des Noirs ».
Son rôle dans le film Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer sera déterminant pour la suite des choses. Il découvre un Québec accueillant et ouvert. « On ne tombe pas amoureux d’un pays ; ce sont les gens qui nous font aimer le pays », dit-il.
Après 20 ans d’une carrière artistique internationale où il a interprété une cinquantaine de personnages au cinéma, à la télévision et au théâtre, Maka Kotto accepte l’invitation du premier ministre Bernard Landry de faire le saut en politique. Battu aux élections québécoises, il sortira vainqueur pendant deux mandats aux élections fédérales comme candidat du Bloc québécois dans la circonscription de Saint-Lambert. En mars 2008, il démissionne de son poste de député bloquiste pour se présenter aux élections partielles dans le comté de Bourget sous la bannière du Parti Québécois.
Maka Kotto a été de tous les combats pour l’affirmation de la langue française et la défense de la loi 101 et pour l’intégration des nouveaux arrivants. Aujourd’hui, il continue d’animer par ses écrits et réflexions la vie politique québécoise. Cet ouvrage en témoigne magistralement.
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